Le début d'une mauvaise journée [pv William Dolan]

Le jour se levait sur les bas-fond de la ville, doucement, tranquillement, effaçant la nuit qui venait de se passer. Une nuit qui n'avait pas été de tout repos pour Lilium puisqu'elle sortait juste de son travail. Il était 7h du matin et elle rentrait chez elle, tranquillement. Lilium était l'une de ses femmes qui vendait leur corps pour gagner de l'argent. Elle n'était pas honteuse de son métier et rêvait même de pouvoir évoluer dedans, pourquoi pas diriger une maison close par exemple. Lilium avait de l'expérience dans le métier et assez de force de caractère pour devenir directrice, mais l'occasion semblait ne pas encore se présenter. Elle était une des meilleurs filles de la maison mais cela ne lui convenait guère. Ambitieuse, elle s'éloignait de son lieu de travail pour aller dormir. Elle n'était pas vraiment fatiguée, mais le repos était quelque chose d'essentiel auquel elle ne pouvait échapper. Elle n'avait pas eu le temps de prendre de douche, ni de se changer. Elle avait généralement le temps, mais cette nuit avait été particulièrement longue, et ayant hâte de rentrer chez elle, elle portait donc encore le kimono que toutes les filles devaient porter. Bien évidemment les tenues pouvaient changer selon le désirs des clients et Lilium avait eu plusieurs fois à enfiler des choses particulièrement étranges. Mais elle préfère se taire que de devoir l'avouer.

Sa tenue ne passait pas particulièrement inaperçue mais à cette heure ci peu de gens sortait de chez eux. A sept heure du matin, il devaient être entrain de déjeuner, sûrement. Elle marchait des les petites ruelles, vêtue d'une longue robe chinoise de couleur rouge, orange, jaune, toutes les couleurs chaudes réunies sur un même tissu. Cette robe était légèrement entrouverte sur le côté, fendue de manière à dévoilé ses formes. Lilium, par précaution avait enfilé un long manteau qui recouvrait ses jambes exposées. Elle gardait cependant le manteau ouvert, ayant quelque peu chaud. Pour rentrer chez elle elle avait deux options, soit prendre par la ville et la couper entièrement, soit passer par les petites rues et les parcs, ce qui prenait plus de temps mais était lus discret. La ville devait être entrain de se réveiller, elle passa donc par les parcs, préférant la tranquillité à la rapidité. Son sac à la main, elle traversa deux ou trois ruelles avant de se poser non loin de là sur un banc dans le parc qui venait juste d'ouvrir. Posant son sac à côté d'elle, elle chercha une cigarette dans son paquet et s'en alluma une. Soupirant la fumée, lassée, elle regarda le ciel qui s'éclaircissait de plus en plus.

C'est alors qu'elle s'aperçut que quelque chose clochait. Lorsqu'elle avait posé son sac, elle n'avait pas remarqué tout de suite mais quelque chose manquait. Un petit tintement habituel qui n'était pas là. Elle se précipita tête la première dans le sac à main pour finir par le renverser entièrement sur le banc. Non, elles n'étaient pas là. Lilium avait oubliée ses clefs à son lieu de travail. Sa montre lui indiquait sept heure trente. La maison fermait à huit heure et impossible de trouver le patron après. Il ne lui restait plus qu'une solution, courir. Récupérant à la va vite ses affaires qu'elle jeta négligemment dans son sac, elle commença à se rediriger vers les quartiers. Marchant de plus en plus vite, elle ne cessait de jeter des coups d'oeils stressé à sa montre. Malheureusement lorsqu'elle arriva devant la boutique le rideau de fer était tombé et rien ni personne ne pourrait l'aider à récupérer ses clefs. Lilium balança une vulgaire coup de pied dans la porte et s'assit devant le "magasin". Elle devait donc se débrouiller seule, sans clef pour aller chez elle. Elle devait d'abord prendre une douche, se changer, manger et tout ça sans le moindre argent puisque sa paye était aussi à l'intérieur de la boite, posée sûrement sur une putain de table avec ses putains de clefs. Dépitée, elle posa son dos sur la grille et s'alluma une cigarette. N'ayant presque plus personne à ces heures ci dans ce quartier, elle ouvrit légèrement sa robe, laissant respirer sa poitrine qui devenait compressée et ferma les yeux, se demandant bien comment elle pourrait parvenir à ses fins. C'était une mauvaise journée qui commençait pour elle.

