Une nuit féerique [Pv Selene + Aeris]

Selene n’avait aucune envie de s’approcher de la base militaire surtout depuis qu’elle s’était fait un nouvel ami répondant au nom de Saburo. Les 6 heures de marche étaient possibles pour elle mais Jones n’y résisterait pas. Quand à revenir à la cabane… Elle y avait mit le feu. Elle dût faire un réel effort de volonté pour ne pas exploser de rire et elle parvint heureusement à le transformer en toussotement. Il ne fallait pas que Jones se rende compte de ses troubles mentaux. Il devait surement penser qu’une femme aussi calculatrice et raisonnable qu’elle, suivait une logique imparable. Il ne savait rien du maelstrom de pulsion et de caprices qui régissaient les actes de l’immortelle. Et c’était très bien comme ça.

Saburo va surement envoyer des hommes à la cabane pour nous intercepter car c’est le lieu le plus près, pour nous qui sommes à pied, annonça-t-elle enfin. Ca se tenait et ça lui évitait de lui avouer qu’une folle furieuse avait brulée une cabane parce que ça l’amusait. Je propose de couper par les bois. S’éloigner de la route.

Elle observa Jones et vit que celui-ci évitait son regard. Le jeu commence… Un homme et une femme coincée en pleine nature. Pas besoin d’être fin psychologue pour savoir comment ça allait terminer. Un jeu où Erogène Jones était passé maitre. Selene se demandait encore qu’elle masque elle allait enfiler. Celui de la jeune fille timide, la sulfureuse bombe tentatrice ou bien la femme désintéressée. La partie allait être intéressante. Encore fallait-il que Jones veuille jouer ; mais tout le monde voulait jouer avec Selene… Sans exception… De grés ou de force.
Inutile de dire que Selene avait complètement oublié son but premier qui était de sortir de cette foutue forêt. Le jeu avait commencé. Rien d’autre ne comptait. Elle n’avait qu’à lancer le top départ ; un regard. Un regard que Jones connaissait bien car c’était celui qui exprimait le désir. Vu les états de service de Jones elle ne pouvait pas se tromper en pariant que même dans la pénombre il avait reconnu ce regard. La tête légèrement penchée en avant, les yeux gourmand, les lèvres entrouvertes. Une imitation parfaite.

On y va ?

-Vous vous trompez peut-être.

Il secoue la tête, comme pour chasser la douleur.

-Pour les hommes de Saburo, je veux dire. S'ils avaient voulu se débarrasser de nous, ils auraient pu arrêter la voiture et venir nous abattre. Ou alors ils ont préféré s'occuper du lieutenant d'abord, je l'ai laissé dans un triste état...

Érogène a dit cela sans fanfaronnade aucune. Il balaie l'air de la main, comme si cette question n'avait guerre d'importance.

-Mais vous avez probablement raison pour la cabane, on ne peut pas prendre de risque. Ouvrez la route, je vous suis.

C'est alors qu'il remarque pour la première fois la lueur dans le regard de la jeune fille. Vraiment, Selene? Ici, maintenant? Vous essayez de me faire du gringue? Mais pourquoi voudrait-elle une chose pareille... Par politesse, pour s'assurer de sa collaboration. Peut-être comme manière de s'excuser pour ce désastre... A moins qu'elle ne le trouve tout simplement séduisant, et qu'elle se réjouisse de les savoirs du même bord, au point de se laisser aller à ses propres désirs. Mais Jones, quel qu'en soit la raison, est touché par cette charmante attention. Selene est une très belle femme, et il mentirait s'il disait ne pas l'avoir désirer dès la première seconde.

C'est donc un regard complice que lui rend le beau jeune homme, dans lequel il allume deux étoiles qui brûlent de désir. Sourire en coin, et il se met en marche.

[à Aeris ]

Aëris suivait avec intérêt leur conversation. Elle avait craint qu’ils ne choisissent de suivre la route dans un sens ou dans l’autre, celui menant vers la base militaire ou celui retournant à la cabane ou plutôt à ce qu’il en restait. Visiblement, la jeune femme aux yeux violets n’avait pas cru bon d’avertir l’homme de ce qu’elle avait fait subir à la cabane. Ils semblaient craindre tous les deux la réaction de ceux qui étaient partis en voiture.

