Il y avait une belle animation ce soir au musée Shunshō de Seikusu. Un vernissage avait lieu, et le conservateur du musée avait invité beaucoup de gens à cette occasion. Tout le gratin de la ville s’était déplacé dans la salle des fêtes du musée. Un peintre japonais local exposait une série d’estampes, des gravures sur bois typiques de l’art traditionnel japonais. Ce n’était donc pas un hasard si le vernissage avait lieu au musée Shunshō, puisque le musée s’appelait ainsi en l’honneur de l’inventeur de Katsukawa Shunshō , un artiste à l’origine des
yakusha-e, un sous-genre d’
ukiyo-e. Né à l’ère Edo, une période de paix et de prospérité japonaise, l’
ukiyo-e était un mouvement artistique consistant principalement à faire des estampes représentant des personnages ou des évènements populaires : le
kabuki, le
sumo, des gens ordinaires… Le
yakusha-e était donc un sous-genre du
ukiyo-e visant à faire des estampes de portraits individuels.
D’origine occidentale, et même olympienne, Psyché avait appris tout cela grâce à cet outil terrien fabuleux qu’on appelait Internet. Elle avait bondi sur l’occasion de se rendre à ce vernissage, y voyant là l’occasion pour elle d’en apprendre davantage sur les arts plastiques japonais. Divinité des émotions, Psyché avait une attirance naturelle vers l’art, car il était bien connu que l’art suscitait des émotions. Pour les plus sceptiques, Psyché renvoyait à l’un de ses poèmes préférés :
L’Idéal, de Baudelaire.
En l’occurrence, elle s’avançait donc dans les couloirs. Le conservateur du musée, Takashi Kawasama, avait organisé un buffet en exposant les principales estampes de l’artiste, qui était sur place. C’était un jeune homme à lunettes fringant d’une vingtaine d’années, qui rougissait une fois sur deux. Psyché, de son côté, regardait distraitement les tableaux qu’elle pouvait voir, comme
Hokusai, La Grande Vague de Kanagawa, représentant… Une grande vague avec des bateaux manquant d’être submergés. Elle tenait un verre de champagne à la main, mais, malgré la beauté des lieux, elle était surtout agacée.
*
Je ne sens pas beaucoup d’émotions par ici…*
Même le conservateur, qui parlait d’une voix forte en essayant de lui donner toute la passion possible, n’était guère intéressé. Tout cela était assez déplaisant. Ce vernissage était l’expression d’un snobisme culturel classique dans les arts plastiques, où les bourgeois et les aristocrates venaient assister à ces cérémonies pour satisfaire leur image publique. Elle observait donc les images et les tapisseries sans rien dire, avant de sentir brusquement une présence similaire.
*
Serait-il possible que… ?*
Surprise, Psyché se retourna vers cette présence.
*
Niké ?!*
Qu’est-ce qu’une consœur olympienne pouvait bien faire ici ? Psyché regarda autour d’elle, et se dirigea vers cette signature divine qu’elle ressentait…