       -Je suis ravi que nous soyons arrivé à un accord monsieur Dolan. Bonne journée.

       Avec un petit sourire en coin, William s'inclina devant son contact et sortit de l'entrepôt désaffecté. Sans jeter un regard au gorille qui le flanquait, il se tourna une dernière fois vers le bâtiment délabré. La transaction avait été un succès; cinq esclaves terranides venaient d'être vendus pour la somme exorbitante d'un milliard de Yen chacun.
       Dolan ne pensait pas aux pauvres diables qui allaient servir de cobaye pour le laboratoire pharmaceutique avec qui il venait de négocier. Toute son attention était fixée sur l'argent que lui avait rapporté cette affaire. Il se rappelait avec délectation le moment où son compte bancaire suisse avait soudainement accueillit l'équivalent de cinq milliards de Yen.

       -Monsieur Dolan, nous devrions partir. L'endroit n'est pas sûr, proposa son garde du corps. Un grand gaillard, peu volubile mais qui était très efficace. L'homme avait également de la prestance, ce qui est essentiel lorsqu'on est un employé de William Dolan.

       -Je te l'accorde, acquiesça le juriste. Toutefois, garde tes distances. Je n'aime pas que la populace me voit accompagné d'un homme de main.

       L'armoire à glace acquiesça sans un mot et se retira. William était soulagé de se débarrasser de son ange gardien. Ainsi, il allait le suivre de loin et il n'aurait pas à supporter sa présence. Ceci étant fait, William se dirigea vers la sortie de cet infâme bourbier qu'est le quartier de la Toussaint. Il desserra légèrement le nœud de sa cravate pour respirer une grande bouffée d'air matinal. Les talons de ses chaussures hors de prix claquaient avec impertinence sur les pavés grossiers qui composaient la ruelle où il s'était engagé. La voie débouchait sur une rue moins encaissée.

       Personne. A première vue, la rue était déserte. Puis, le regard de William fut attiré par des couleurs criardes qui contrastaient avec les ténèbres du quartier. C'était une femme habillée d'un kimono multicolore. Une femme... Façon de parler. Il s'agissait sans doute d'une prostituée zélée en attente de client. Quel genre de femme respectable serait assise devant une maison close avec un décolleté aussi aguichant.

       William réprima le dégout qui montait alors qu'il passait devant elle. Il détestait toutes les femmes qui vendaient leur corps. Quel gâchis! Cette femme était une pure beauté, façonnée par les dieux eux-mêmes. Une œuvre d'art divine qui par ironie du sort avait été livré à la vermine. Face à de telles femmes la galanterie de William s'effaçait totalement. Son mépris ne l'empêchait pourtant pas d'avoir de temps en temps, recourt aux services de prostituées. Avec elles, il n'avait pas besoin d'être doux et attentionné. Il pouvait laisser parler ses pulsions sans être entravé par son respect de la femme.

       William laissa glisser son regard sur les formes de la femme. Elle était vraiment appétissante. L'avocat sentit le désir monter en lui. C'était si facile, il n'avait qu'à lui donner deux ou trois billets et elle serait sienne.

       L'homme se présenta devant la femme. Après une petite pause où il laissa vagabonder son regard sur les seins de la prostituée, il s'adressa à elle d'une voix morne.

       -Combien?

- combien ?

Ce mot lâché de façon si désinvolte sembla claquer aux oreilles de Lilium qui les yeux mi clos n'avait vu l'homme s'avancer vers elle. De manière aussi désinvolte que le ton que de cet homme, elle leva la tête, le détaillant, restant assise. Il semblait grand vu d'ici. Ses cheveux étaient mi longs et son regard cachés par des verres. Il la regardait ainsi assise, les yeux plus dirigé vers sa poitrine, ce qui fit sourire la jeune femme, il était vrai que sa forte poitrine était ce qui attirait beaucoup de ses clients. Un bon atout pour son travail en tout cas. La nature avait été généreuse avec elle et de ce côté là, elle ne se plaignait pas, sauf peut-être en dehors de son boulot, ou lorsque le poids de ses seins lui faisait mal au dos. Elle finit par se lever lentement ne prêtant guère attention à lui, puis vint finalement planter ses yeux dans les siens. Ceux de l'homme étaient cachés derrières ses lunettes, mais malgré cela on devinait qu'elle n'était pour lui qu'une marchandise, un objet de plaisir. La langue de la jeune femme claqua sèchement dans sa bouche montrant son irritation. Elle répondit sèchement.