Finalement, ils semblaient décider à agir de concert et prendre le chemin au travers de la forêt. Le feu follet se dit qu’elle allait se faire une joie de le guider pour mieux les faire se perdre.

En conservant son aspect de lilliputien, elle se mit à voleter jusqu’à une branche d’arbre près d’eux sur laquelle elle s’assit en continuant de les regarder. Eux ne semblaient occupés que par eux. Ils se regardaient d’une manière bizarre aux yeux de la demoiselle ailée. Elle trouvait ça extrêmement comique. Elle ne put s’empêcher d’éclater de rire attirant l’attention sur elle.

« Bonsoir. Auriez-vous besoin d’un guide tous les deux ? »

Elle adopta son plus charmant sourire lui donnant ainsi le visage d’une poupée. Une poupée dont personne ne se méfierait et pourtant…

Elle fut enchantée de voir la réaction de Jones devant son sourire. Le chasseur de femme s’était réveillé. Cet homme était l’incarnation du fantasme féminin ; le mystère et la prestance réunit dans une apothéose de la séduction. Une telle perfection était fascinante mais Selene voulait faire durer le plaisir, le déguster lentement. Erogène Jones…

Un rire l’interrompit dans la contemplation de sa toute nouvelle sucrerie. Aussitôt, Selene sortit de sa transe amoureuse et se mit en alerte. Elle se retourna vivement face à la voix et… ne vit personne. Il n’y avait rien. Que des arbres noircis par la nuit et des feuilles bercés par le vent. L’imagination de Selene tournait à plein régime ; Les militaires l’avaient retrouvés ou pire les flics étaient là.
Une voix suivit cette éclat de rire et cette fois le son était plus facile à localiser. Sur la branche de l’arbre en face d’elle, l’immortelle aperçut une petite créature. Elle avait un corps minuscule et des ailes de libellule. Selene connaissait les légendes à propos des fées mais la plupart de ces légendes avaient été faite par des bardes en manque d’inspiration. C’était ridicule, ou alors on l’avait drogué. Pourtant plus elle observait la chose qui ressemblait à une fée plus elle était convaincu que ce… cette… poupée Barbie avec des ailes était bien réelle.

Elle leur demandait s’ils avaient besoin d’un guide. Non, non, non, la seule chose dont avait besoin Selene s’était d’un calmant et que cette fée disparaisse avant qu’elle ne puisse plus se convaincre qu’elle hallucinait. L'immortelle avait peur de tout ce qui était surnaturelle même si en quelque sorte elle n’était pas très naturelle non plus. Son esprit cartésien et sa logique prenaient un sévère coup de bâton. Toute une façon de penser séculaire réduit à néant par une saleté de moustique. Elle était perdue, transit de froid et en plus la fée Viviane venait lui servir de guide.

Selene, une expression d’effroi peint sur son visage, recula sans un mot devant le petit être qui leur offrait de l’aide. Elle lança un regard paniqué à Jones et vint se placer tranquillement derrière lui. Par-dessus son épaule, elle regardait la petite fée assise sur la branche. Elle ne bougeait plus lançant parfois des regards anxieux à Jones comme si elle attendait qu'il retire une chaussure et écrase l'insecte qui la terrorisait.

Jones étouffe un juron. Il tourne la tête, car il doit savoir si Selene l'a voit également. Et soudain, la douleur qui lui vrille le crâne parait tout à fait dérisoire.

Dans sa vie, sa remarquable carrière, il a vu bien des choses. Bien des horizons. Comme il l'a entendu dire aux nouvelles recrues "Érogène Jones a secoué plus de sable de ses shorts que la plupart d'entre vous n'en verront jamais sous leurs semelles". Probablement exagéré, néanmoins... Il se considère comme un homme construit, éduqué, avec un certain recul sur les choses. Mais rien, jamais, ne l'a préparé à cela. Pas même de loin. Il est debout, le dos parfaitement droit. Les yeux exorbités et la bouche entrouverte.

