Helel, connu pour son orgueil et sa volonté de dominer autant les évènements que les êtres, était pourtant un fin manipulateur. Et quiconque manipule son entourage, sait reconnaître les empreintes de la manipulation d’autrui, lorsqu’elles cherchent à s’immiscer là où elles ne devraient être permises.
Pourtant, Helel était aussi connu pour un autre détail, quelque chose qui lui valait la loyauté presque incorruptible de ses plus proches sujets : il était un maître juste. Tout du moins, autant que pourrait l’être un seigneur infernal. Et dans son domaine, il était connu de tous que la perfidie ou la traitrise n’étaient pas des moyens adéquats de gravir les échelons.
Autrement dit, il était prêt à laisser sa chance à Corona.
Helel avait pour don de sentir les émotions des autres, comme un nez affiné saurait reconnaître les notes florales spécifiques d’un parfum. Le Grand-Duc, lui, sentait la peur, le désir, souvent les deux mélangés dans un bouquet enivrant. Il sentait cette odeur chez Corona, mêlée à son parfum naturel de diablesse.
La poigne du beau diable était ferme, décidée, et sa puissance se ressentait aisément que ce soit dans les cornes ou dans la paume délicate de Corona. Il sentait la frustration de cette petite succube à se faire ainsi rabaisser, et il s’en délectait. Le Grand-Duc se demandait combien de temps il devrait l’humilier ainsi, pour qu’elle finisse par le supplier de le faire encore. Un instant, il s’imagina un futur proche, dans lequel Corona embrassait et léchait même avidement ses chaussures lustrées, remontant vers son sexe baiser par baiser, gémissant sa frustration et son désir.
Lui apprendre à faire plier les plus réticents ? Pourquoi pas…
« Je suis un maître cruel, Corona. Juste, mais cruel. » Annonça le colosse, ne se privant pas de dévoiler son sourire carnassier. Il alla même jusqu’à s’avancer d’un pas de plus, plaquant son torse contre les formes délicates de la diablesse. Il était absolument brulant, à un point qui tenait dans un équilibre habile. Entre l’impression de fondre, et l’impression de s’enfermer dans une couverture au confort sans pareil. « Je me demande alors pourquoi un vassal égoïste et imbu de lui-même comme Andras t’envoie à moi. Pour te punir ? Pour me faire une offrande ? Ou bien pense-t’il t’utiliser pour me nuire ? » Son sourire s’élargit, grandes dents de fauve en évidence.
La sentence était sans appel, irrévocable. Helel avait été clair à travers ses propos : il se moquait pertinemment de la raison pour laquelle Corona était ici. Il n’avait ni peur, ni doutes. Si elle était ici pour lui servir de jouet, il la choirait et la briserait tout à la fois. Si elle était ici pour apprendre, sans doute repartirait-elle plus puissante encore qu’Andras, au terme d’un apprentissage jonché des hauts les plus orgasmiques et des bas les plus dégradants. Et si elle était ici pour lui nuire, elle découvrirait les extrêmes de la douleur comme du plaisir. Comme si punitions et récompenses menaient toutes à la même finalité. L’illusion du choix.
Tout ce temps, le sexe du beau diable pressait avec insistance, quoique totalement au repos et couvert de son pantalon, contre le nombril découvert de Corona, en raison de leur importante différence de taille. Et, quand bien même le frisson d’une passion incontrôlable n’eut-il pas encore trouvé Helel, sa simple forme suffisait à insinuer douleur et plaisir contre la chair nue de la diablesse. Le tigre ne cachait pas ses intentions de la dévorer. Toute crue.
« Tu n’es pas une idiote, Corona. » Minauda le beau diable, son sourire devenu plus avenant quoique très clairement espiègle. Il plissa les yeux, laissant à sa nouvelle élève le loisir de caresser sa paume calleuse. Grand seigneur, Helel daigna même offrir son autre main au visage de la petite diablesse. Elle était ridiculement minuscule comparée à lui, et cette paluche de monstre paraissait démesurée à coté du minois délicat de la succube. Pourtant, ce fut avec une grande délicatesse qu’Helel vint caresser les contours de ce petit visage. « Je te l’ai dit, peu importe pourquoi tu es ici. Je sens que tes aspirations et ta… Politesse. Sont gâchées chez Andras. »
Son pouce s’arrêta sur les lèvres de Corona, tirant légèrement contre pour en apprécier le moelleux. Comme un miroir, Helel se mordit la lèvre inférieure, avant de reculer d’un pas, la chaleur étouffante de son corps s’éloignant, offrant enfin un peu de répit à la succube. Il est de bon ton de savourer les bonnes choses, plutôt que de se jeter dessus.
« Tu es la bienvenue ici. » Annonça Helel, alors que la porte du boudoir s’ouvrait d’elle-même. Il posa sa main au creux du dos dénudé de Corona, la guidant derrière la porte, et dans les couloirs sinueux. Des halls tortueux, anormalement hauts de plafond, partant parfois en embranchements insensés et culs-de-sac. Et parfois même, lorsqu’Helel revenait sur ses pas, pouvaient-ils constater que le retour ne ressemblait pas du tout à l’aller, les couloirs ayant de nouveau changé de position et de forme. « La magie qui anime cet endroit est hors de mon propre contrôle. » Dit-il simplement. « L’esprit qui habite le manoir décide de tout, en ces lieux. »
Une porte s’ouvrit alors dans un léger grincement audible. Helel sourit en se tournant vers l’entrebâillement.
« Entre la première. Cette pièce t’appartient, aussi longtemps que tu seras mon invitée. »
Le manoir était incroyablement précis dans son jugement. Corona trouverait toutes les fournitures et meubles qu’elle souhaitait, décorés et agencés de la façon dont elle aurait pu rêver. Mais les divers outils déposés sur le lit étaient-ils le fait de ses désirs, une plaisanterie tordue du manoir, ou bien une manipulation sans vergogne d’Helel lui-même ?
« Intriguant, mais pas surprenant. » S’amusa Helel en voyant la panoplie étalée sur les draps : une laisse pour chienne, une petite gamelle avec le nom de Corona gravé dessus, et plusieurs lanières de cuir, pinces et baillons. « Qu’en penses-tu ? » Elle l’ignorait, mais le premier test avait déjà commencé. Sa première leçon.