" Un simple bonjour aurait suffit, même pour une catin. "

Catin le mot était fort mais se valait, après tout, péripatéticienne, prostituée, catin ou pute, tout se valait, la seule différence était peut-être le respect que l'on y mettait. Alors pour lui ce serait catin puisqu'après tout il ne la voyait que comme telle. L'homme semblait riche et élégant. Assez bien habillé, ses vêtements et même ses chaussures semblaient impeccables, lisses, neufs. Cet homme devait sûrement porter une petite fortune sur lui. Qu'importe, chacun ses moyens. Heureusement d'ailleurs que des hommes riches comme celui ci venaient faire le tour des bordels en quête de compagnie, il représentait une bonne partie de la clientèle à vrai dire, l'autre partie la plus importante était les hommes mariés, bien entendu. Ces hommes insatisfaits de leur femme qui venaient ici assouvir leur pulsions sexuelles. Celui là semblait particulièrement dédaigneux. Quoique beau physiquement et assez charmant dans sa façon de se tenir. Quelque chose semblait émaner de lui, comme un certain charisme bien que sa façon de lui parler avait sembler des plus vides et mornes.

Même si la rudesse de cet homme avait agacé la jeune femme, même si sa façon de parler était grossière et irritante, il serait peut-être celui qui lui permettrait de gagner son pain pour la journée. Les tarifs de Lilium était assez élevé dans la maison close, elle était assez ancienne et avait de l'expérience dans l'art du sexe. Assez ouverte, elle acceptait un grand nombre de requête de la part de ses clients ce qui faisait son prix. Dans la situation actuelle, elle n'était pas en position de discuter, mais la richesse qui coulait des vêtements de cet homme lui disait que le prix importait sûrement peu pour lui. Il pouvait sûrement avoir tout ce qu'il désirait, l'argent permettait ce genre de chose. L'argent permettait de combler tout les désirs matériels. Pour ce qui concernait l'abstrait, cela était plus dur, mais ce n'était guère la préoccupation du moment.

La cigarette qu'elle avait allumée cinq minutes auparavant venait de se terminer et Lilium l'écrasa à côté du pied de son futur client. Elle en profita pour se rapprocher légèrement de lui. Finalement, cet homme pourrait sûrement l'aider. Elle se devait cependant de prendre une douche, aillant travailler toute la nuit, elle ne pouvait forcément se laver entre chaque clients et n'avait eu le temps avant de quitter le magasin. Ses vêtements étaient collés contre son corps et se dernier réclamait de l'eau et du savon pour le nettoyer d'une part mais aussi le rafraichir. Lilium avait les muscles engourdis par cette nuit là et ne pouvait se permettre de recommencer sans douche.

Du coup, retournant presque sa veste, elle lança ses tarifs au visage de l'homme dans une pluie de mots glacés. Lilium se voulait froide mais elle savait que cela n'aurait guère d'incident sur la transaction en cours, après tout l'homme ne la voulait pas elle, il voulait juste son corps. Malgré ses airs distants, elle savait se montrer très chaleureuse au lit. Elle énuméra des prix un peu moins élevés que dans la maison close. Après tout, le lieu ne dépendrait que de cet homme en espérant qu'il ne désire pas la prendre au coin d'une ruelle.  Elle ne lui proposa pas de baisser ses tarifs pour une douche et un éventuel repas, non, elle verrait cela plus tard en fonction de l'évolution de la vente de son corps.

       William sourit en voyant la jeune fille s'offusquer de ses manières. Une prostituée qui a du caractère, c'est rare mais ce n'est pas gênant. Elle va très vite perdre sa morgue lorsqu'elle sera son jouet sexuel. En attendant, elle peut piailler autant qu'elle veut si ça lui chante.

       Dolan conserva son sourire tandis que la prostituée lui donnait ses tarifs. Il écoutait à peine. Peu importe son prix, il la voulait et il l'aurait. C'était aussi simple que ça. Elle pouvait tout aussi bien l'arnaquer, ça ne changerait rien. William avait l'habitude des catins de luxe, elles sont au petit soin et surtout, surtout... Elles ne regardent pas l'heure. Car s'il y a bien quelque chose que William ne supporte pas, c'est bien une prostituée qui se permet de vérifier le temps passer avec un client. C'est un manque de respect intolérable.

