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Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]

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Alix Sable

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    Contrebandière garçon manqué à la langue bien pendue.

Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]

Réponse 15 samedi 06 octobre 2018, 14:00:05

Le divan mité s’avéra aussi inconfortable que j’aurais pu l’estimer. Quelques ferrailles me grattèrent le bas du dos tandis que je cherchais vainement un coin de cuir indemne de trous, non sans grommellements dans ma barbe invisible. Dehors, dans les venelles désormais plongées dans l’obscurité, la cavalcade des pieds furieux s’était éteinte, mais d’expérience, je ne m’y trompais pas. Les poursuivants devaient actuellement reprendre leur souffle, s’assembler en cercles rageurs, bedaines tremblantes et nez boursouflées, avant d’en venir à errer sans but, cuvant leur alcool à l’air libre.
D’ici une heure peut-être, pensai-je, mais ça se sera pas sûr avant. Ma foi, j’étais sans aucun un brin trop prudente, mais contrairement à mon invité forcé, je n’étais pas capable d’encaisser un coup de couteau dans le ventre sans broncher. A voir la tête que l’énergumène fit à ma remarque, sa main tâtonnant sur son vêtement poisseux de sang, il ne s’en était même pas rendu compte. Ma méfiance ne fit que croitre. Qu’on puisse passer outre une petite écorchure sous l’effet de l’adrénaline passe encore, mais à voir la taille de la tâche sanguinolente, ce n’était pas une simple égratignure.

« Jaloux de mes atouts ? » Ricanai-je, restant néanmoins sur mes gardes. « J’avais pas pour projet de m’exhiber figure-toi, c’tait un putain de mauvais moment et peut-être bien la honte de ma vie. »

Humiliant était le mot juste. En caleçon devant une foule d’ivrognes qui me jetaient des regards dégoûtés, comme devant une immonde monstruosité, et ce crétin qui m’avait collé sa main moite entre les jambes. J’en frissonnai de dégoût. Ma mauvaise humeur revint instantanément face à ce souvenir désagréable et, avec un haut-le-cœur soudain, j’en étais presque malade. Pile le moment où emmerdeur revenait à la charge, s’asseyant encore plus prêt de moi, probablement pour m’embobiner davantage.
Doué ? Je retins difficilement ma langue. Certes, talentueux pour flouer des fonds de caniveaux et des ivrognes en leur vendant les pires merdouilles en plastique terrestre, mais de là à parler d’un talent pour le négoce… Toutefois, son changement de tonalité m’inquiéta bien davantage. Je flairai là un changement d’attitude, une douceur expressément destinée à m’amadouer, et si cela était encore possible, mon niveau de confiance dégringola encore. La mèche devant les yeux, dardant un regard méfiant, je croisai les bras sans piper mot.

« Pourquoi ? J’ai d’jà vu des types torses nus. T’as quelque chose à cacher dessous ? J’vois pas pourquoi je m’tournerai pour si peu alors que tu m’as déjà vu en sous-vêtements. »

Au moins avais-je appris son nom, le vrai, et non cette appellation qui m’avait semblé idiote dès lors qu’elle venait de franchir ses lèvres. En soupirant, je me levai de mon canapé pour arpenter la pièce sombre, la bougie à la main, à la recherche d’un meuble précis parmi l’enchevêtrement poussiéreux. A force de tâtonnements, j’ouvris des placards grinçants pour sortir un gros bidon en plastique transparent, rempli à ras bord d’eau claire, que je déposai sur la table où s’était assis Milano.

« Débarbouille-toi avec ça, c’est de la flotte. » Déclarai-je sans me départir de mon air revêche en me laissant retomber dans le divan. « T’embobines peut-être tes poivrots, mais pas moi. Si tu veux parler affaires, faut me donner du concret, et crois-moi c’est pas tes babioles qui m’impressionnent. »

Certes, ce type me tapait sur les nerfs. Certes, il m’avait entrainé dans une situation périlleuse. Mais les affaires sont les affaires, n’est-ce pas ? Le commerce intra-mondes était l’un des plus juteux qui puisse exister, et on n’avait jamais trop de contacts ou de fournisseurs. Mais l’effort n’allait pas venir de moi, ça pas question ! A lui de se contorsionner pour m’amener à l’écouter !

