« Si la nuit tombait trop vite, il ferait noir trop vite ». La seule chose censée que pouvait encore prononcer la jeune fille, recroquevillée dans son lit, à fixer un point invisible pour vous, visible pour elle. Ambre n’aimait pas la nuit, elle n’aimait pas le noir. La nuit donnait vie aux cauchemars, aux angoisses. Chaque bruit prenait une ampleur inhabituelle, courant le long des murs pour venir mourir aux creux des oreilles, secouant les corps de frissons. Non, Ambre n’aimait pas la nuit. Elle ne voulait, de nouveau, hurler à cause de ce tatouage qui lui déchirait la peau, qui donnait vie à des êtres atroces. Elle se recroquevilla, son regard visant les reflets cuivrés qu’offrait le coucher de soleil. Les secondes la séparant de la nuit lui troublaient l’esprit. Elle eut un tressautement, sentant les larmes agripper ses yeux. Elle s’étala brutalement sur le lit, serrant la couette contre son torse, ses cheveux noirs, trempés par la sueur liée à l’inquiétude, collant à sa peau pâle. Ses yeux, emplis d’une folie sans bornes, scrutaient les recoins de la pièce, où les ombres s’étiraient déjà. Elle ferma ses paupières rapidement, les rouvrit, les referma. Les tremblements agitaient déjà son corps.
« Crr … »
« Aaaaaaaaaaaah ! Non ! Pas moi ! Ce n’est pas moi ! »
Elle colla la couette à son visage, se cachant comme elle le pouvait. On venait la chercher, n’est ce pas ? On venait la prendre, l’éjecter de sa cachette, son mari voulait revenir la chercher. Il voulait encore la mutiler, il voulait lui tracer d’autres tatouages, elle n’était pas encore assez folle pour lui. Elle entendit un nouveau crissement, et hurla à pleins poumons, les larmes aux yeux. Chaque soir était ainsi, chaque soir était folie, chaque soir, on lui arrachait ainsi des cris. Les sanglots fatigués succédèrent à la panique hurlante. Elle se laissa tomber, enfermée dans son drap, immobile pendant 10 longues minutes.
Puis, nouvelle panique. Son drap voulait la noyer. Elle se débattit violemment, s’éjectant de son lit, tombant sur le sol, dans un bruit sourd et lourd. Elle devait s’éloigner de lui, il était vivant, il voulait la manger. Elle se releva, tremblante, et s’accrocha au mur, pour ensuite retomber, et se jeter sur son lit. Si elle le quittait, les ombres l’avaleraient. Non, non … Elle poussa un nouveau cri, puis tomba inerte sur sa couette. Ses yeux, seuls bougeaient, et ses pensées demeuraient : " Je suis folle, je suis folle ... Je te hais, tu m'as rendue folle "