       -Vous n'êtes pas très chaleureuse pour une femme qui vend du plaisir, fit-il en affichant toujours son sourire arrogant. Pourtant, la nuit a été longue. Je saurai m'en contenter.

      William s'approcha d'elle, lui posa une main sur l'épaule et huma son parfum. Apparemment, cette femme aussi avait beaucoup travaillée. Elle sentait la transpiration. Heureusement la sueur d'une femme n'est pas désagréable mais William avait peur qu'il y ait autre chose que de la transpiration sur son corps...

       L'inspection terminé, il retira sa main. Il ne fit aucun commentaire sur l'état de la jeune fille et son sourire goguenard disparu. Bien que théoriquement, elle était à son service et soucieuse de satisfaire ses moindres caprices, il préférait ne pas la braquer. Les prostituées ont leur libre arbitre, même si cela est absurde, et elle pourrait très bien décider de ne pas lui vendre ses charmes. Ce qui serait contrariant puisqu'il n'avait aucune envie de la forcer. Ce n'est pas le genre de chose qui excite William Dolan.

       Il jeta un regard méprisant au bordel qui se dressait devant lui. Il n'avait aucune envie de faire l'amour dans ce baisodrome infect. Heureusement, le bâtiment était fermé. Toutefois, elle pouvait très bien l'emmener dans un endroit pire encore et il aurait perdu son temps -et accessoirement son argent-.

       -Si vous le voulez bien nous règlerons cette affaire dans un hôtel de mon choix. A condition, bien sûr, que vous acceptiez de vous laisser conduire, au sens propre comme au figuré.

       En effet, William connaissait un hôtel de luxe qui pourrait convenir. Propre, spacieux et chic. Le minimum vital. Il désirait cette femme mais il y avait des limites. Hors de question de la prendre dans une ruelle comme un vulgaire poivrot.
       Néanmoins, il fallait prendre la voiture pour y aller et Dolan savait que certaines prostituées avaient des réticences à monter dans la voiture d'un inconnu. Ce qui est compréhensible vu le nombre de cinglés qui se promènent dans les quartiers fréquentés par les catins. Il pouvait très bien être un dangereux psychopathe qui la découperait en morceaux.

       Le juriste avisa qu'il ne connaissait pas le nom de cette fille. Ça n'avait pas vraiment d'importance en soi mais il avait l'intime conviction que l'appeler par son prénom plutôt que par son titre faciliterait leurs rapports.
       D'un geste théâtrale, William se tapa le front avec sa main et prit un air faussement alarmé.

       -Mais où ai-je la tête!? Ma grossièreté est impardonnable. Je ne vous ai pas demandé votre nom.

       Pour le prix où il la payait, il pouvait bien se permettre de la taquiner un peu. En plus, si elle avait du répondant, la suite risquait d'être très amusante.

D'un sourire arrogant, il répondit alors qu'elle n'était pas chaleureuse mais qu'il s'en contenterait. Lilium lui rendit son sourire, se contentant, quant à elle, de garder ses pensées. Effectivement, il n'avait plus trop le choix, surtout à cette heure ci. Lilium était par ailleurs intriguée du moment de la journée, ce n'était guère le temps pour ce genre de chose. Mais s'il désirait trouver une femme de joie au début de la journée, il avait beau cherché, il n'en trouverait pas, sauf bien évidemment notre chère Lilium qui se trouvait actuellement dans une situation différente.

Lorsqu'il la respira, Lilium se laissa faire, souvent les clients aimaient  tâter, sentir, voir renifler, pour les chiens qui arrivent la queue déjà en l'air, leur marchandise. Alors elle se laissa inspecter, sans rien dire ni broncher, libre à lui de sentir l'odeur de sa transpiration, de celle de ces derniers clients et peut être aussi de leur semence. Puis il se retira pour regarder le lieu de travail et déclara quelque temps après qu'il la prendrais dans un hôtel. Bien sûr la phrase avait été plus élégamment tourné mais cela revenait du pareil au même. Lilium appréciait néanmoins la qualité du langage de son client, cela la changeait de certains qui se voulait plus vulgaire et dont le langage était cru.

