Kyoto. Dans l’immensité des cieux, les constellations s’étendent de part et d’autre. Toutes à leur place à des dizaines de millions de kilomètres, elles éclairent. De petits soleils qui, plus proches, doivent être aussi impressionnants que notre étoile. Sur cette petite Terre, des immeubles cachent les cieux, alors, Lyra grimpe pour les observer. Elle entend les quelques couples s'aimer, les nombreux taxis et voitures klaxonner et, au fond d’elle, unique, son coeur battre. Elle plisse les yeux, Seikusu, dans la nuit, voit de belles fenêtres se teindre en rose, en rouge, parfois même il n’y a pas de lumière. Les démons rient ici et les anges pleurent. Elle est certaine qu’ils existent. Mais comment savoir si ce que racontent les autres sont mythes ou réalité ? Si elle écoute son coeur si souvent, c’est qu’il a raison. Et sa raison, elle, confirme. Liberté de pensée, d’agir, de rester forte quoi qu’il arrive. Assise sur le bord d’un immeuble, elle ferme les yeux, ses jambes balançant dans le vide. En bas, les piétons courent, se bousculent, elle, en haut, seule, sourit.Elle semble se moquer du commun des mortels. En contrebas, une des fenêtres de la bâtisse est ouverte. Lyra se demanda qui pouvait bien laisser sa fenêtre ouverte dans Kyoto avec un air aussi… Pollué. Elle plaça son ample sweat sur son nez et releva les yeux vers la lune. Sainte mère qui surveille la Terre… Lyra semble sourire aux astres, mais eux jamais ne répondent… Elle entendit des pas approcher, elle se tourna. Ils sauraient qu’elle a forcé la porte s’ils la voient ici… Hm. Elle posa ses mains sur le bord où se trouvaient auparavant ses jambes et elle se glissa prestement dans la chambre à la fenêtre ouverte.
Gracieuse et discrète, elle n’entendit que les ronflements de l’homme qui était dans son lit. Les grincements sous ses pieds étaient volatiles, la petite plume se dépêcha et sortit de l’appartement pour descendre les marches quatre à quatre. Son sac sur le dos, elle observait défiler les étages sans se fatiguer. Elle était très sportive. Elle sortit enfin… Ses yeux d’un bleu profond dans la nuit, suivirent les mouvements des voitures qui passaient, et ceux des passants qui ne faisaient attention qu’à eux. Il y avait longtemps qu’elle n’avait plus entendu de gazouilli d’oiseaux… Ni de soupirs d’aise, ni même n’avait senti quelqu’un l’apprécier. Et après tout, elle s’en foutait. Lyra aimait sa liberté, elle aimait sa vie et ne laisserait à quelqu’un pour rien au monde. Entre les ombres, la vagabonde passe et danse. Elle observe les vacillantes lumières non loin. Les rues se font peu à peu plus désertes encore alors qu’elle se dirige vers l’habitation de son amie. Une fois désertes, elle s’amusa. Entre les ombres, des regards fugaces, elle se sentait observée par les ténèbres elles-mêmes. Elle les narguait et en jouait. Parfois, elle sautait sur un lampadaire pour seulement glisser de l’autre côté, un pied contre le fer, la main glissant de côté pour parfaire cette danse solitaire. La belle ange descendit de ses perchoirs improvisés une fois qu’elle fut face à la maison de son amie. Elle entra par la fenêtre, ne la réveilla pas mais déposa une peluche entre ses bras.
Elle prit quelques affaires, après tout, si elle ne dormait pas c’est qu’elle avait du travail. Non, elle n’offrait pas ses services, loin de là, elle faisait office d’informatrice, quitte à s’attirer des ennuis. Elle préférait cela qu’être traitée en esclave. Tch, ces filles là manquent cruellement de volonté et d’esprit. Sent-elle alors une pointe d’amertume ? Oui. Elle ne sait pas la qualifier, mais elle est agacée. Elle prit des vêtements et passa dans la salle de bain. Laissant choir ses vêtements confortables elle croisa son reflet dans le grand miroir… Une fois encore, son regard s’en détourna. Elle détestait se voir. La demoiselle ne comprenait pas comment des hommes pouvaient la désirer. Parsemé de cicatrices à peine visibles, son corps était pâle… Témoignant d’une pureté sans égal et pourtant… Pourtant elle ne voyait que ses blessures passées... Elle eut envie de frapper la glace mais s’abstint, elle y fit dos. Et mit une robe noire, une demi cape noire à capuche, des gants longs. Lyra enfila des collants noirs, semi opaque et des chaussures confortables, suffisamment pour courir. Elle vérifia qu’elle pouvait bouger comme elle voulait en étirant son corps, elle saisit sa jambe et la leva en grand écart devant elle. Elle étira son dos également, tout irait bien… En revanche, les gants étaient de trop si elle voulait s’enfuir. Si elle ratait une prise à cause de ce vulgaire morceau de tissu, elle pesterait jusqu’à la fin de ses jours dans un lit d’hôpital.