Cependant... Jones connait la théorie du Tsunami. Devant un évènement incroyable, impensable, qui brise toutes les certitudes, la plupart des personnes se contentent de rester pétrifiées, incapable de penser ou de prendre les jambes à leur cou. Les seules personnes qui gardent leur esprit, leur corps en état de fonctionner ne sont pas les plus braves. Ce sont celles qui ont déjà connu des situations critiques, et qui ont déjà sentit la mort les frôler. Jones a déjà été le gibier. Et la terreur pure qui s'accroche à son corps, mord sa moelle épinière, il la sent se muer en une décharge, une poussée d'adrénaline qui le force à agir. A faire quelque chose, n'importe quoi.

Un éclaire déterminé passe dans ses yeux, alors qu'il ramasse une branche de bonne taille. La douleur a disparue, tous ses sens sont en alerte. Il a une conscience aiguë de chaque arbre, du mouvement de leurs feuilles. De la petite... chose qui le regarde. Elle est improbable, mais toute cette situation ne l'est elle pas moins. Hors de question qu'elle aussi, elle lui fasse perdre le contrôle.

-Qui êtes vous?

La seule question sensée qui lui vient à l'esprit. Sa voix n'est pas agressive, mais elle est loin d'être relâchée. Pour l'instant, il se moque de savoir si cette petite créature et réelle, le fruit d'une quelconque illusion ou de son cerveau endommagé. Seule compte la réaction, ne pas laisser l'environnement prendre l'initiative. Discipline opérationnelle, Jones. Oui Effy.

Aëris ne s’attendait pas à cette réaction. Oh bien sur, les gens étaient toujours surpris lorsqu’elle apparaissait mais elle ne pensait pas que ces deux là auraient peur d’elle. C’est toujours la petite bête qui fait peur à la grosse ! Visiblement, l’homme semblait avoir moins peur que la femme. Etrange ! La femme étant une immortelle, d’après ce que le feu follet avait vu, elle aurait du être la moins surprise. Or, elle semblait être la plus paniquée des deux.

*Vraiment, les humains ! Quelle plaie !*

Elle allait devoir les rassurer sinon elle pouvait dire adieu à son petit jeu. Elle prit son air et sa voix la plus angélique et rassurante possible.

« Pas de panique ! Je ne suis pas un esprit, ni le fruit de votre imagination. Je suis ce qu’on appelle un feu follet »

Elle leur laissa quelques secondes, le temps qu’ils digèrent l’information. Puis, elle reprit son explication.

« Je suis… comment dire… une sorte de fée. Je ne sais pas si le terme est correct vu que les fées ont des baguettes et des pouvoirs magiques. Non pas que je n’en ai pas mais pas au même niveau. Mais pour simplifier les choses pour vous, je me qualifierais de fée »

Elle leur offrit à nouveau son plus charmant sourire.

« Alors je peux prendre différente forme. Ma forme originelle est celle-ci… »

Elle prit sa forme de petite boule ultra-lumineuse, puis repris sa forme de mini-fée.

« Celle-ci que je prends le plus souvent et puis celle-là… qui est la plus proche de vous physiquement »

Elle prit alors sa forme à taille humaine et s’ils ne l’avaient pas encore remarqué, là ils ne pouvaient pas ne pas voir sa nudité. Puis elle reprit sa forme version mini et voleta de nouveau jusqu’à sa branche.

« Je suis une sorte de fée des bois pourrait-on dire. Et maintenant, monsieur, j’apprécierai que vous lâchiez cette branche. Vous me faites peur ! »

Aëris avait prononcé ces mots avec une certaine crainte dans la voix et le masque de la peur se peignît sur son charmant petit visage de poupée. Mais c’était du jeu, totalement du jeu. Elle jouait les pauvres petits êtres fragiles. C’était un rôle qu’elle maîtrisait à la perfection.

Maintenant, il fallait juste attendre qu’ils reprennent un peu leurs esprits et lui fassent confiance. Elle se ferait alors une joie de leur prouver qu’ils avaient eu tort de la leur donner. Non, vraiment jouer les petites pestes, elle adorait ça !