Il lui proposa un lieu tout en précisant qu'il fallait y aller en voiture. Un homme comme lui n'avait sûrement pas l'habitude de marcher, ou peut-être que ces chaussures trop chères lui faisaient mal aux pieds. De justesse, Lilium se mordit les lèvres et évita de lâcher ce genre de remarque cinglante, puis dans une mimique, elle souri et acquiesça d'un simple oui. Assez  net, une réponse succincte, courte, et claire, pratiquement comme à son habitude, sauf bien évidemment lorsqu'elle lançait des remarques glacés ou piquantes.  Tant pis pour le risque, ce type ne semblait pas si costaud que ça et puis il avait l'air d'un homme d'affaire, elle n'aurait pas trop à craindre, dans le pire des cas, elle aviserait bien. Ce genre d'histoire sordide avait déjà du lui arriver deux ou trois fois mais elle avait toujours réussi à s'en sortir, avec plus ou moins de dégâts cependant. Elle était assez forte physiquement en réalité, chose qu'elle s'empressait de cacher sous des apparences fragiles. Cette capacité physiquement légèrement plus au dessus de la norme pour une femme lui avait permis de se défendre contre certains clients. Alors gare à lui, car pour Lilium, qui s'y frotte s'y pique.

Il la surprit lorsqu'il fit semblant de se taper le front en signe d'oubli et lui demanda poliment son nom. Le ton était bien différent de celui qu'il avait deux minutes auparavant et semblait décidé à jouer la comédie. Lilium aimait bien l'art du spectacle. Un peu de théâtre, un peu de danse, quelques notes de musiques et un costume. C'était suffisant pour échappé à la routine qui s'installait parfois dans vos vies. Son monde à elle aussi c'était un peu de scène, un kimono en guise de costume, une danse érotique sur des gémissements de plaisir.
Lys, c'était son nom de scène. Celui qu'on lui avait donné lorsqu'elle avait commencé son métier. En réalité elle s'appelait Éva, plus personne ne l'avait appeler ainsi depuis longtemps. Elle par contre chérissait le nom que son père avait choisit pour elle. Personne ne le connaissait car personne n'avait besoin de le connaître. Alors Lilium ça convenait à tout le monde. Un nom de fleur pour une catin. Pour le client, cela dépendait, elle connaissait le nom des habitués mais pas de ceux qu'elle croisait seulement une ou deux fois ou parfois elle l'eut su mais ne s'en souvenait généralement pas. Par politesse, elle lui répondit. La façon dont elle répondit se voulait à l'inverse de sa démarche, pas très polie.

"Lilium" lança-t-elle brièvement. "On m'appelle Lilium."

Elle se contenta de donner son nom sans demander celui de l'homme, lui seul déciderait de le lui dire ou non, en attendant un simple Monsieur suffirait. Tant que le client n'avait pas exprimé le désir d'être appelé autrement, elle se contentait de garder une distance professionnelle avec eux. Parfois certains souhaitaient se voir appelé Maître, souvent dans des expériences se voulant plus dure, d'autre voulait qu'elle murmure leur prénom au creux de leur oreille, d'autres encore se suffisaient bien du Monsieur. Lilium s'adaptait aux besoins de ses clients.  C'était dans ses tarifs avec parfois un supplément pour certaines choses, plus ou moins élevé. Mais pour une appellation, c'était normal. Pour bien exercer son métier, elle se devait de se plier à certaines exigences de la part de ceux avec qui elle allait coucher. Pas toutes les exigences non plus. La limite était la fierté personnelle. Et pour une catin des bas fonds, elle en avait pas mal.

Du haut de ses un mètre soixante-quinze, elle ne le dépassait pas, mais ne se sentait pas si petite que ça, levant seulement quelque peu la tête pour le regarder, elle lui fit un sourire et s'approcha de lui, posant sa poitrine sur son torse et venant chercher son oreille pour y susurrer quelques mots.

"Ne soyez pas déçu. Je sais me montrer plus chaleureuse au lit."

