Être enfin habillée avait ravie la jeune étrangère, qui en rougissait d'aise, un sourire heureux sur son visage doux. Certes, elle sentait combien sa poitrine souffrait du tissu tendu qui les recouvrait, elle qui avait semble-t-il hérité de cette génétique des deux côtés de ses mères, combien elle craignait que ses tétons puissent ressortir au travers du vêtement étiré par ses chairs douces et moelleuses. A son plus grand bonheur, Kaito accepta de passer du temps avec elle. A vrai dire, elle n'était pas sereine à l'idée de rester là, seule, dans cette maison inconnue alors qu'il s'occupait dans son coin, isolé dans sa propre demeure. Il était charmant. Ses passions ne la rendait que plus curieuse, une littérature inconnue, de la musique inconnue, un... club ? Elle n'aurait su dire la dernière fois qu'elle avait mis les pieds dans un lieu similaire. Et il était si jeune, mais avec tant de choses déjà à raconter ! Ce fut peut-être le seul moment où, s'il avait cessé de loucher sur ses seins, il aurait pu déceler une pointe de regret dans ses prunelles. Celle d'une adolescence effleurée mais jamais épanouie. Devait-elle lui raconter ses misères ? Avoir dû faire deux fois une même année d'école après avoir passé une année entière à l'hôpital ? Ou le nombre de cours qu'elle avait manqué à cause de son état de santé ? Le garçon sortit une espèce de téléphone, sortant Lied de sa torpeur.
« Une photo ? Oh ! Oui, bien sûr ! »
Ils avaient l'air bienheureux, sur le cliché. En fixant la figure quelque peu juvénile de son hôte, Lied se dit qu'il valait mieux ne rien lui dire. Après tout, cela n'aurait fait que l'inquiéter, pour rien, qui plus est ! Autant qu'il reste joyeux et serein, qu'ils profitent de cette soirée ensemble. Ils se retrouvèrent devant une pile de boîtes de jeux de société. La pauvre tekhanne n'en connaissait aucun, chose logique, et avait bien du mal à en comprendre les règles. Panne d'essence ? Les véhicules à essence étaient toujours le commun de cette société ? Comment ça, une oie peut prendre une échelle ? Elle ne possède même pas de bras pour grimper ! Ils en rirent ensemble, ahuris de ces incohérences qu'elle relevait, qui n'avait semble-t-il jamais choqué le jeune homme auparavant. La jeune femme proposa de laisser tomber, mais il lui proposa un jeu avec des petites tiges de bois, qu'il fallait retirer du bazar. Loin d'être une combattante ni même très stable, ses mains tremblaient, aussi, quand elle parvint enfin à saisir une baguette sans toucher les autres, celle-ci manqua tout faire voler tant elle tremblait. Perdu. Lied poussa un gémissement agacé et plaintif, s'écrasant sur la table en croisant les bras, boudeuse. Même le voir échouer au même endroit qu'elle ne l'empêcha guère de bouder. Et ce ne fut que pire quand ils passèrent à la console.
Lied n'avait joué qu'à celle de Belphégor, et c'était clairement une bien meilleure gamme. Certes, elle était incapable de battre ses deux fidèles amies de toujours, aussi Lied n'arrivait à battre en général que Violette, qui n'appréciait que bien peu les jeux vidéo, tout du moins ceux de course. Elle préférait les jeux d'intellect ou de plates-formes, sans pouvoir expliquer cette deuxième affection. Ce que Lied affectionna elle, en revanche, fut de se retrouver à écouter les histoires de Kaito. Elle comprit presque immédiatement son manège quand il organisa leur petite tente de conte, l'aidant à tendre le drap et rigolant doucement en le voyant faire de grands gestes alors qu'il racontait son histoire, tentant de l'impressionner ou lui faire peur, ou les deux en même temps. Feyril aussi adorait raconter des histoires, plus petite, venant se cacher sous la couette de sa grande sœur le soir pour lui en raconter, alors qu'elle ne pouvait quitter que difficilement le lit parfois, notamment quand elle était malade ou recevait ses premiers traitements liquides. Ceci faisant que, lorsqu'il s'arrêtait entre deux histoires, la jeune sénatrice lui racontait quelques passages de sa vie, un peu modifiés à la va vite si besoin, notamment autour de sa petite sœur.
