Masa était un lâche. C’était ce qu’il pensait, en tout cas –et ce que la plupart des gens pensaient de lui–. Il s’était toujours tenu à l’écart des conflits et des complications potentiellement intenses. Et s’il évitait déjà les confrontations verbales, que devait-on attendre des confrontations physiques ? Il n’y en avait jamais eu, tout simplement. C’était la première fois qu’il se jetait sur quelqu’un et il était absolument terrifié, incapable de deviner ce qu’il devait faire, ce qu’il pouvait bien faire pour asseoir sa position. Mais c’était pour Kleora et une chose était sûre : il ne comptait pas lâcher.
Quand le premier coup était arrivé, il avait déchanté, mais il n’avait pas lâché. Pour la première fois de sa vie, il découvrait le genre de douleur et de dommages qu’un coup pouvait produire. On peut dire qu’il avait eu de la chance jusque là. Sa chance était passée. Mais il découvrit qu’après quelques coups, avec assez de détermination, on commençait à faire abstraction, la douleur se reroutant à l’intérieur de son cerveau complètement affolé pour faire grandir quelque chose d’autre. Cette chose, c’était la colère.
« Je lâcherai pas ! Je lâcherai pas ! » marmonnait-il, surtout pour lui-même.
Il se chargeait d’une violence sourde qui commençait à vriller ses pensées. Un nouveau coup l’atteint et cette fois, il ne le sentait plus. Les dents serrées, il releva ses yeux baignés de larmes de douleur vers la gaijin, mais ses yeux étaient criants de rancœur et –chose jamais vue chez lui– de haine.
Elle lui intimait de lâcher, mais il ne lâcherait pas. Que lui restait-il à faire ?
Que ferait Kleora ?
T’es sérieux, là ?
Qu’est-ce qu’elle ferait putain ?!
Wow ! Du calme ! Euh… Je sais pas… Les chats ça… Euh…
Ça griffe ! Ça mord !
Oui, mais…
Pour une fois, la voix qui d’habitude le tançait passait pour celle de la raison –et peut-être l’était-elle toujours, elle qui ne faisait que le pousser hors de sa coquille malgré sa cruauté–. Mais elle ne parvint pas à le retenir.
D’un coup et d’un seul, mû par une énergie née du désespoir et du mélange d’endorphines et d’adrénaline le tenant encore debout, Masa poussa sur ses jambes et se jeta sur la Suédoise dans un cri strident. Doigts en avant, il lui attaqua le visage et chercha à la griffer. Il ne se les était pas coupés récemment, et sa belle le lui avait fait remarquer ce matin-là. Heureusement qu’il n’en avait pas eu le temps ! Il attaqua, griffa, feula littéralement.
De son point de vue, c’était le moment le plus violent et le plus brutal de sa vie, mais Feyre en avait vu d’autres. Il ne faisait pas le poids et il ne faisait pas bien mal. Il manquait tout bonnement de force et d’expérience pour la dominer. Sa tentative était vaine. Seule la surprise jouait pour lui, et il parvint quand même à la surprendre quand une main se referma sur ses cheveux et tira violemment. Il lui grimpa presque dessus en essayant de la faire tomber, et on aurait pu croire qu’il allait réussir à faire quelque chose.
Et puis, sans qu’il sache vraiment comment, il continua sa course en l’air, mais en chute libre, et il s’écrasa sur le bitume de l’autre côté. Il se roula immédiatement en boule, haletant et gémissant, attendant le retour de bâton.
Il n’en avait rien à cirer. Il avait ce qu’il voulait.
Il ne cherchait pas à la battre. Il avait compris qu’il n’y arriverait pas. Une fois sur elle, il avait tendu la main dans le sac, abandonnant toute idée de s’accrocher et de lutter encore. Il avait subi les conséquences mais avait gagné : il avait senti les dents d’acier dans sa paume et avait serré de toutes ses forces.
Maintenant, il gardait la fourchette fermement entre ses mains. La paume qui l’avait attrapée saignait, les bouts plantés dans sa chair, mais il s’en fichait. Il ne sentait rien. Il exultait. Il la tint près de son coeur, derrière l’écran de son corps tout entier, et ferma les yeux en se réjouissant.
Tu peux faire ce que tu veux, salope. J’ai gagné.
Mec, t’es un vrai taré…
Et les secondes s’égrenaient, attendant les coups punitifs ou… qui sait ?