C'était en réponse de son commentaire, une réponse tardive mais qui concluait l'accord dans un sens. Elle acceptait de le suivre jusqu'à l'hôtel, en réalité elle avait même hâte de le suivre et d'arriver, histoire d'être à l'intérieur et surtout de prendre une douche, chose qui commençait à obnubiler l'esprit la jeune femme. Mais elle commençait à se sentir lasse et fatiguée et cela n'était pas bon signe, elle se devait de remplir sa part du contrat, maintenant qu'elle l'avait signé. Secouée par un petit frisson, elle reprit ses esprits et d'un pas élancée elle commença à avancer se retournant pour attendre son client et quitter la ruelle. Dans tout les cas, il fallait marcher, les voitures ne venaient pas ici. Premièrement il était très difficile d'y circuler, deuxièmement, c'était risqué. Alors il fallait rejoindre le centre ville à pied en quittant les ruelles. Lilium jeta un dernier coup d'œil aux chaussures de l'homme et ne se retint pas de sourire bien que son sourire n'avait rien de méchant. Elle profita de l'attente pour refermer sa robe aux allures chinoises et son manteau, cachant sa poitrine aux regards du public. Elle savait que cela était très dérangeant pour certains clients d'être vu en compagnie de prostituées.

       William ne réagit pas lorsqu'elle se colla contre lui. Le contraste entre son air froid et son attitude charmeuse était saisissant. Il se contenta de hocher la tête sans un mot. Une fille douée, il fallait en convenir. Capable de faire abstraction de son antipathie pour jouer son rôle. Dolan se demandait combien d'humiliations elle pouvait encaisser avant de perdre le contrôle. Non pas qu'il ait envie de la pousser à bout, loin de là. Mais il était curieux de savoir qu'elles sont les limites de l'amour-propre d'une catin. Ce genre de femme n'ont pas beaucoup de fierté. Certaines en avaient même moins qu'un chien.

       Lilium. Un surnom. L'avocat ignorait ce que cela voulait dire. Ce nom avait une sonorité latine et ça devait sans doute avoir un rapport avec les fleurs comme tous les noms de prostituées. Sans intérêt. Mais au moins, il savait comment l'interpeler. «Jeune fille» suffirait bien à défaut de son vrai nom. William n'aimait pas trop donner de surnom de toute façon et il détestait qu'on lui en donne.

       Sans se presser, William suivit la jeune fille et vit que celle-ci regardait ses chaussures en souriant. L'avocat haussa un sourcil. Elle n'avait jamais de clients riches? Et bien, il fallait qu'elle s'adapte vite car il ne la conduisait pas dans un motel miteux. Le juriste espérait qu'il avait fait le bon choix; il aurait peut-être dû faire venir une escort girl. Ce genre de prostituées de luxe savaient se tenir, avaient de la conversation et appréciaient leur travail car elles étaient grassement payées. C'était souvent des filles qui payaient leurs études en se prostituant; un procédé répugnant mais qui avait l'avantage de fournir des catins mondaines. William jaugea Lilium du regard. Elle sera à la hauteur.

       William sortit son téléphone mobile de la poche de sa veste et composa un numéro. Lorsqu'il arriva à la hauteur de Lilium, celle-ci pouvait entendre une voix d'homme qui filtrait à travers le silence de la nuit. Dolan ne dit pas grand chose. Il indiqua le bout de la rue, à la sortie du quartier de la Toussaint, puis sans un mot, raccrocha. En quelques minutes, le couple rejoignit le point de rendez-vous où un homme debout devant une berline les attendait.


       Ideki remit sa casquette en vitesse lorsqu'il vit que monsieur Dolan approchait. Et apparemment, il n'était pas seul. Le jeune chauffeur plissa les yeux pour voir la personne qui l'accompagnait et avisa qu'il s'agissait d'une femme. Ideki haussa les épaules; encore une pute. Ça faisait deux ans qu'il travaillait pour Dolan alors il avait l'habitude maintenant de ce genre de demoiselle. Il aurait d'ailleurs donné volontiers son bras droit pour être à la place de son patron. La jeune fille qui approchait était absolument magnifique et pourvue d'une poitrine très généreuse.

       Lorsque les deux protagonistes furent à portée, Ideki salua Dolan et les deux hommes échangèrent quelques banalités. Le chauffeur lorgna sans discrétion le décolleté de Lilium mais se reprit immédiatement lorsqu'il vit le regard furieux de son employeur. Sans demander son reste, il s'assit au volant en attente d'une destination. William s'apprêta lui-même à prendre place lorsqu'il eut un moment d'hésitation. Il lança un regard impassible à Lilium puis lui ouvrit galamment le portière de la voiture. Les vieilles habitudes ont la peau dure.