Elle sort enfin, la belle sauvage, après s’être lavée, habillée et s’être restaurée.
Enfin sortie de l’habitation, elle mit sa capuche pour ne laisser que ses lèvres, empourprées d’un rouge sombre, visibles. Lyra avait une besace noire qui lui permettait d’emporter les documents. La belle de la nuit marchait à présent seule, dans la lumière en évitant les ombres. Elle savait à présent que la nuit était dangereuse. Un bar bruyant était sa cible. Elle entra prestement dans le bar et s’installa au comptoir après avoir pris un moment pour observer attentivement les personnes présentes. Elle devrait faire vite. Elle attirait les regards… Posant sa main sur le comptoir, elle pianota d’impatience et, quand le barman s’occupa d’elle, elle murmura à son oreille les informations récupérées. Il lui offrit un verre d’eau, demandé par la demoiselle. Elle entendit un bruissement tout près… Elle termina son verre d’une traite et se leva, elle passa avec discrétion certains documents et se dirigea vers la sortie en entendant des chaises grincer sur le sol. Certains s’avançaient, ils étaient quatre, peut-être cinq. Lyra sortit et grimpa tout de suite sur le toit du bar. Fort heureusement elle y parvint sans trop de difficulté. Elle entendit un coup de feu et se mit à courir sur les toits. Ils la suivaient, elle essayait de les semer et pourtant elle n’y parvenait pas. A chaque fois qu’elle était en poursuite, elle avait des phrases en tête qui lui revenaient.
‘Des ennuis ? Quels ennuis ? On n’a des ennuis que si on se fait prendre.’
La tigresse sautait en entendant les balles la frôler. Elle perdait de l’avance, les toits craquaient sous leurs pieds, le visage de la demoiselle, encore invisible, elle descendit dans une ruelle et fut tout de suite plaquée au sol. ‘Là j’ai des ennuis.’ La tempe braquée par une arme. Lyra chercha à se relever mais l’homme plaça un genou sur sa colonne vertébrale et appuya. Vivace et violente, elle parvint, à la stupéfaction de cet inconnu, à se retourner. Lorsqu’elle vit trois autres hommes approcher, elle pesta. Ils relevèrent sa capuche et révélèrent son joli minoi. Un joli minoi soudain envahi par la haine. Elle se débattit. Deux autres durent la maintenir. Elle n’avait visiblement pas peur de l’arme qui était posée sur sa tempe.
“Lyra… Scytha. Pourquoi ne suis-je pas surpris ?”
Elle pesta et mordit un des hommes à sang. Elle continuait de bouger, de gesticuler, de mordre, surtout. L’homme qui avait pris la parole se pencha vers elle, un sourire victorieux aux lèvres.
“... Tu le sais que tu vas passer un mauvais moment ?”
Elle cessa un peu de bouger et le fixa du regard, un sourire provocateur aux lèvres. Ce visage d’ange se changeait bien vite en démon. L’homme au-dessus des autres posa son pied sur le genoux de la demoiselle, menaçant de lui briser. Elle grinça des dents.
“Enflure, qu’est-ce que tu penses ? Que je reste avec vos hommes, votre gang tout le temps ? J’informe le plus offrant, c’est tout.”
Il tira, tout près de son oreille. Ce qui eut pour effet de la faire sursauter et, en prime, de lui offrir un sifflement auditif atroce. Elle posa une main sur son oreille.
“Tu as choisi le mauvais camp, dommage, tu étais pourtant utile.”
Quoi, ils allaient la tuer parce qu’elle survivait ? Elle pensa que c’était risqué, mais elle le ferait. Elle attendit d’un faux air effrayé le moment fatidique où la balle allait être tirée, elle releva sa jambe non prisonnière du pied de l’homme et alla directement la loger dans son entre jambe. Dans le mouvement de panique, elle saisit l’arme de celui au-dessus d’elle et tira froidement. Lyra se releva en braquant tour à tour les deux autres… Elle recula lentement, sans regarder derrière elle. Elle sentit soudain quelque chose derrière elle… Quelqu’un… Son dos rencontra sans doute le torse de quelqu’un… Un homme de surcroît. ‘Eh merde…’ Elle déglutit. En face, celui qui avait certainement eu la plus grosse douleur de sa vie se mit à rire…
“Le sort s’acharne dirait-on…”
Elle n’osait pas regarder la personne derrière elle. Elle s’était faite avoir, comme une novice, une vulgaire enfant ! Le faciès couvert de sang, elle respirait vite, cherchant une échappatoire. Mais aucune ne lui vint.