"Quant à me séduire ? Ne serait-ce pas là un jeu dangereux entre une employée et son patron ? Je dirais même que ça ressemblerait à un scénario typique de film X, qu’en dites-vous ?
-Mhm, approuva le vampire en prenant une autre gorgée de saké.
Sentant le pied de Lissandre effleurer sa jambe, le vampire eut comme un petit rire mental devant ce comportement. En bon camarade de jeu, le vampire se permit de laisser son propre pied remonter le long du mollet couvert de latex de la jeune femme jusqu'à la mi-cuisse, mais se retira aussi prestement. Hadrian n'était rien sinon un bon partenaire de jeu.
-Je dirais même qu'il s'agirait d'un cliché et…
Voyant que la jeune femme était partie en pleine pensée, le vampire y trouva le meilleur moment pour s'éclipser quelques minutes et s'excusa, sous prétexte de devoir emprunter les cabinets. Il regarda alors la serveuse et lui fit un petit signe discret de la tête, l'invitant à le suivre, ce qu'elle fit sans grand égard pour son poste. Il ne la laisserait certainement pas perdre son moyen de subsistance, surtout qu'elle allait bientôt devoir manger un peu plus qu'à l'habitude. En digne grand restaurant, les salles de toilettes étaient complètement indépendantes les unes des autres, et d'une propreté irréprochable. Dès qu'ils furent seuls, la jeune serveuse se jeta dans les bras du vampire, comme si elle ne demandait qu'à se faire agresser. Tel était l'effet monstre que le vampire avait sur les humains normaux. Fiou. Il était sur le point de croire qu'il avait perdu les talents des Ventrues. La jeune femme glissa rapidement sa main dans le pantalon du vampire, avant de prestement retirer le sien. Sans attendre un instant, le vampire lui donna ce qu'elle réclamait et la prit là, maintenant, dans les toilettes de son bureau, et alors qu'elle approchait de l'orgasme, le vampire en profita pour enfoncer délicatement ses crocs dans la nuque de sa victime et, sans hésitation, s'abreuva de son sang à grande gorgées, ne la relâchant qu'une fois avoir drainé suffisamment du liquide de vie pour refaire ses réserves, mais sans mettre la vie de la jeune femme en danger.
L'esprit humain ne pouvait pas vraiment comprendre ce qu'était le Baiser. Un humain lambda ne verrait probablement rien de plus qu'un baiser prolongé, voir un suçon, car la plupart des vampires étaient très habiles à cacher leurs crocs, surtout que rien ne forçait un de ses semblables à s'abreuver au cou. C'était simplement la méthode la plus classique et la plus rapide de se satisfaire. Dans le cas d'Hadrian, sa méthode favorite pour les femmes était de leur entailler discrètement la langue avec les dents et de boire tranquillement au fur des baisers. Enfin, pas cette fois; là, il avait besoin de se faire tout ça rapidement. Pour la jeune femme, ce baiser lui accordait la même sensation de pure extase que le plus puissant des orgasmes qu'elle n'eut jamais connus. Il y avait une raison pourquoi certains devenaient parfaitement accrocs au baiser; son effet était si exaltant et si puissant qu'ils en devenaient dépendants. Enfin, ça, c'était quand le vampire leur accordait le droit de se souvenir de cette rencontre. La plupart du temps, comme dans cette situation très précise, la jeune femme se rappellerait un baiser au cou, d'une baise soudaine et intense, mais ni du visage de son amant ni de cette morsure.
Une fois satisfait, Hadrian lécha la blessure pour s'assurer de ne laisser aucune trace et s'excusa pour la culotte de la jeune femme; celle-ci semblait avoir mystérieusement disparu. Un petit tour de passe-passe; en fait, elle était simplement dans la poubelle. Malgré son manque d'expression et son esprit analytique, il n'était pas détaché de son humanité au point de manquer une opportunité de faire preuve d'espièglerie.
Il retourna donc dans la salle à manger pour y trouver sa compagne, à peine remise de son voyage au pays des rêves éveillés. Elle demanda alors si elle avait raté quelque chose, et le Cainite étira un sourire rassurant.
"Non non. Je crois que notre serveuse a eu un malaise. Notre nourriture ne devrait pas… oh, la voilà."
Et comme il parlait, un homme s'approcha et déposa prestement la nourriture devant les deux clients, avant de s'en aller rapidement, évitant à tout prix de regarder la jeune femme; décidément, le latex ne le laissait pas indifférent.
Le vampire entama donc son repas, non sans une certaine tension au niveau de ce qui restait de son 'estomac'. Il eut, un moment, une prière, alors qu'il faisait entrer dans sa bouche ces immondices que les humains appelaient 'nourriture'. Certes, il fut humain, à une époque, et il aurait probablement adoré ce qu'il venait de mettre dans sa bouche et se forcer à avaler, mais en tant que vampire, le seigneur de la nuit trouvait que ce goût était immonde comparativement au délice qu'était le sang. Pour chaque vampire, le sang était le pinacle de la cuisine, son goût variant selon le vampire pour représenter ce qu'il aimerait le plus au monde, ne serait-ce que pour le motiver à se nourrir même si certains trouvaient le simple geste de se nourrir d'un être vivant parfaitement insupportable.
Pour être honnête, le vampire n'avait aucune affection pour le genre humain en soi. Les humains, comme les vampires, étaient des créatures capables des plus grands vices et des plus grandes réussites, mais comme le monde ne s'intéressait pas aux bienfaiteurs et que le bien était rarement payant, la plupart se tournaient vers le crime, la drogue, la violence. Le monde, tel que le vampire le voyait, n'était pas aussi rose et joyeux que le latex qui couvrait la peau de sa partenaire. C'était un monde sombre, où chaque geste pourrait causer un incident qui, plus tard, causerait la mort de plusieurs innocents.
Enfin. Tout cela était bien loin des pensées du Cainite.
Après s'être gavé, faute d'un meilleur terme pour décrire cet effort surhumain pour absorber cette nourriture abjecte, le vampire leva la tête vers sa compagne pour voir si elle appréciait son repas.
"Sinon, vous sembliez avoir une idée. Je peux vous aider? À la rigueur vous inspirer?"
Il dit la dernière phrase avec un sourire mi-provocateur, mi-sincère.