Ce silence... Je ne le connaissais que trop bien, il était un de mes seuls amis dans ce monde de fous. Je n'étais déjà pas humaine, cela ne facilitait pas vraiment mon intégration ici. Mais, en plus de ça, j'étais autiste. Ce n'était pas un frein en soi, cela n'avait jamais altéré mes connaissances ni mes compétences. Mais cela pouvait, dans certaines situations, me rendre encore plus solitaire qu'avant. J'aimais être seule, plongée dans un livre qui retraçait des histoires de gens normaux. Des personnes qui ne souffraient apparemment d'aucun problème, mental ou physique, qui arrivaient à se mélanger dans la masse. Mais au final, on apprenait qu'ils avaient quelque chose de différent qui les faisaient devenir des héros aux yeux de la société. J'avais rêvé, moi aussi, d'être comme eux. Mais non, moi je n'étais qu'une elfe autiste qui aimait s'envoyer en l'air. Car oui, c'était aussi un autre souci, j'avais même toujours un jouet en plastique dans mon sac, pour me satisfaire en cas de besoin. C'était tellement ridicule, imaginez donc la réaction des gens quand ils voyaient cet épais sac en plastique dans mon sac... Et généralement, j'étais assez maline pour qu'ils ne se doutent pas de ce que contenait ce sac, mais cela me donnait des sueurs froides rien que d'imaginer ce qu'il se passerait s'ils le savaient. Je serais encore plus marginalisée, mise de côté, et cela me faisait peur. Moi qui ne voulait qu'une chose, être acceptée comme j'étais ici, je craignais qu'on m'ordonne de partir et de ne plus remettre les pieds au lycée Mishima. C'est pour ça que j'aimais rester, comme à cet instant, seule dans ma chambre. Au moins, personne ne me dérangeait, personne ne me jugeait, et je pouvais être tranquille. Oui, j'avais aussi un appartement où vivre, mais je m'isolais dans cette chambre la journée.
Mes oreilles tressaillirent légèrement. Il y avait quelqu'un d'autre. J'entendais ses pas dans ma chambre, mais je ne bougeais pas. Un humain normal n'aurait pas entendu qu'on s'approchait, et serait resté concentré dans sa lecture. Alors je me replongeais dans l'aventure merveilleuse de ce trio de sorciers qui affrontaient des dangers trop gros pour eux. Entre ce troll dans le premier tome, ou même ce Basilic... Au final, ils s'en sortaient toujours avec brio, grâce à l'intelligence d'Hermione, les connaissances en jeux de Ron, et la chance d'Harry. Parce que bon, Harry avait beau être le personnage principal de ce trio, sans ses deux amis il se serait déjà fait réduire en cendres par Voldemort. M'enfin bref, j'étais en train de l'écouter. Mes yeux avaient beau faire mine d'être happés par ma lecture, non. J'entendais ses pas s'arrêter, juste derrière moi. Je ne bougeais pas, je ne ressentais aucun danger venant de lui. Mais dans le doute, je laissais quelques graines rouler au sol. Si j'en avais le besoin, je n'aurais qu'à les faire pousser et réduire mon ennemi à néant. Son souffle dans ma nuque, glissant dans les rares endroits qui n'étaient pas couverts par mes cheveux, cela me fit frissonner. Et en même temps, cela éveilla en moi des envies que je ne devais pas montrer. Ses bras passèrent de chaque côté de mon corps, comme s'il ne voulait pas que je m'enfuis. Il n'avait pas besoin d'agir ainsi, pour être honnête je me sentais un peu mal à l'aise de cette situation. Il était proche de moi, vraiment très proche, et je ne savais pas comment réagir. Je restais le plus calme possible, mais ce fut difficile. Et ça le fut encore plus quand, sans que je ne m'y sois vraiment préparée, ses lèvres s'approchèrent de mon oreille avec délicatesse pour venir y abandonner quelques mots :
Je te vois comme tu es. Je connais ta sensibilité. Je sais que personne ne comprend. Mais je te ressens et je comprends.
Je tournais alors d'un seul coup ma tête vers lui, mes lèvres se posèrent contre les siennes une seconde à peine avant que je ne remette une distance. Il était plus proche que ce que je pensais, et ce contact n'avait rien d'un baiser. Je l'observais, mes prunelles plantées dans les siennes, avant que je ne réponde avec un grand calme :
J'ignore ce que tu crois savoir, mais je te remercie de ta compassion.
Je posais doucement mes mains sur son torse, le repoussant avec douceur. J'allais ensuite fermer la porte, ramassant au passage les graines. Je n'en aurais pas besoin, pas tout de suite. Mes pupilles se posèrent de nouveau sur lui, avant que je ne murmure :
Qui es-tu ?
J'étais intriguée, tellement intriguée que ma légère excitation d'avant n'était qu'un lointain souvenir.