Le compliment de Telios fit sortir Miya de sa semi torpeur. Elle sourit, par politesse, mais ce genre de compliment, elle l'entendait chaque jour. Il y a quelques mois, sans doute la Demi-déesse s'en serait enorgueillie ; elle aurait gloussé, rougit, et sans doute même ajouté un "Arrêtez, vous me gênez" qui signifiait "Allez-y, continuez à me complimenter".
Non, Miya se contenta d'un simple sourire en levant la tête vers le musicien, malgré la tristesse qui continuait à briller dans son regard.
- Contente que ça vous ait plu. Je n'ai pas la prétention d'appartenir à un opéra, non ! Et ça ne m'intéresse pas... Je n'ai plus ce genre de rêve de grandeur et de reconnaissance. Je me contente très bien du bar où je travaille et où je chante. Mais votre compliment me touche, merci.
Elle n'allait pas avouer à cet inconnu que ce bar était l'endroit où reviendrait son amant - s'il devait revenir - et qu'elle ne pouvait pas se permettre de s'en éloigner. N'importe quel patron aurait pu profiter de cet attachement - et de ce désespoir fou - mais Pablo était quelqu'un de bien, et s'il ne payait pas les heures supplémentaires de Miya, il la fichait parfois dehors pour tenter d'équilibrer la balance. Bien sûr, elle avait perdu de sa superbe d'antan, mais les clients venaient toujours avec l'espoir fou de la séduire - et Pablo comme Miya savaient qu'aucun d'eux n'arriverait à cet exploit. Et puis la question, logique, traversa les lèvres de Krorry, sa main s'était posée sur l'épaule de la demi-déesse. Elle détourna les yeux un instant, gardant un visage neutre. Son pouce et son index droits faisaient tourner la bague qui ornait son annulaire gauche, et elle semblait pensive.
Intérieurement, elle se saignait à blanc. Elle se torturait comme elle savait si bien le faire. Sans même s'en rendre compte, et sans le moindre don d'empathie, Miya transmettait sa tristesse à son entourage ; cette fois n'avait pas fait exception. Elle se dégagea de la main de Telios en s'asseyant un peu en retrait. Elle tourna à nouveau le visage vers lui et eu un maigre sourire :
- Je ne souhaite pas vous embêter avec mes soucis, qui sont bien trop personnels pour en parler à un illustre inconnu, qui a certes un talent exceptionnel au violon, et avec qui je viens de partager une chanson merveilleuse... Mais dont j'ignore même le nom...
Miya lui adressa un léger sourire, encore, et lui tendit une main à serrer :
- Je m'appelle Miya. Enchantée de vous connaître.
En espérant qu'il ne remette pas sur le tapis le sujet de sa mélancolie. Une fois qu'il eut donné son nom, elle en chaîna rapidement :
- Vous plairait-il d'aller nous mettre à l'écart et de jouer encore un peu pour moi ? Je pourrai encore chanter, si vous le souhaitez.