« Feyril ne savait même pas lire correctement qu'elle venait déjà dans ma chambre essayer de me raconter des histoires, elle était trop mignonne ! Oh d'ailleurs, c'est elle qui m'a raconté celle-ci... »
Et elle lui raconta des histoires à son tour, des histoires d'aventure, de combat, quelques contes étranges qu'on lui avait offerts, … Au fur et à mesure, Lied se sentait à l'aise, riant de bon cœur en compagnie du garçon, appréciant simplement cette soirée dont elle avait tant eu besoin ! Elle avait fui pour cela, et l'avait trouvé, si simplement et facilement qu'elle en était presque à croire qu'il s'agissait d'un doux rêve merveilleux. De nombreuses semaines s'étaient écoulées depuis qu'elle avait pu profiter d'une soirée similaire, simple, dépourvue de travail et de prise de tête, où elle n'avait qu'à se focaliser sur son bien-être. Puis Lied bailla, légèrement, sa bouche s'ouvrant doucement alors qu'elle tendait sa main fine pour la couvrir, fermant par réflexe les yeux, alors que son camarade l'imitait presque aussitôt. Ils avaient fini par être quasiment synchrones, ce qui l'amusait d'autant plus, alors qu'ils riaient à l'unisson, sous la chaleur douce du drap sous lequel ils se trouvaient. Il était finalement temps de dormir. Toujours aussi charmant, Kaito alla lui chercher un matelas.
Et pendant ce temps, la jeune femme observa sa chambre. Il y avait en effet une quantité phénoménale de livres, allant de petits livres colorés et illustrés dont elle ne connaissait le format, à des livres plus grands, plus épais, où la tranche indiquait un titre tantôt de ce qui lui semblait un récit fantastique tantôt un texte plus littéraire, tout du moins, lui semblait-il. A part sa console et l'écran associé, c'était une chambre modeste d'un adolescent classique, ni dans le besoin, ni pourri gâté à n'en plus savoir que faire. Quelques feuilles traînaient sur un bureau un peu dérangé, avec un assortiment de stylos, au dessous d'une lampe on ne peut plus simple mais efficace. Lorsqu'il revint, tirant tant bien que mal un matelas, Lied s'était simplement assise non loin de là, le regardant faire avant de lui venir en aide pour couvrir le matelas et installer sa couche. Quelques instants ensuite, elle était là, lovée sous sa couette remontée jusqu'au dessus de son nez, à fixer de ses yeux bleus le jeune homme. C'était très étrange pour elle de dormir chez autrui. Même Sylphe, sa meilleure amie, n'avait pu la faire dormir chez elle qu'à ses dix ans, et ces occasions avaient été plutôt rares. Alors là, dans un monde inconnu, dans une maison inconnue, dans la chambre d'un homme ? Jamais ! Lied sortir le museau de la couette et lui fit un sourire.
« Bonne nuit, à demain. »
La lumière s'éteignit sur son visage souriant. Le sommeil ne fut guère long à venir la saisir dans son lit, emportant la demoiselle vers un rêve des plus étranges. Elle était seule. Perdue. Ce monde était noir, dépourvu de lumière, sans le moindre son ; un silence qui l'étouffait, lourd et pesant, la faisant choir sur un sol glacé, lisse, vierge de toute présence d'un autre qu'elle. Ne sachant quoi faire, elle pleura, et alors que ses larmes gouttaient sur le sol, des arbres commencèrent à pousser ça et là autour d'elle, des arbres qui poussaient morts, de la couleur de la pierre. Des bâtisses se hérissaient hors du sol, pics monochromes sans trace de vie qui s'écroulaient à moitié après avoir épousé les hauteurs. Oh elle tenta bien de fuir, mais plus elle s'éloignait, et plus ce spectacle se reproduisait autour d'elle, jusqu'à ce qu'elle percute enfin une autre personne, une personne pourvue de cornes d'un sombre meurtrier, au teint si pâle qu'elle aurait juré que jamais la vie n'aurait pu habiter un tel corps. Pourtant l'individu se tourna vers elle et tendit la main en sa direction. A cet instant, Lied cria.
