En des temps immémoriaux, Alduin-Le-Noir avait défié le Patriarche. C’était un combat légendaire, et le nom d’Alduin résonnait au-delà des terres sylvandines. Les contrées proches en parlaient, ainsi que de multiples peuplades barbares et autres clans de dragonniers. La légende disait d’Alduin qu’il était l’un des Anciens, un très vieux dragon qui avait vu le jour il y a des éons de cela, quand Terra n’était encore qu’une planète en fusion, et dont le souffle aurait même créé Terra. D’aucuns disent ainsi que les éruptions volcaniques correspondant aux périodes où Le Noir s’émerge de son sommeil éternel, de son
kalpa, un cycle de repos. Les Sylvandins étaient convaincus qu’un des lieux les plus sacrés du royaume, surnommé «
La Prison Oubliée », abritait le corps d’Alduin. Il était dit que lui et le Patriarche s’étaient affrontés il y a des éons de cela, à l’époque de la Grande Guerre, quand les Grands Anciens avaient envahi le monde. Alduin aurait été corrompu par eux, et aurait été vaincu par le Patriarche. Incapable de le vaincre, ce dernier avait réussi à le sceller dans les profondeurs de Sylvandell. La légende disait d’ailleurs que, si le Patriarche avait fondé une alliance avec Erwan Korvander, c’était précisément pour que les humains entretiennent les sceaux magiques posés jadis par Maerlyn et par Arthur L’Aîné.
Alice ignorait si tout cela était vrai, mais la Prison Oubliée restait un lieu totalement interdit. Des gardes surveillaient les lieux, ainsi que quantité de runes magiques, d’oiseaux, et de détecteurs. Aucun touriste ne s’y rendait, et ce d’autant que la Prison se trouvait à des lieues de la capitale, dans une région rocailleuse, escarpée, dangereuse, peuplée de redoutables monstres. Alice n’avait fait que survoler la Prison, ressemblant à une sorte de cratère volcanique entourée de griffes acérées. De la fumée s’en échappait régulièrement, et l’Omniprêtre s’y rendait régulièrement. Sans donner clairement sa version des faits, l’Omniprêtre assurait qu’il y avait des glyphes à entretenir, et que quelque chose de dangereux sommeillait là-dessous.
Sylvandell avait après tout son lot de lieux atypiques. Outre la Prison, il y avait aussi Kor-Tarath, un ancien fort infernal construit pendant le Grand Conflit. Alice soupçonnait d’ailleurs un lien entre les deux, comme si les démons de Kor-Tarath avaient cherché à l’époque à réveiller Alduin. Le fort avait connu un récent regain d’activité qui avait donné lieu à plusieurs péripéties, jusqu’à une bataille pour reprendre Kor-Tarath de cultistes*. Plus l’enquête avançait, et plus les Sylvandins commençaient à soupçonner une antique et redoutable organisation criminelle, la
Monarchie de la Rose, d’être à l’origine de la résurgence de Kor-Tarath.
Quant à Alice, elle se trouvait aujourd’hui au Château, où elle remplissait dans son bureau des feuilles de manuscrits. L’une des activités de la Princesse consistait à remplir les cahiers de doléances des sujets royaux. Ceux-ci écrivaient directement à leur souverain pour obtenir son avis, ou bien il s’agissait d’autoriser telle ou telle démarche, notamment avoir accès à un document royal couvert par le secret royal. Ces tâches étaient importantes, et son père avait toujours eu pour habitude de les déléguer à ses conseillers. Finalement, Tywill avait chargé Alice de s’occuper de «
tout ce fatras de papiers », ce qu’elle faisait consciencieusement.
Son père était absent. Récemment, Alice avait été attaquée par l’un de ses majordomes, Thomas**, qui semblait avoir été corrompu par la Monarchie. Les faits étaient graves, si graves que Tywill et l’Omniprêtre étaient partis pour la capitale impériale, en compagnie de Serenos Sombrechant, Roi de Meisa, qui se rendait régulièrement à Sylvandell pour poursuivre les investigations relatives à Kor-Tarath. En leur absence, Alice gérait donc l’ensemble des affaires courantes du royaume.
*
Alors... Une demande d’homologation d’un accord entre fermiers...*
Alice se mit à bâiller en se frottant les yeux. Un fermier avait conclu avec un autre un bail purement oral portant sur la location d’une grange... Enfin, c’était plutôt le père du fermier qui avait consenti à un autre, sauf que le fermier, après le décès de son père, avait choisi de récupérer la grange pour y entreposer son matériel, donnant lieu à un litige entre les deux. L’affaire avait été portée devant la juridiction sylvandine, et un accord avait été conclu. Le Tribunal demandait donc à la Couronne d’homologuer l’accord, de manière à ce qu’il ait force exécutoire, et à ce que, en cas d’irrespect de l’accord par l’une des deux parties, la partie lésée puisse faire appel à la force publique.
La jeune femme prit connaissance du dossier, tournant les pages, puis finit par signer l’ordonnance royale donnant force exécutoire à l’accord, avant de le tamponner du sceau royal, puis déposa cela dans une bannette pour l’échange des correspondances.
*
J’espère quand même que la journée de Melendil sera plus palpitante que la mienne...*
Il était parti faire des recherches sur Véronique, afin de découvrir d’où la Terranide venait.
On toqua alors à la porte du bureau.
«
Majesté, Majesté ! »
Un jeune page se tint devant elle. Benoît. Un page assez boutonneux aux cheveux roux, qui, comme à son habitude, s’empourpra devant la Princesse.
«
Que se passe-t-il, Benoît ? -
La patrouille près de la Prison a arrêté une étrange dame, Majesté... Qui voulait voir Alduin... »
Cette première information était étonnante, mais le reste l’était encore :
«
...Et qui prétend s’appeler Serenity Sombrechant. -
Som... Sombrechant ? »
Benoît acquiesça. Alice se redressa alors, et enfila un court manteau pour protéger sa robe blanche, puis s’avança dans les couloirs. Elle rejoignit ainsi le salon central, où plusieurs gardes entouraient cette femme. Appartenait-elle à la famille de Serenos ? Alice n’avait jamais entendu parler d’une quelconque Serenity, mais elle ne connaissait pas non plus toute sa famille.
«
SA MAJESTÉ LA PRINCESSE DE SYLVANDELL ! » héla un page.
Alice entra rapidement, et fit signe aux gardes de se mettre au repos, puis grimpa sur le trône de son père, où elle avait préalablement pris soin de faire déposer quelques coussins pour la rehausser un peu. Elle regarda ensuite l’étrange femme, et fronça les sourcils, lui trouvant un air familier avec Serenos.
«
Qui êtes-vous ?! demanda-t-elle.
Pourquoi avoir voulu rejoindre la Prison Oubliée ? C’est un lieu qui est rigoureusement interdit. »
* :
Cf. RP « Le Fléau [Partie 2] »** :
Cf. RP « L’Ingénue »