       -A propos, dit-il en attendant le bon vouloir de la dame. Je n'ai pas honte de vous.

       Une petite précision qu'il s'était senti obligé de signifier lorsque Lilium avait resserrée sa veste pour cacher son costume. William n'était jamais embarrassé lorsqu'il s'offrait les services de femmes. Il ne considérait pas cela dégradant -en tout cas pas pour lui- et il assumait parfaitement ces pratiques. Un homme comme lui a besoin de se détendre et il n'a pas forcement le temps de courtiser des femmes, alors il les paye. Il pourrait aussi s'envoyer en l'air avec ses employées pour qui la promotion canapé n'est pas tabou. Cependant, le fait de payer une femme l'excitait. S'offrir le corps d'un être humain pour en disposer sexuellement, c'est une domination. Le mégalomane avide de pouvoir qu'est Dolan, ne peut que se réjouir d'une telle situation.

       Dolan prit place dans la berline et indiqua le nom de l'hôtel où il comptait s'amuser avec la jeune fille. Il était assez connu et n'avait pas d'étoiles puisqu'il s'agissait d'un palace. Ideki s'était déjà chargé de réserver. L'avocat était un habitué et même s'il était hors de prix, les frais n'étaient qu'une goutte d'eau dans l'océan.

Je n'ai pas honte de vous. La phrase sonnait bien. Lilium ne se sentait pas cependant mal à l'aise en tant que prostituée mais elle savait que certains clients, eux pouvaient l'être. Les hommes mariés la plupart du temps qui ne voulaient que personne ne soit au courant de leur rendez vous secret. Ainsi lorsqu'ils payaient une catin pour son corps il la payait aussi pour leur discrétion et leur silence et ceci Lilium l'avait bien compris. Ce client là ne semblait pas avoir honte de payer une prostituée. Tant mieux.
La voiture dans laquelle ils étaient semblait spacieuse et luxueuse, décidément elle n'était pas au bout de ses surprises. Son client possédait même un chauffeur personnel qui semblait bien le connaître. Il semblait aussi galant avec les femmes. Le ton froid qu'il avait employé lors du premier échange semblait se radoucir peu à peu au grand contentement de Lilium qui décida d'agir plus naturellement et avec moins de froideur.

Le nom d'hôtel qu'il avait donné ne disait rien à Lilium. Elle habitait ici depuis pas mal de temps mais ne s'était pourtant jamais intéressé à la ville. Elle ne connaissait de cette ville que son lieu de travail et son quartier mal fréquenté, ainsi que le quartier de son appartement, plus en banlieue. Elle connaissait éventuellement le chemin à parcourir entre les deux ainsi que les lieux utiles. Mais l'utilité que Lilium pouvait avoir d'un hôtel était nulle. Ainsi elle se laissa guider jusqu'au lieu ou le "contrat" serait signé. Plus il avançait plus la richesse de lieu semblait se faire sentir. Les maisons étaient plus grandes, plus blanches et plus espacées. Les rues étaient plus propres et les murs vierges de tags.

Ils arrivèrent en vue de l'hôtel. Hôtel, vu le type d'hôtel que c'était ce terme aurait presque pu être péjoratif. Palace. Voilà ce qu'il y était écris. Un palace. Et bien, Monsieur avait du goût et pas n'importe lequel en plus. Lilium sourit légèrement en sortant de la voiture, finalement sa journée ne s'annonçait pas si mauvaise qu'elle l'eut cru. Plus ils se rapprochaient plus Lilium avait hâte de voir l'intérieur. Vu d'ici il semblait vraiment immense. Des sortes de gardes qui devaient porter un uniforme des plus étranges surveillaient l'entrée et les saluèrent lorsqu'ils passaient, Lilium se glissa de glisser un sourire en coin à l'un des types et suivit son client à l'intérieur. Ses talons claquèrent doucement sur le sol marbré du hall qui était d'une taille impressionnante. Lilium ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil au plafond qui était bien haut. Continuant de suivre son client, elle l'entendit se faire apeller Maître Dolan. Maître, il n'était tout de même pas le propriétaire de ce truc ? Lilium décida de ne pas se poser la question de peur de la réponse. Elle n'avait jamais eu de clients aussi riche que lui et n'était jamais allé dans ce genre d'endroit. Préférant se taire que de poser des questions stupides, elle se contenta de suivre Mr Dolan, puisqu'apparemment c'était son nom jusqu'à l'ascenseur.