« Je connais parfaitement les bois. Si vous le souhaitez je peux vous les faire traverser ? »

Les fées n’existent pas…

« Ce n’est pas parce qu'une chose est inexpliquée, qu’elle est inexplicable ». C’est la doctrine qui avait permis à l’immortelle de garder un esprit pragmatique et cartésien durant toutes ces années. Et ce malgré le fait qu’elle était le principal détracteur de sa philosophie de vie. Mais là c’était trop, Selene restait figée devant cette apparition. Elle sursautait à chaque fois que la fée changeait de forme. Sa raison torturée cherchait une explication logique sans succès et la peur était omniprésente.

Cette chose était dangereuse quoiqu’elle dise. L’inconnu est toujours dangereux. Il y en a au moins un qui l’avait comprit : Monsieur Jones. Selene avait vu la branche qu’il avait prise afin de faire face à la fée. Ce n’était pas la meilleure solution mais l’intention était louable. « Bouge-toi ! Tu es pitoyable ! » s’exhortait-elle. La colère venait remplacer sa terreur, imprégnant ses membres de sa chaleur enivrante.

Bonjour petite fée, réussit-elle à articuler.

L’immortelle attrapa l’avant-bras de Jones et par une brève pression, l’incita à lâcher son arme. Sans mouvements brusques, comme si on la braquait avec un calibre, elle s’approcha de la fée. Arrivé au niveau de la branche où celle-ci était assise elle lui fit son plus adorable sourire.

Ne crains rien, nous ne te ferons pas de mal, lui dit-elle avec toute la douceur dont elle était capable. Et nous serions ravis que tu nous aides.

La petite fée semblait avoir peur. Selene voulait faire bénéficier la fée de toute sa tendresse. Quoi de mieux que la douceur d’une femme pour rassurer quelqu’un sur ses intentions .Une tendresse qu’aucun homme ne pouvait égaler ou ne serait-ce qu’approcher. Quand il le fallait, Selene savait donner tout l’amour du monde. Et lorsque, justement il le fallait, c’était surtout dans le but d’endormir la vigilance.

Peu lui importait de savoir si la fée était vraiment une fée ou si elle avait de bonnes intentions. Selene voulait la détruire, l’effacer de son monde rationnel et sans surprise, comme on efface une erreur dans une équation. Cette petite chose magnifique et attendrissante devait cesser d’exister parce qu’elle l’avait décidé.

« Je façonne mon propre monde… »

Tout comme celui de Selene, le cerveau d'Érogène a le plus grand mal à intégrer ce flux de données. Il n'y a là aucune place pour ce genre d'information, pas de case, pas d'étagère pour les aberrations, qui d'ailleurs n'existent pas. Il reste immobile, sans quitter la petite fée des yeux. Et déjà, la terreur menace de reprendre le dessus. Il veut qu'elle se taise, et doit résister en même temps à une envie étrange de tendre la main et de la toucher, pour s'assurer du degré de sa folie.

Concentre toi, Jones. Reprends toi. D'abbord, laisse tomber cette branche, tu vois bien que tu lui fait peur. Et surtout, Selene veut que tu le fasse. Le bruit du bois tombant dans les feuilles mortes le fait presque sursauter.

Cette chose est impossible. Soit. Mais elle n'a pas l'air hostile, pas même dangereuse. Et par dessus tout, Selene a l'air de vouloir lui faire confiance. Elle a suivit son instinct, et il fera de même. Il se redresse de toute sa hauteur, et efface de son visage tout sentiment de peur, d'incertitude. Son regard froid est posé sur la fée, qui la décortique, ne laisse passer aucun détail. Nous sommes un binôme, Selene. Et je suis celui qui couvre tes arrières, qui criera au moindre danger et te plaquera au sol s'il le faut. Comme je l'ai fait avec Effy. Et si tu décide que cette créature est digne de confiance, et qu'il nous faut la suivre, alors soit. Je me fierai à ton jugement.

Jones le silencieux, l'inquiétant personnage dans le dos de la jeune fille, qui ne semble ni accepter ni refuser le baratin de la fée.

« Bonjour petite fée »

La femme posa sa main sur la branche que tenait l’homme et la lui fit lâcher. Aëris s’approcha d’elle en souriant.

