« La mer a ses humeurs, ma petite dame. Parfois elle est gentille, joyeuse, heureuse de sentir votre gros bateau caresser son petit minois flottant. Des fois elle est boudeuse. Elle ne veux pas de vous, et souffle d’un vent contraire. Et parfois, elle est encore plus foudroyante que ma grosse quand elle a ses ragougnasses. Ouais, c’est une bonne...comment on dit, déjà...paraphrase ? »
« Périphrase » Soupira Dionysia en levant un sourcil, les bras croisés. « Et dans ce cas là, on dit métaphore. »
« Ouais c’est ça ! Une putain de métaphore ! Nan parce que vous savez, vous les pisseuses, parfois vous... »
« Allons au vif. Pouvez vous m’amener sur l’ile de Tricail ? »
« Patience madame ! Avec le vieux Hug, toute aventure commence par une bonne histoire ! »
Mais son interlocutrice n’avait pas envie d’écouter une histoire, là. Encore moins dans cette taverne portuaire qui sentait le poisson pas frais. Elle était en quête d’explorer les ruines de la tour d’ivoire d’un archimage elfe des mers, au sein d’un île perdue et réputée inatteignable. On disait que par moment, elle « disparaissait ». Sans doute le magicien qui avait posé ses bagages sur ce lieu voulait assurer sa tranquillité, même après sa mort. Mais le vieux marin avec qui elle conversait prétendait avoir trouvé un moyen d’atteindre l’ile. Sauf que pour l’instant, a part siroter son rhum et raconter des fadaises teintées de blagues salaces, il ne montrait pas vraiment ses capacités à savoir comment atteindre l’objectif de la magicienne.
« Y a banc de thon et banc de thon. Vous voyez ce que je veux dire ? Y a ceux qu’on des comportement normaux. Ils bouffent dans les eaux froides, et après file baiser pour faire des petiots dans les eaux chaudes. Normal quoi. Et y en a des étranges. Ils font des petits tours, des rondes et des mouvements pas normal, pas de saison. Avec le vieux Hug, y a pas besoin de carte ou de boussole pour voir des trucs qui fonctionne pas rond. Donc il a enquêté ! Et ouaip, a travers la brume et les tempêtes de la mer septentrional, et bah il peut retrouver l’ile ! Enfin...il peut s’approcher de l’ile. Car après, bobo ! »
« Comment ça ? »
« Y a pas que le fait que la mer s’agite plus que d’habitude autour de l’île. Y a une sorte de...je sais pas. Une sorte de mur invisible. »
« C’est une protection magique. Je saurais la percer. »
En vérité, elle n’en savait rien. Mais elle devait essayer. Si elle pouvait atteindre cette tour et les travaux de l’archimage, elle deviendrait la magicienne la plus crainte de la région ! Le fixant droit dans les yeux, frissonnante, elle lui dit avec ferveur.
« Emmenez moi là bas. »
Sans doute amusez par sa nouvelle partenaire, il souria, descendant une bonne rasade avant de lui répondre.
« Demain, à 4 heure, la marée sera clémente. Je vous attends au port. »
Entre gens déraisonnables, le courant avait bien passé entre eux. Cette incongrue mésalliance leur avait permis de se retrouver ensemble, au petit matin, à braver les eaux de la mer du nord. Le vent frais et les effluves salés ravivaient les sens de Dionysia. Leur bateau ne payait pas de mine. Hug entretenait une sloop avec à bord, en plus de eux deux, trois matelots. Brod, son « counsin germain par alliance », Barek à trois doigts, et celui qui grogne tout le temps, « on l’appelle juste Grognard ». Ils étaient parti depuis au moins 6 heures, et ils purent au moins profiter d’une mer plutôt calme. Mais sur le pont, leur invité semblait perdre patience.
« Dites, j’y connais peu, en navigation. Mais j’ai un compas. Et il m’indique que l’on tourne en rond depuis aux moins deux heures ! »
Son interlocuteur, à la barre, ricana en ouvrant sa gourde.
« Patience, ma p’tite dame ! Je vous l’ai dis, les poissons ne mentent jamais ! »
Elle jeta un œil plus bas, et il y avait effectivement un banc de poisson. C’était ça qu’il suivait depuis tout à l’heure ?
