Il est une certitude : l’argent ne tombe pas du ciel. Il faut aller le chercher. Pour cela, on peut travailler, ou investir l’argent qu’on a déjà pour en réclamer plus à la fin. Et c’était là la méthode préférée de Vance, même si ses nombreuses opérations promotionnelles revenaient techniquement à travailler.
De lutteur professionnel à entrepreneur, le Franco-japonais avait porté bien des casquettes, et il continuait d’en porter quantité. Paradoxalement, on le connaissait surtout pour son rôle de coach business et pour le style de vie décadent et dispendieux qu’il mettait en avant en ligne, alors qu’il gagnait bien plus en emprunts et en investissements.
Le gros investissement actuel, celui dont il fallait faire partie, tenait en deux lettres : I.A. La bulle enflait, enflait, et enflait encore, et pesait désormais des milliers de milliards de dollars. C’était la promesse d’un des plus gros krachs boursiers de l’Histoire, mais aussi de reviens rocambolesques pour ceux qui auraient placé leurs œufs à travers tout le poulailler. Et ce n’était pas qu’une histoire d’argent : une fois ce secteur mature, il donnerait lieu à la plus grosse mutation sociale jamais vue, et ceux qui profiteraient seraient les maîtres de ce jeu.
Il est donc logique que des gens venaient de tous horizons pour se mêler à des sommets, conférences et conventions sur le domaine, et la China Hi Tech Fair, se tenant dans l’immense Centre de Conventions et Expositions de Shenzhen, près de Hong Kong,ne faisait pas exception ; loin de là.
Si la Chine était à la traîne, comme pratiquement le monde entier, elle tirait toujours son épingle du jeu. Shenzhen produisait des équipements électroniques à bas prix pour le monde entier depuis des décennies. De ses usines sortaient des millions d’articles officiels, mais aussi de contrefaçons, contrefaçons dont le savoir-faire alimentait ensuite le savoir-faire industriel officiel chinois.
C’était du vol et de la copie, légaux, à une échelle gigantesque. Et il était à la fois incompréhensible et naturel que la logique persiste avec l’IA. Car si personne ne semblait vouloir de grandes IA chinoises, personne ne voulait passer à côté des marges énormes promises non plus.
Alors, le centre était plein à craquer, cette fois. Car, cette année, l’IA et, surtout, les gadgets exploitant des IA étrangères sous licence étaient en tête d’affiche. DeepSeek AI était là avec un gros stand et plusieurs conférences, évidemment, mais des centaines d’exposants montraient de nouveaux jouets, gadgets, jeux vidéo, équipements électroménagers, logiciels, et tant de choses parfois improbables, désormais équipés de réseaux logiques et de fonctions contrôlés par IA.
Les trois quarts de ces articles ne fonctionneraient pas, tout comme les trois quarts de la bulle au moins finiraient par brûler, mais tout le monde s’en fichait. C’était la ruée vers l’or et tout le monde voulait voir les cailloux brillants et poser leurs vilaines pattes dessus.
Seuls ceux qui comprenaient ce petit jeu ne semblaient pas dévorés par une ardente volonté de se jeter sur tout ce qui était présenté. Certains étaient là pour évaluer ce qui durerait et ce qui disparaîtrait dans les semaines à venir.
Parmi eux, Vance avait amené avec lui toute une équipe. Ses gens assistaient aux conférences et questionnaient les exposants pour recueillir un maximum d’informations, que des enquêteurs exploiteraient, ailleurs. Lui-même était surtout présent pour la figuration, et pour peser dans d’éventuelles discussions. Si sa personne faisait débat dans pas mal de pays, des pays comme la Chine, aussi avides que corrompus, lui tendaient volontiers la main. On était loin du Japon, où il considérait sérieusement la situation avant de passer déjà à l’intérieur des eaux territoriales.
Mais, puisque son rôle était surtout d’être vu où il le fallait, Vance avait aussi peu d’investissement concret dans toute l’opération. Évidemment, il l’avait ordonnée et il la pilotait mais, la plupart du temps, il ne faisait rien.
Il avait ainsi pris ses habitudes à la terrasse d’un débit de boissons en mezzanine, où il buvait du café, des smoothies ou des shakers protéinés en observant, en lisant ou en se permettant de mater les jolies femmes passant par là. Certaines exposantes, secrétaires et employées étaient absolument délicieuses, et il considérait sérieusement de convier une, deux, ou trois des filles dont il avait récupérer les contacts à le rejoindre ce soir à l’hôtel.
Mais sa réflexion avait fini par être coupée lorsqu’une brune stupéfiante, aux longs cheveux noirs épais, aux grands yeux bleus, au visage pulpeux, à la taille de guêpe et aux formes bien fermes et généreuses, fit son apparition à son tour. Plus que ses attributs physiques, cependant, il remarquait chez elle une assurance doublée d’une sensualité à fleur de peau, signes d’une femme accomplie et en paix avec sa libido. En somme, il avait face à lui une femme d’une valeur bien supérieure à la mêlée, et ce à tous les niveaux, et son orgueil autant que ses instincts le poussaient à la chasser.
Ainsi, c’est en prétextant un besoin de grand verre d’eau qu’il laissa sa petite table et se fraya un chemin jusqu’au comptoir à nouveau, s’y plaçant à côté de la belle et demandant son verre avant de faire mine de la découvrir, tournant la tête et posant son regard sur elle. Là, il fut étonné, cela dit, de la voir en train de le dévisager, avec une expression typique d’incrédulité mêlée de surprise. Vance connaissait ce regard et il esquissa un léger sourire encourageant.
Etait-il tombé sur une admiratrice ? De la figure de Wonder Vance, ou de Vance l’influenceur ? Il n’en aurait pas tant demandé, mais il prenait volontiers, car la chose l’aiderait assurément à atteindre son objectif.
« Bonjour, lança-t-il, en anglais, de sa grosse voix, Je suis Vance Dax. Et vous êtes ? »