« Ne crains rien, nous ne te ferons pas de mal. Et nous serions ravis que tu nous aides »

La femme avait un visage doux et avenant. Mais curieusement le feu follet trouvait que ça sonnait faux. Elle se méfiait toujours des humains. Après tout, ils avaient décimés son peuple. Cette femme, bien qu’immortelle, était aussi humaine. Les humains savaient si bien mentir quand ils le voulaient. Elle se dit qu’il vaudrait mieux se tenir à distance de la femme et ne surtout pas lui tourner le dos.

Elle aurait bien volé jusqu’à elle pour lui dire qu’elle savait qui elle était et que si elle la menaçait elle dirait la vérité à son compagnon. Mais elle se dit que se serait une grossière erreur. Elle ne lui faisait pas confiance mais n’avait aucune idée de ses intentions réelles. De plus, si jamais l’intuition de la lilliputienne était fausse, elle se révélerait et se serait une grosse bêtise.

*Au pire, je pourrais toujours l’envoyer se perdre dans la forêt grâce à mon pouvoir de télékinésie*

C’était un avantage pour le feu follet. Un atout qu’elle devait conserver dans sa manche.
L’homme était aussi suspicieux mais sembla se caler sur la bienveillance de sa compagne ou tout du moins, adoptais une position de neutralité.

C’est vrai que les humains vivaient dans un monde cartésien où toute chose qui n’y appartient pas, doit disparaitre. Les hommes avaient une forte propension à la destruction.

Si Aëris garda son visage d’archange, elle prit ses distances ou presque. Elle s’envola et s’enfonça dans les bois de quelques mètres. Elle s’était postée à une hauteur suffisante pour être hors d’atteintes du couple mais pas trop haut non plus pour pas que cela paraisse suspect.

Une nouvelle fois, elle leur adressa son plus charmant sourire.

« Oui, je comprend votre scepticisme. Voir une fée débarquer au milieu de nulle part, ça fait bizarre. Mais je souhaite juste vous aider. C’est tout »

Elle avança encore vers l’intérieur de la forêt.

« Suivez-moi à présent »

Encore un peu et elle pourrait écraser ce petit bout de chair aussi facilement qu’un moustique. Mais à peine s’était-elle approchée que la fée s’était envolée hors de portée. Simple coïncidence ; la voix et le sourire de l’immortelle étaient parfait. Aucune chance qu’elle perçoive ses mauvaises intentions. Soit la fée s’était envolée lorsqu’elle l’avait approchée par pure coïncidence, soit la fée avait vu à travers le jeu de Selene. Ce dernier point était bien sûr impensable, si on prend en compte l’égo démesuré de l’immortelle. La réponse était donc évidente : Coïncidence.

Une fée débarque de nulle part et elle souhaite juste nous aider. Selene était complètement perdue. Si c’était sorti de la bouche d’un humain, elle ne l’aurait pas cru. Les humains ne font rien de gratuit. Mais quand était-il des fées ? Comment savoir la façon de penser de ces êtres. Si on part du postulat que les légendes sont vraies, alors les fées sont gentilles. Et il se pourrait bien qu’elle dise la vérité.
Il faut tout de même vérifier. Lorsqu’on est face à quelque chose qu’on ne comprend pas, il faut tester ses réactions.
Les fées sont les gardiennes de la forêt. Partons de ce principe…

J’ai brulé une cabane en bois et le feu s’est propagé jusqu’aux arbres, récitait-elle comme si elle racontait ses dernières vacances. J’ai envoyé une voiture s’exploser contre un arbre qui à sans doute brulé lui aussi et si ça ne tenait qu’à moi cette forêt serait un centre commercial. Tu veux toujours nous aider ?

C’est naze cette idée…
Mais il fallait bien tenter quelque chose. Si la fée était vraiment gentille, elle ne s’énerverait pas… et si elle est méchante alors elle les réduirait en bouillie avec ses pouvoirs. Brillante, Selene… Une idée absolument brillante… Elle devrait peut-être laisser Jones parler maintenant. Oui, il est très compétent pour prendre à sa place.
Selene n’osait même pas le regarder. Il devait la prendre pour une cinglée ou alors il pensait que tout ça faisait parti d’un plan brillant et complexe. Oui pourvut qu’il le pense sinon elle pouvait dire adieu à sa sucrerie.

