En la voyant agir avec son chapelet, une chose était sûre, elle y tenait, à cette bricole. Et pour le coup, je ne voyais aucun simulacre dans son comportement, elle avait vraiment l'air attachée à cet objet, ce que je pouvais comprendre. Je prenais un soin fou de mes objets personnels, même ceux qui semblaient ne pas avoir beaucoup de valeur pour les autres. J'attachais une grande importance sentimentale aux objets que je possédais, sans même vraiment y réfléchir. Je commençais à me dire qu'elle ne mentait peut-être pas au final, mais cela n'expliquait pas du tout ce qu'elle était venue faire ici, au beau milieu du désert, à plusieurs centaines de kilomètres de distance du couvent le plus proche. Il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond, et je n'avais aucune explication à tout cela, hormis le fait qu'elle ai pu soit se faire kidnapper, ce qui arrivait souvent avec ces enfoirés, soit elle était avec eux, et je ne pouvais clairement pas trouver la moindre explication rationnelle à un tel comportement, si elle était bien une religieuse. Si elle était vraiment une religieuse, elle allait pouvoir me réciter son chapelet correctement, sans faire d'erreurs. Et c'était ce qu'elle était en train de faire, même si sa voix n'était clairement pas assurée à cause de la peur qu'elle n'arrivait pas à dissimuler. Dans une telle situation, j'aurais été à sa place, j'aurais agi exactement de la même manière. Mais je faisais mon travail, et il était hors de question que je fasse du sentimentalisme, ce genre de choses étaient clairement dangereuses dans nos situations.
Elle venait de faire ce que j'attendais d'elle, du moins pour donner du crédit à son histoire, même si cela n'expliquait absolument pas ce qu'elle faisait ici. J'expirais ma fumée par le nez, avant d'écraser ma cigarette dans le cendrier qui trônait à côté de moi, restant silencieuse quelques instants, avant de reprendre la parole.
- Ça donne du crédit à ton histoire, même si cela n'explique absolument pas ce que tu fais ici. On va dire que je te crois, sur le fait que tu puisses être une religieuse. Maintenant, je veux que tu m'expliques, en détails, et sans absolument rien n'omettre, ce que tu fais ici. Et j'espère sincèrement pour toi que cela n'a rien à voir avec ces salopards, car même ton statut de religieuse ne te sauvera pas des conséquences si c'est le cas. On a déjà assez de boulot comme ça à purger la région de leur présence, alors si en plus on doit faire la même chose avec les religieux à côté, on ne s'en sortira jamais.
Ceci dit, je lui donnais une tasse de thé, car même si je ne faisais pas dans le sentimentalisme, je restais tout de même humaine, et il y avait certaines choses qui ne se faisaient pas. Cependant, dans ce genre de situations, je ne donnais jamais de manière définitive, le moindre pas de travers, et je reprenais automatiquement ce que j'avais donné. Une sorte de carotte qui marchait très bien, pour la plupart des gens qui passaient entre nos mains. Même si j'avais les plus hautes responsabilités dans ce campement, j'étais l'une des interrogatrices les moins violentes, les autres l'étaient davantage, même si je les surveillais étroitement, histoire qu'ils ne dépassent pas les bornes quand c'était injustifié. Nous n'étions pas des sauvages, et je veillais en permanence à ce qu'ils agissent comme des êtres civilisés. Lorsque ce n'était pas le cas, ils en payaient le prix, mais surtout, je prenais cela comme un échec personnel, car cela voulait tout simplement dire que j'avais mal fait mon travail, ce qui, à mon niveau de responsabilités, était tout bonnement inacceptable. Je me rapprochais un peu d'elle, tout en jouant avec mon zippo, ce qui ne faisait pas le même bruit que mon arme à feu lorsque je jouais avec le chien, ce qui allait lui indiquer que ce n'était pas dangereux.
- Ceci dit, je vais te le dire comme je le pense, mais je doute que tu sois réellement aussi dédiée que cela à ta foi. Le fait que tu connaisses ton chapelet par cœur et que tu y tiennes autant est un fait indéniable, tu as la foi. Mais tu ne vas pas me dire que quelqu'un comme toi n'a strictement jamais rien fait de répréhensible par votre père tout-puissant. Tu ne me feras pas croire ce genre de choses, pas à moi.
C'était de la pure provocation, j'agissais de la sorte pour voir sa réaction, avant tout.