Ses yeux bleus s'ouvrirent dans la pénombre nocturne de la chambre de Kaito. La pauvre était en sueur, haletante, regardant à droite à gauche pour chercher cette drôle de personne qu'elle avait vu. Un rêve. Ce n'était qu'un rêve. Poussant un soupir de soulagement, Lied observa alors son oreiller, puis celui où reposait la tête blonde de celui qui l'hébergeait. Elle ne se sentait pas vraiment à l'aise de dormir de nouveau, seule en tout cas. Quand bien même il pouvait être proche, ce n'était pas assez. Mais le plus pouvait être si gênant...
« Kaito... ? Kaito tu dors ? »
Nulle réponse venant du garçon. Il dormait à poings fermés. Délicatement, la jeune femme vint s'asseoir à ses côtés, sur le lit, se penchant au dessus de son visage pour pouvoir mieux l'entendre s'il venait à lui répondre. S'il avait été éveillé, et fort heureusement elle percevait son sommeil à son souffle, il aurait sans doute frôlé la crise cardiaque vu combien ses seins menaçaient de l'étouffer dans son repos. Lied le secoua doucement, craignant de le réveiller quand bien même il s'agissait de son objectif.
« Kaito, je... Je peux dormir avec toi ? S'il-te-plaît je... Je ne me sens pas bien... »
Un gémissement lui parvint à l'oreille, et sous ses yeux, un mouvement de sa bouche. Lui accordant toute son attention, elle fut persuadée qu'il venait juste de lui dire un oui tout ensommeillé avant de se tourner dans ses draps, quittant sa position allongée sur le dos pour se rouler sur le côté. Sa main vint relever les draps pour qu'elle y glisse son corps, le long du sien, repliant ses bras alors qu'elle fixait nerveusement son menton contre son front, son souffle venant chatouiller ses quelques mèches roses ondulées. Elle se disait alors combien c'était loin d'être la meilleure idée qu'elle ait eu, qu'elle risquait d'en payer les frais. Mais le souffle calme et paisible du blond l'apaisa, lui permettant de se calmer juste assez pour retrouver la quiétude, et ainsi, le sommeil. Cette fois-ci, aucun rêve désagréable ne vint la déranger, pas de figure démoniaque au regard assassin, pas de désolation morbide, juste une chaleur bienheureuse qui se promenait de son ventre à sa poitrine, telle une caresse sur son corps pour le récompenser d'avoir supporté ce cauchemar. Un bref instant, elle se sentit bouger, et dans un état de semi-conscience, n'en tint guère compte, se disant de manière logique que Kaito venait de se retourner une fois encore dans son sommeil et l'avait tout bonnement un peu chahutée dans son mouvement. Elle se sentait si bien, tellement au chaud, les membres si détendus, le bonheur d'un sommeil paisible qui lui procurait des flux de chaleur partant de son buste vers le bas de sa colonne...
Ce ne fut qu'au moment où sa respiration se fit plus saccadée qu'au travers de son sommeil le corps de Lied poussa un gémissement d'aise. Certes, elle dormait, profitait d'un sommeil paisible, mais elle semblait aussi encouragée à profiter de son repos par quelques malicieuses attentions extérieures qu'elle ne percevait pas, aussi intrusives que délicates, inappropriées que sources de plaisir.