Le froid, les ténèbres, la douleur, la folie. Il n'est pas sûr de complètement suivre Selene, mais était donné les circonstances il est plus que prêt à lui laisser le bénéfice du doute... Au moins elle agit, et se sert de sa tête. Et son raisonnement est tout à fait légitime : Quand bien même cette... chose existerait, ils n'ont aucune raison de lui faire confiance. Pas l'ombre d'une. Ce que veut Selene, c'est la brusquer pour la forcer à révéler son jeu. Elle joue la méchante, celle qui fait peur. Ce qu'il faut à présent, c'est un garde-fou, un gentil pour empêcher la fée de s'enfuir et les laisser dans leur merde pendant que la méchante porte les coups. Peut-être que sa complice a cela en tête, et qu'elle compte sur lui pour jouer ce rôle. Cela expliquerait au moins les regards qu'elle lui lance.

Il s'élance sur les traces de la fée qui s'est mise en mouvement, en posant une main sur l'e bras de la jeune fille pour lui faire signe de le suivre. Il réalise soudain qu'elle est glacée jusqu'aux os, avec son short et son gilet déraisonnablement fin. Comment a-t-il pu l'ignorer? Sans même y penser, il retire son manteau et le passe sur les épaules de Selene. En dessous, il ne porte qu'un T-shirt noir, et la peau de ses bras se couvre de chair de poule. Heureusement, son écharpe protège encore son cou et réchauffe sa poitrine.

Il se baisse pour éviter une branche, et enchaine sur les propos de Selene. Voix posée, apaisante.

-Ce que mon amie veut dire, c'est qu'elle aimerait comprendre vos motifs. Pourquoi voudriez-vous nous aider? Nous ne sommes rien d'autre que des intrus qui ont mit le désordre dans votre belle forêt... Votre gentillesse est plus que bienvenue, mais pourquoi pensez-vous que nous la méritons?

Jones se souvient de deux interrogateurs israéliens avec lesquels il a travaillé une fois. Deux hommes qui avaient une telle habitude de travailler ensemble qu'ils en avaient développé une espèce de symbiose, comme un lien télépathique qui leur disait quand passer à la prochaine étape. Effy avait été impressionnée par leur compétence, leur professionnalisme. Si seulement il pouvait avoir ce genre d'homme sous la main pour continuer cet interrogatoire...

-Vous nous emmenez vers une route?

Il a froid, ce qui le pousse instinctivement à marcher au plus près de Selene.

« J’ai brulé une cabane en bois et le feu s’est propagé jusqu’aux arbres. J’ai envoyé une voiture s’exploser contre un arbre qui à sans doute brulé lui aussi et si ça ne tenait qu’à moi cette forêt serait un centre commercial. Tu veux toujours nous aider ? »

Qu’attendais donc la femme ? Quelle se mette en colère ? Probablement. Aëris n’était pas spécialement ravi des actes de l’immortelle mais c’était des choses communes pour elle. Elle voyait si souvent les humains détruire la nature. Mais là, inutile de se fâcher.

*Faisons la fée triste*

Les larmes aux yeux, elle dit :

« C’est triste ce que vous avait fait et ce que vous pensez. Ces arbres ne vous avaient rien fait. Mais, vous autres humains, détruisez tout »

Elle baissa les yeux aux sols.

« Vous finirez par vous détruire vous-mêmes »

Elle les regarda à nouveau.

« Ce n’est pas parce que vous faites le mal que tous les êtres vivants font de même. Peut-être pouvez-vous apprendre la bonté de créatures comme moi »

A nouveau, son charmant sourire vint ponctuer la fin de sa tirade.
 
Elle vit l’homme mettre son manteau sur les épaules de la femme. Un autre souci humain que le feu follet n’avait pas. Elle ne ressentait pas les différences de températures sauf si l’amplitude thermique était vraiment extrême.

Le couple commença à avancer. Aëris était en passe de gagner la partie. Ils commençaient à lui faire confiance. Quelle naïveté ! Mais c’était le moment le plus dangereux, un seul mot ou attitude pouvait tout faire basculer.

