Un crétin d'européen aurait ricané, en se fendant d'un « Tiens, voilà la Mère Noêl », aussi stupide que malvenu.
Pas Camille !
Certes, l'univers Pokémon a ouvert et ouvrira la porte à toutes sortes d'expressions.
Certes, en y plaçant ses services de photographe, Camille se doutait qu'il y aurait des surprises.
En fait, c'est comme un rêve éveillé !
La Pokégirl (il va falloir qu'il s'habitue à ce mot, d'autant que, si ça se passe bien, ce sera peut-être une ouverture pour d'autres Pokégirls acceptant de poser!) est à la fois comme il l'imaginait, mais aussi au delà de ce qu'il imaginait.
Déjà, elle est plutôt petite, avec des cheveux qui semblent déborder de partout. Loin des mannequins nordiques qui peuplent les revues ! Ensuite, elle a un de ces regards, d'une couleur indéfinissable, aux limites su surnaturel.
Mais ce n'est pas le plus insolite. Sa tenue ! Avec les critères de celle d'un gros bonhomme rouge récemment passé. Justement, celui qui a permis à Camille de recevoir en cadeau ce qui manquait à sa passion photo, un studio enfin digne d'un pro.
C'était le chaînon manquant ! Celui qui lui a dit « vas-y, ose, montre ce que tu sais faire ! ». Mais très vite les portraits de famille l'ont lassé ; il fallait autre chose. Autre chose qui est là ; il ne peut plus reculer.
Alors, prenant une voix la plus douce possible, une « voix androgyne », il répond à sa visiteuse :
« Bonjour Kokoa, vous ne vous êtes pas trompée d'adresse. Entrez ».
Ado ? Adulte ? Déguisement ? Réalité ? Il la regarde, visage, silhouette, tenue. Où a-t-il mis les pieds ?
Modèle, oui, modèle d'abord, peu importe le reste. Camille doit rester pro avant tout.
Sans se départir de cette voix qu'il veut neutre, ni homme de l'Etat-Civil, ni femme de ses désirs, il poursuit :
« Je viens de mettre la touche finale à ce décor ; vous serez la première à l'inaugurer ainsi ».
Il cherche, sur le visage, une réaction.
C'est toujours comme ça qu'il fonctionne, quel que soit le type de photo. Si le, la, les modèles tiquent, c'est que la suite est vouée à l'incompréhension, aux divergences, aux blocages ; à l'échec.
Mais, si la ou le modèle regarde, jauge, sourit, c'est gagné, et là toutes les possibilités s'ouvrent, certaines ayant fini très intimement d'ailleurs.
Qu'une femme pose en lingerie, qu'un homme pose en boxer moulant, et les sens de Camille en étaient retournés.
D'ailleurs, il en jouait, et, selon qui il recevait, était homme ou femme, voire ambigu pour plus encore faire monter le doute, donc le suspense, donc l'excitation.
Autant les séances de pose en famille étaient soft, autant Camille se lâchait sur les poses de modèles, avec quelques déconvenues toutefois.
Pour le moment, difficile de savoir ce que sera la suite ! Il ne parvient même pas à définir les réactions de Kokoa. Il faut détendre l'atmosphère ;
« Je viens de me faire du thé. Ça vous dit ? Comme ça, on pourra discuter de la suite »