Petite musique, silence pesant, un léger vrombissement, de la moquette sur le sol et un grand miroir. Un petit bip leur indiqua l'arrêt de l'ascenseur. Lilium sortit prudemment de celui ci, se demandant quelle tête aurait la chambre. Après avoir vu le palace de l'extérieur, de l'intérieur, elle ne fut pas surprise de voir autant de richesse et de place dans une chambre d'hôtel. Plusieurs pièces pour une même chambre, un salon, canapé, télévision, climatisation. Un chambre, un grand lit et des coussins pas dizaines. De la broderie, du marbre et du cuir, quelques belles peintures sur les murs. Tout ici dépassait l'entendement. La salle de bain était légèrement en retrait, après la chambre, elle ne pouvait la voir de l'entrée. Son client sembla profiter du fait d'être arrivé pour poser ses affaires, Lilium en fit de même. Elle posa son manteau sur la patère réservé à cet usage là et enleva ses chaussures, savourant le confort de la moquette sur le sol. Ouvrant légèrement sa veste, elle annonça qu'elle allait prendre une douche, assez rapide, le temps pour son client de se mettre à l'aise. Celui ci acquiesça et Lilium partit en direction de la salle de bain.

Marbre noir, un peu trop d'ailleurs. Serviettes brodés et gel douche de grande marque, pas de petites savonnettes comme dans les hôtels. La grande baignoire entourée de produits de bains. Lilium entra et peu de temps après avoir refermé la porte, posa sa robe sur le sol ainsi que ses sous-vêtements. En tenue d'Ève, elle ne se fit pas prier deux fois, et, laissant ses vêtements étendus sur le sol, elle se glissa dans la baignoire. Faisant couler l'eau de gros robinets, elle remplit rapidement le réservoir. Savourant l'eau chaude, elle détacha ses cheveux avant de se laisser tomber en arrière et de les tremper dans l'eau. Ceux ci filèrent comme des anguilles dans toutes les directions. Sans trop attendre non plus, elle commença à les laver, méthodiquement. Forcément, avec des cheveux longs jusqu'aux fesses, si l'on avait pas un peu d'organisation pour les laver et les sécher, on ne s'en sortait pas. Droite, gauche, arrière, peu de temps après Lilium avait une masse de cheveux mousseuse collé sur le haut de son crâne. Elle commença ensuite à laver son corps, puis, à regret fit partir l'eau de la baignoire pour se rincer. Se levant cette fois ci, elle posa presque le pommeau sur sa tête et fermant les yeux et la bouche, elle laissa couler l'eau chaude. Un peu trop chaude, cela faisait de la buée, mais c'était si bon. Elle avait laisser la porte ouverte au cas ou son client désire lui demander quelque chose. Cependant, elle n'aimait pas être regarder sous la douche. Peu de ses clients le lui demandait et pour ceux qui osait, elle refusait la plupart du temps avec peut-être quelques exceptions par ci par là.

Après être sortie de la douche, elle enroula ses cheveux dans une serviette et enfila un peignoir, prenant avant le temps de se sécher. Quelques coups de sèches cheveux ultraforce ne suffirent tout de même pas à les lui sécher complètement, mais réussir du moins à les rendre seulement moins humides. Elle sortit de la salle de bain et retrouva son client dans le salon. S'avançant vers lui, elle se posa juste en face. Sous son peignoir elle était nue et son peignoir ne tenait qu'à un léger ruban qui lui enserrait la taille. Bien sur la pudeur ne faisait pas partie du job ni de la personnalité d'ailleurs. Le client pouvait aussi choisir de l'habiller mais ici il n'y avait pas de tenues. Quoique, dans un palace il devait bien avoir ça. Qui sait, ils avaient sûrement de tout.

"Je suis à vous Monsieur." indiqua-t-elle. Ce serait ensuite au client de décider ce qu'il ferait d'elle. Lilium était plus fraiche après la douche et se sentait en meilleure forme. Une légère excitation la prenait au bas ventre. Non pas pour la suite de l'histoire puisque c'était son métier. Ce client riche et ce luxe qu'elle ne connaissait pas lui donnait une certaine curiosité, une forme d'excitation. Le contexte de luxure s'installait.