S’il y a quelque chose bien quelque chose que craint Erika, c’est de s’habituer à la mort et de finir cynique. Mais si y a quelque chose de pire, c’est la folie humaine, qui fait qu’on ne s’habitue jamais vraiment à la mort. Il était à peine 6H45 au poste, alors qu’elle prenait juste son deuxième donut et son café, qu’on vint la chercher pour un double homicide, un couple de jeune retraité, sans plus de détail que l’adresse et un commentaire qui en disait long « putain de dégénéré ». En tant qu’inspectrice de San-Francisco, c’était à elle qu’on confia l’enquête. La viking américaine, comme aimaient l’appeler certain de ses collègues, prit aussitôt sa voiture et arriva sur place au bout d’une vingtaine de minutes, finissant un donut.
Le meurtre avait eu lieu dans le quartier de Nob Hill. Si Erika ne laissa rien transparaître en passant à travers la foule et ignorant leur question, l’impressionnant par son gabarit par ailleurs, et enjamba le ruban de la police, saluant au passage quelques collègues. Intérieurement, la colère mêlée au dégoût la rongeait, s’en prendre à des innocents en pleine nuit, c’était un crime odieux. Mais cela ne l’avait pas empêché de remarquer que les policiers étaient blêmes et ce qui semblait être une femme de ménage, et sans doute la témoin, été prostrée contre un mur, entouré de deux policiers essayant de la mettre en confiance. Un double homicide ça remue toujours l’esprit et l’estomac, mais Erika ressentit un malaise plus lourd.
-Inspectrice Erika ! Héla un policier qui vint à sa rencontre.
C’était un vieux briscard, qu'Erika connaissait bien, et lui qui en avait vue de toutes les couleurs, semblait bien remuer malgré son air sérieux et professionnel. Signe que c’était du sérieux et pas un simple accident suite à un braquage raté.
-Salut Mickael ! C’est quoi le topo ?
-On a un psychopathe sur les bras. Dit-il de but en blanc, le ton plus sec qu’il l’aurait voulue. Suis-moi. Pas de témoins, mais y a des caméras et des gars sont partie relever les enregistrements. Pas de trace d’effraction, les voisins disent n’avoir rien entendu, la scientifique est en route et le légiste a eu un accident de la route, il arrive en taxi d’ici 5-10 minutes. C’est ici.
L’odeur aurait suffi comme indication, une odeur… bizarre, comme de l’encens, mêlé à celui du sang. En entrant, elle tomba directement sur un spectacle macabre : les corps nus, de multiples lacération sur le corps, formant comme des fresques et des symboles sur le plus de peau possible. Les visages étaient méconnaissables, la peau semblait presque ne plus tenir. Et ils étaient pendus depuis le plafond. Elle manqua de rendre ses donuts, mais elle se contint et regarda autour d’elle. Elle remarqua un pentacle sur le sol, fait avec du sang, sans doute celui des victimes, un encensoir renversé, des bougies noires et des croches au plafond. Le pentacle semblait partiellement effacé à la va-vite… non plus comme si on avait dérapé dessus, et même, il semblait incomplet.
-La dame prostrée dehors, c’est elle qui a appelé ?
-Oui. Répondit Mickaël. Une infirmière à domicile apparemment. Elle venait pour une prise de sang vers 6h00. Elle s’est ensuite réfugiée chez les voisins d’en face. 10 minutes plus tard, la première patrouille est arrivée, ensuite moi, le légiste, puis toi.
-Ok. Notre assassin semble être parti en plein travail. Je parie qu’il a été pris par surprise par l’infirmière, les croyants isolés, il a même mis de l’encens pour cacher l’odeur. Fait passer l’info, je veux que toute patrouille du coin me fasse un compte-rendu de leur dernière heure, signalement, chauffard, tout ! Faite du porte-à-porte, interrogez tout le monde dans le quartier, y avait forcément un joggeur, un travailleur municipal, une vielle à sa fenêtre, n’importe qui puisse croiser un type louche qui cavale ou une voiture trop pressée ! On a forcément un témoin ! Et je veux les enregistrements de caméra le plus vite possible !
-Bien reçu !
Mickaël s’éloigna pour parler à sa radio, laissant Erika seul avec le policier en faction devant la porte. Erika sortis d’une poche des gants en latex et s’aventura dans la pièce, prenant grand soin à ne rien écraser.
-On devrait descendre les corps. Clamât le policier soudainement, la voix blanche, et de toute évidence vue le timbre, il était encore jeune.
-Pas avant l’arrivée du légiste et de la scientifique malheureusement. Il peut y avoir des produits ou des empreintes sur les corps qui pourraient nous mener à ce connard, hors de question de polluer la scène. Va prendre l’air.
-Merci m’dame.
Erika fit une rapide inspection des lieux. Rien ne semblait avoir bougé. Elle trouva même le portefeuille sur la table de chevet. Les draps semblaient avoir été arrachés et traîné. Les victimes avaient voulu se défendre et s’étaient accrochées à leurs draps. Mais un homme seul n’aurait pas pu maîtriser 2 personnes, qui même vielle, étaient loin d’être décrépit et sans force, sans réveiller les voisins et sans faire tout un boxons. Pas de trace de lutte farouche, de débris ou d’objet. L’encens peut-être ? Droguées avec et une fois amorphe, il aurait pu les manipuler.
Erika s’empara du portefeuille et en sortit la pièce d’identité. Monsieur Wang Fang. Un Chinois donc. Elle pensa de suite à Chinatown, le quartier chinois, juste à côté. Était-il originaire de là-bas déjà ? Par ricochet, elle se rappela de l’affaire plutôt trouble d’il y a quelque temps ayant secoué Chinatown. Elle avait eu des échos, n’étant pas le secteur ce jour-là. C’était bête de penser à ça, mais… mais ça ne coûtait rien de se renseigner. Et elle savait qui appeler pour ça ! De quoi gagner un temps précieux !
Elle reposa le portefeuille, sortie de l’appartement et de son portable dans le même temps. Elle lança l’appel et attendit.
-Ah Chun-li ! Comment tu vas ma belle ? Désolé de te déranger, mais tu aurais quelques minutes à m’accorder ?