« Ce que mon amie veut dire, c'est qu'elle aimerait comprendre vos motifs. Pourquoi voudriez-vous nous aider? Nous ne sommes rien d'autre que des intrus qui ont mit le désordre dans votre belle forêt... Votre gentillesse est plus que bienvenue, mais pourquoi pensez-vous que nous la méritons? »

Autre question piège ! Leur confiance n’était pas encore totalement acquise à la fée. Mais cette dernière commençait à en avoir l’habitude. Elle s’arrêta d’avancer et se retourna pour regarder le jeune homme avec son air de poupée.

« Je vous l’ai dit. Vous êtes toujours suspicieux. Vous préférez voir le mal avant de voir le bien. Vous êtes si sur que toutes les autres créatures sont comme vous. Mais c’est faux. Je voudrais juste vous le faire comprendre. De plus, en vous aidant, je parle des humains en général, peut-être que vous comprendrez votre erreur de vouloir détruire la nature »

« Vous nous emmenez vers une route ? »

Ah quand même, on y est presque à cette confiance ! Encore un tout petit peu de travail. Elle leur sourit de plus belle.

« Je vais vous faire traverser la forêt de manière à déboucher à côté de la ville. Il y a une route qui borde la forêt. Une fois sorti, vous n’aurez qu’à la longer sur quelques kilomètres et vous serez sortie d’affaires »

Elle dit cela comme s’ils venaient de gagner au loto. Elle semblait totalement heureuse de pouvoir les aider à s’en sortir.
 
« Allons. Dépêchez-vous maintenant sinon vous aller geler sur place ! »

Elle reprit sa route tout en restant à une certaine hauteur et distance du couple mais toujours sans en avoir l’air. Elle allait bien vite savoir si ses paroles les avaient convaincus ou non.

Selene ne s’attendait pas à ça. Qu’elle s’énerve, oui. Qu’elle soit déçue, pourquoi pas. Mais qu’elle ait les larmes aux yeux, elle n’y aurait pas pensée. Pour la fée, les humains étaient des destructeurs, des êtres mauvais. La fée serait-elle tout le contraire ? Parfait, elle est donc incapable de ressentiment. Ce qui sera facile à vérifier.
L’immortelle était cependant, tentée de la croire. Elle en avait assez d’essayer de trouver une logique à ce qui n’en avait pas. La fée avait sa confiance pour l’instant mais son projet de la détruire dés qu’elle en aurait l’occasion, était toujours d’actualité.

Veuillez m’excuser.

Le pire, c’est que c’était sincère. Il n’y a aucune raison de s’excuser pour avoir abattue de fichus arbres mais c’était les paroles de la fée qui la touchaient. Elle avait raison. Les hommes sont les seuls créatures vivantes capables de faire le mal. C’est eux qui avaient fait de Selene ce qu’elle est maintenant ; une femme froide et amorale. Elle était vraiment heureuse de rencontrer une créature qui ignorait le mal. Savoir qu’une telle chose pouvait exister lui mettait du baume au cœur. Le monde n’était peut-être pas aussi froid et stérile qu’elle l’imaginait. Ca devait être merveilleux d’être une fée.

Le vent glacial qui se faufilait entre les arbres et qui agressait la peau de l’immortelle depuis plusieurs heures n’eut plus d’emprise sur elle lorsque Jones lui passa son manteau. Même si l’attention était charmante, Selene était tenter du refuser l’offre ; Jones risquait beaucoup plus qu’elle, surtout en t-shirt. Cependant, il s’agissait d’un geste mécanique pour ce gentleman, une évidence qui ne souffrait aucune critique. C’est pourquoi, Selene se contenta de sourire et de le remercier. Mais elle pouvait faire un peu plus.

Monsieur Jones, commença-t-elle. J’ai bien conscience que ce qui vous arrive est ma faute. Mais, cette affaire était irréalisable avant même le début des négociations. Le reste n’avait pour but que d’insulter ce lieutenant qui m’était antipathique. Je suis navrée des répercussions que cela a eu sur vous.

 Jones n’avait pas à accepter ses excuses. Le but n’était pas là. Il s’agissait simplement de le rassurer sur ses propres compétences qu’il avait peut-être remises en question. Ceci étant dit, elle lui prit le bras et suivie la petite fée qui slalomait entre les arbres.

