En réalisant la situation, les habitants de la planète condamnée étaient parvenus à envoyer un ultime signal de détresse. Personne n’avait eu la moindre chance de sauter dans un appareil pour tenter de fuir. Seuls quelques opérateurs vissés devant leurs communicateurs hyperondes avaient pu enfoncer le bouton de transmission et lancer un ultime S.O.S. Puis, le silence total.
Les aventuriers solidaires et les ouvriers en mission dans les champs d’astéroïdes du système avaient foncé dès l’arrêt du signal, arrivant un à un face à l’horreur des blocs de roche gigantesques et du cœur en fusion qui, doucement, s’éteignait pour devenir un noyau brut de métaux rares dur comme le diamant qui servirait d’ancrage gravitique aux restes de ce qui était, un instant plus tôt, une planète malade mais vivante.
Les secours improvisés avaient vite réalisé que tout espoir était vain et ils commencèrent à se scruter et à s’invectiver à la recherche d’un responsable, d’une explication, de justice. Des vaisseaux militaires avaient commencé à arriver et avaient voulu calmer la situation pour, en fait, prendre le contrôle de la zone, dont les rocs renfermaient toujours les richesses encore inexploités de l’ancienne planète. Mais leurs intercepteurs avaient rencontré ceux d’autres armées, venues avec la même intention, et des face-à-face tendus entre escadrons et croiseurs avaient fini par provoquer une réaction diplomatique et le retrait des forces à des points déterminés de l’orbite.
Le limbo dans lequel se trouvait désormais ce territoire permettait à des curieux, à des chasseurs de trésors et à d’autres de se glisser à l’intérieur du champ. Parmi eux, un chasseur de primes solitaire, coupé de son équipe à la recherche d’un vieil ami. Jack avait profité de la première occasion pour s’infiltrer et, depuis, il balayait les roches et blocs dérivants à la recherche du moindre signe, balayant sur tous les spectres et toutes les fréquences possibles avec ses capteurs de pointe qu’il utilisait pour la traque des fugitifs.
« Allez, Rook ! Je sais que t’es un malin. »Mais il devait se résoudre au pire. Après des heures de recherche, il n’avait rien trouvé et il baissait lentement les bras.
Jusqu’à ce qu’un signal léger soit détecté.
« C’est quoi ça ? »Il se concentra sur la détection, perplexe, mais plein d’espoir, et l’ordinateur lui avança avec un faible niveau de confiance la présence de vie droit devant, dans un roc à la dérive.
« Putain ! Tiens bon ! Qui que tu sois, tiens bon ! »Jack mit les gaz pour s’approcher et ralentit progressivement en approchant, se plaçant en trajectoire parallèle avec le rocher avant de confier la navigation à l’ordinateur. Les trajectoires orbitales restaient chaotiques et il devait aller vite pour récupérer ce survivant potentiel avant qu’un autre objet ne fauche l’un ou l’autre. Il alla enfiler en vitesse une combinaison isolante souple et un casque, avant de fermer la cloison étanche entre le cockpit et la zone de repos. Il vida l’air et ouvrit la porte latérale et se retrouva face au roc, qui semblait juste flotter là, devant lui, alors qu’autour d’eux c’était un enfer de corps à la dérive volant en tous sens et se percutant violemment.
Il attrapa un outil laser multifonctions, qu’il avait gardé d’
Hypérion IV, avant de s’arrimer à la coque et de se lancer vers le roc. Il s’y accrocha, trouva une bonne prise, et commença à travailler, faisant fondre le roc méticuleusement afin de trouver ce qui semblait pris en-dessous. C’était absolument improbable, mais si ses capteurs avaient trouvé quelque chose, quoi que ce soit, il devait enquêter.
Il tomba vite sur une surface blanche et familière. La fine couche de poussière minérale s’étant solidifiée là se désagrégea en révélant ce qui avait tout l’air d’être un cocon osseux. Jack reconnaissait la matière minérale calcique constituant le squelette de beaucoup d’être vivants. Il en avait vu assez pour en être sûr. Il était circonspect, mais il savait son temps compté. Il tira sur la lanière le reliant au vaisseau et poussa le cocon à l’intérieur. Il entrait tout juste et il put se faufiler, refermer la porte, rouvrit la cloison et, retirant son casque, aller reprendre les commandes. Il brisa la trajectoire et rejoignit un coin plus tranquille, profitant de l’abri d’une des énormes masses de l’ancienne croûte planétaire pour s’y arrimer avec des ancres à pince et retourner examiner sa prise.
En y arrivant, il fut sidéré de voir que le cocon avait disparu et qu’à la place se trouvait une femme. Recroquevillée sur elle-même, elle resta immobile un instant avant de se mettre à bouger. Le vétéran, bouche bée, la regarda se redresser lentement et découvrir son environnement. Près d'elle, deux couchettes superposées, deux casiers étroits, une porte donnant sur des sanitaires absolument minimalistes et, là, dans la direction d'un poste de pilotage, un grand gaillard les yeux écarquillés, qui dut se faire violence pour réussir à prononcer quelques mots.
« C-ça va ? J’ai récupéré votre… Vous étiez sur la planète quand elle a explosé ?! »