« Vous les pisseuses, toujours pressées, hein ? Je vous ai déjà raconté la blague de la ménagère qui a plus de dents ? »
« Au moins quinze fois ! »
« C’est moins que trente ! Alors c’est une ménagère, et elle a plus de dents. Et là... »
Un coup de tonnerre retentit. Étrange, car il n’y avait pas de nuage. Mais en observant le ciel, elle put sentir qu’il s’assombrissait. Littéralement. La lumière semblait se ternir d’une manière non naturelle. Le vieux Hug et ses gars commencèrent à être aux aguets.
« Coup de foudre. C’est le premier avertissement. »
Il sortit une bourse ou se trouvait des sortes de petites éponges de mer, taillé en forme de dés. Tous s’en enfilèrent dans les oreilles, et Hug en tendit à sa nouvelle partenaire, qui fit la moue en les observant.
« C’est pour les sirènes ! » Lui répondit-il. « Y en a dans le coin ! Cela vous protégeras de leur chant ! »
« Des sirènes ? Pourquoi vous ne m’en avez pas parlé plus tôt ? »
« Quoi ? »
Visiblement, la communication allait être un peu plus difficile. Forcément, leur échanges allait être ralentit. Elle soupira en saisissant les morceaux d’éponge alors que le vent se mit à se faire plus intense, et que des vagues de plus en plus hautes les menaçaient de chavirer.
« On fonce sur l’île ! Les courants marins ne sont pas naturels, mais j’ai remarqué que l’un forme une allée ! Si on l’emprunte, on pourra s’y diriger ! » Cria la marin à la barre.
« Quoi ? » Lui répondit Dio, des éponges dans les oreilles.
Déjà, des vagues cognèrent fortement contre leur petit navire, et Hug pointa son index en direction de la proue. Dio se tourna, et vit ce qui semblait dessiner le contour de immense tour. Et plus important, dans l’air se formait les signes avant coureur d’une protection magique. Il y avait bel et bien un dome de magie qui entourait l’ile. C’était là qu’elle intervenait. Peinant à garder son équilibre dans cette mer en furie, elle avança et leva son bâton, lançant son incantation. Un rayon d’énergie fut propulser et toucha les fameuses parois qui allait bientôt bloquer leurs avancées. Car le navire s’approchait progressivement de l’île. La magicienne dut intensifier ses pouvoirs, sentant que l’effort que demandait cette protection allait être intense. Déja, elle sentait son coeur artificielle chauffer, du à la quantité d’énergie que cela lui demandait.
Mais ses efforts furent récompensé, car une ouverture autour du rayon de mana commença à se former. Elle était entrain de percer la protection magique. Souriant, elle lança une nouvelle charge, ses yeux se mirent à briller et ses veines furent parcourue d’un étrange fluide violacé, changeant la teinte de ses rivières de sang. Sa concentration fut telle qu’elle se mit à ignorer l’environnement menaçant. Grave erreur, car le danger n’était pas vraiment devant eux, mais autour d’eux. Une énorme vague se forma, et sembla comme muée par une conscience propre. Car elle prit de l’ampleur pour se positionner en direction de la magicienne, puis déversa tout son flot sur elle, la faisant perdre pied. Surprise, elle ne put trouver le temps de se protéger, et fut emporter par dessus bord, dans cette mer en furie. Son bâton encore en main, elle tenta de crier à l’aide, mais ne réussit qu’à faire échapper des bulles d’air si précieux lorsque l’on est immergé.
Dionysia Laodice Sergotim savait-elle nager ? La réponse était bloup.
Agitant ses bras dans tous les sens, espérant ainsi déchiffrer l’art de la natation, elle ne put que constater son échec alors que son corps s’enfonçait dans les ténèbres glaçantes de la mer du nord. Seul une lueur d’intelligence lui était parvenu, l’incitant à tenter de lancer un sort. Mais son esprit, bien trop en panique, ne lui faisait que générer une aura de magie à la fois destructice et nécrotique, diffusant des ondes électriques et des flots d’énergie verdâtre. Un infime moment de clarté lui permit de se concentrer pour générer avec son bâton, encore en main, une lumière bleutée intense, qu’elle propulsa sous la forme de sonar dans l’océan. Espérant permettre au vieux Hug de la retrouver pour la récupérer. Mas déjà, sa conscience commença à lâcher et elle ne tarda pas à s’évanouir, la laissant ainsi continuer sa route vers les tréfonds des eaux agitées.