Il balaie les excuses d'un revers de main.

-Vous n'y êtes pour rien. Je n'aurais jamais du m'acoquiner avec ces guignols... Trop d'exigences, pas assez de marge de manœuvre. Ça ne pouvait pas bien tourner.

Sa réponse est aussi automatique que l'était le geste de donner son manteau. Et même s'il y voit un fond de vérité, il continue de blâmer Selene en son fort intérieur... Mais inutile de refaire un bilan de sa situation pour se rappeler que ce n'est pas le bon moment pour se pencher sur cette question épineuse. D'autant plus qu'il n'aime pas l'idée de mettre la jeune fille mal à l'aise.

-N'y pensons plus, et tâchons de sortir d'ici au plus vite.

Il accélère le pas, et réalise que les paroles de Selene l'ont replongé dans sa peau d'homme d'affaire, ce qui lui a presque fait oublier la fée. Un frisson lui parcourt l'échine sur toute sa longueur lorsque son regard se pose de nouveau sur les ailes bleutées qui volètent quelques pas devant lui. Sa complice s'est excusée, et lui même s'est laissé bercer par la douceur de sa toute petite voix. Tout comme à Selene un peu plus tôt, il est prêt à lui laisser le bénéfice du doute. Et même à lui offrir sa confiance. Quel autre choix de toute manière?

La main de Selene sur son bras est une sensation agréable, une douceur qui tranche avec le froid sur sa peau. Jones se surprend soudain à désirer davantage de contact. Peut-être lui passer une main sur la hanche, se blottir tout contre elle... Mais cela ne ferait que les ralentir, et il n'en ait pas question. S'ils s'en sortent, ils auront tout le temps de partager la chaleur de leurs corps.

Cette pensée lui donne de l'espoir, et il retrouve une foulée plus régulière. Sa tête ne lui fait presque plus mal. Peut-être qu'ils vont sortir de cette maudite forêt, après tout...

« Veuillez m’excuser »

L’immortelle s’excusait et semblait sincère dans ses propos. Quelque part, elle parlait pour elle et l’homme visiblement.

*Gagner !*

Elle avait réussi son coup. Elle le voyait dans leurs yeux. Ils avaient été touchés par son petit discours et ses larmes de crocodile qu’elle avait versé. Elle était vraiment trop forte. Pourtant avec ces deux là ce n’était pas gagné. Mais au final, elle avait réussi à se faire passer pour une gentille petite créature des bois qui ne vit que pour aider les autres. Quelle bande d’imbéciles !

Bon son histoire n’était pas totalement fausse. Les humains détruisaient tout. Mais à l’opposé de ce qu’elle leur avait dit, elle leur en voulait énormément. Elle considérait l’espèce humaine comme incapable d’apprendre. Alors à quoi bon essayer ? De toute façon, elle n’avait aucune envie de faire des efforts pour eux.

Elle les entendait discuter mais elle se moquait de ce qu’ils pouvaient se raconter. Elle les écoutait d’une oreille distraite. Elle écoutait juste assez au cas où ils parleraient d’elle.

Elle avançait en s’enfonçant de plus en plus profondément dans la forêt. Il n’y avait que la lumière de la lune pour les éclairer. Mais la forêt était si dense que la lumière argentée  avait du mal à pénétrer les frondaisons.

Elle savait où elle les conduisait. A l’endroit le plus profond qui soit dans l’immensité feuillue. De là, ils leur faudraient pas mal de temps pour s’en sortir. De plus, au vu du froid, l’homme risquait d’y rester ce qui réjouissait encore plus la méchante petite fée ailée. La fille devrait s’en sortir vu qu’elle était immortelle. Dommage ! Mais au moins, elle mettrait plusieurs jours à s’en sortir.

Elle avançait rapidement mais s’arrêtait régulièrement pour les laisser la rejoindre.

« Au fait, pourrais-je connaître vos prénoms ? »

Le feu follet les attendait et histoire de toujours s’assurer de leurs confiance quoi de mieux que d’essayer de les connaître. Son visage était toujours illuminé par son superbe sourire. Bientôt, elle pourrait faire tomber son masque.