- Il tentera donc tout pour éviter le procés ! S’exclama la jeune femme, tambourinant le bureau de ses poings.
Face à elle, son assistante, tétanisée. À sa droite, les droits de l’homme. À sa gauche, « La naissance » de Miro, « Le Baiser« de Klimt et un Kandinsky, elle avait oubliée le nom depuis longtemps. Un peu partout, éparpillées, des œuvres majeures dadaïstes et surréalistes, des reproductions parfaites. Derrière elle, une étagère bondée, vomissant ses livres sans aucune retenue. Aujourd’hui, elle arborait chemise blanche, veston noir, pantalon noir à pont et chaussures à talons brillantes. Ses cheveux étaient retenus en une queue de cheval souple, bien faite. Son maquillage était peu voyant, ses joues rougies par la colère. Elle détestait qu'on lui mette des bâtons dans les roues. Cette histoire de possession était sûrement digne de l'avocat de son "adversaire", comme elle le nommait. Se faire passer pour un possédé, pour cautionner ses actes et éviter un procés scandaleux où Amy comptait bien jouer son rôle, faisant à nouveau couler beaucoup d'encre ( son dernier procés avait été un succés, en ce domaine, où ses répliques avaient désarçonnés le juge et le jury, qui avaient retournés leurs vestes aussitôt ) et permettant la libération de sa cliente.
Mais à ce train là, l'histoire n'irait pas loin. Elle envoya voler dans la pièce un livre de Paul Eluard, qui heurta la fenêtre et rebondit sur le plancher.
- Nous pouvons appeler un prêtre, Madame … osa l’assistante
- Mademoiselle, idiote ! Combien de fois devrais-je te le dire ?
Elle jeta un regard noir à son assistante, qui baissa les yeux. Elle fouilla aussitôt dans sa poche, et prit une cigarette. Son assistante n'oserait pas lui interdire de fumer. Elle fit craquer son briquet, et inspira une bouffée, rapide. Cela ne l'apaisa pas autant qu'elle l'aurait souhaitée.
- Et quand bien même, continua Amy. Un prêtre ! Cela est d’une absurdité !
- Je vous sais cartésienne, Mlle, mais … C’est la seule solution.
Amy fixa un moment le tableau de Klimt, qui la narguait joyeusement, et se retourna brusquement.
- Soit ! Envoyez-moi un prêtre, ici, immédiatement. Et nous verrons bien. Prenez quelques photos, quelques notes de ce prétendu « possédé », envoyez-les moi. Et plus vite que ça !
L’assistante, effrayée, disparut aussitôt, tandis que, regardant par la fenêtre, Amy triturait un crayon de bois. Ce dossier, cela faisait bien longtemps qu’elle l’avait préparée. Pas question que cet idiot gâche tout ! Le crayon de bois se brisa, d’un coup sec. Elle le jeta dans sa poubelle, et se posa sur son siège en cuir. Décidément, ici, ce ne serait pas de la tarte ! Elle tira une nouvelle bouffée sur sa cigarette, qu'elle avait entre-temps posée sur son bureau, et regarda au dehors, les belles rues mondaines autour du Palais de Justice. Elle espérait vite se calmer. Dans ses journées comme ça, elle pouvait vite perdre les pédales. Mais, au fond, se faire passer pour une skizophréne auprés de son assistante lui permattait un grand champ de liberté et de respect. A force de jouer des rôles, elle s'était oubliée elle même ... " Advienne que pourra ", chuchota t'elle en tirant une nouvelle bouffée de tabac.