« Alors, il y a quoi sous ton t-shirt ? T'es un mollusque élastique ? Genre un panope ? » Bien calée sur mon séant, je l’observai avec une certaine curiosité. « Je t’écoute mais laisse-moi t’dire que tu vas avoir du boulot pour que j’te fasse confiance. Et le strip-tease suffira pas. »

Milano

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Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]

Réponse 16 mardi 09 octobre 2018, 04:20:33

J'étais un peu gêné, oui, mais ce n'était pas de la pudeur. J'avais juste TOUJOURS quelque chose à cacher. Et j'éprouvais toujours une sorte de malaise à me mettre à nu devant quelqu'un, même dans des circonstances plus intimistes. Quoi de plus naturel, après tout? J'avais l'habitude de cacher absolument tout, y compris mon nom et mes émotions véritables. Révéler mon corps, c'était dévoiler une chose qui ne pouvait pas mentir. C'était "moi", mon physique, et mon apparence qui pouvait en dire beaucoup sur qui j'étais réellement. Du moins aux yeux d'un bon physionomiste. Mais c'était un réflexe, une habitude, une manie que de tout enfouir, de cacher chaque ressenti pour jouer mon rôle. Alors je feignis l'indifférence.

"Simple question de bienséance, en fait. Je suis pas du genre à m'exhiber non plus, mais je voulais pas te demander l'autorisation."

Mon manteau tombait de mes épaules et je sentais déjà sur moi le regard critique d'Alix qui me fixait sans en ajouter davantage. A mesure que je m'allégeais, l'atmosphère me semblait plus lourde, mais je m'efforçais de rester sur ce que je faisais et de l'ignorer pour ne pas dévoiler mon embarras. Je retirai mon vêtement imbibé de sang avec précaution, pour éviter de me tartiner davantage et de me retrouver plus tard avec des noisettes de sang séché dans les cheveux.

Non, il n'y avait rien à cacher. Il n'y avait pas de cicatrice horrible, on ne voyait pas les ka'kari scintiller sous ma peau. Seulement moi. Je n'avais pas de secret honteux, mais rien que je n'avais envie de montrer. Un corps menu, dans la norme, anodin, banal. Quelques petits grains de beauté ici et là, comme tout un chacun. Une peau un peu pâle qui me criait que je devrais passer plus de temps en extérieur, et moins à fabriquer des faux papiers en m'inventant tout un paquet de nouvelles vies à vivre. Un tatouage qu'elle ne pouvait voir, dans mon dos, et que je n'allais pas m'amuser à exposer par vantardise.
Je roulai mon T-shirt en boule de façon méthodique avant de m'emparer du bidon d'eau et de l'imbiber avec, pour en faire une éponge de fortune. J'avais cet avantage d'avoir le torse et le ventre glabres, probablement à cause d'un caprice d'Asmodéus qui avait joué avec mes hormones lors de mon adolescence, allez savoir. Ça me facilitait la tâche, au moins, pour essuyer les traces rouges sur ma peau. Il n'avait pas dû me rater, ç’avait été une sacrée hémorragie. Il y a des douleurs qu'on ne ressent pas tant qu'on ne voit pas la blessure, et j'étais ravi que celle-ci en fasse partie. Si j'avais baissé les yeux lorsque la lame avait traversé ma chair... Elle m'aurait sans doute semblé insoutenable.
Une fois ma toilette terminée, je laissai tomber le linge humide sur mon sac fermé, au pied de la table. J'évitais sciemment de croiser le regard de mon hôte, jusqu'à ce que je ne me recouvre dans mon blouson, que je refermai avec un certain soulagement, et que je ne la gracie d'un remerciement, pour l'eau. Je tentais même d'être réconfortant, à ma façon:


"Si tu t'affranchis du sentiment de honte, plus rien ne pourra t'atteindre. Peu importe si c'est humiliant, ou insultant. Du moins c'est ce que je pense."

Ce conseil se voulait d'une logique implacable, mais dans la pratique, j'espérais juste qu'il apaise un tant soit peu la gêne que je venais de ressentir. Une sorte d'obsession d'avoir toujours les mots justes, sans pour autant goûter ma propre médecine. Je reprenais une attitude détendue, désinvolte, comme pour m'en convaincre. Même avec du talent, c'était délicat, de se mentir à soi-même.

"J'ai de la ressource, sur Terre. Des moyens, des contacts, une sacrée marge de manœuvre pour fournir l'offre qui correspond à la demande. J'aurais amplement de quoi te faire une concurrence écrasante si je m'y mettais vraiment, mais j'ai d'autres affaires en cours et c'est pour ça que je suis venu te trouver. Aussi si on doit collaborer, j'assurerai mon transit une fois par semaine dans une certaine marge horaire. Ce point n'est pas négociable."

C'était une entrée en matière agressive, mais elle avait fait ses preuves. Avancer mes avantages. Souligner qu'une alliance ne m'est pas nécessaire, mais "nous" serait bénéfique. Et enfin, imposer une exigence. Je ne voulais pas en étaler davantage sur le pourquoi du comment de cette dernière, elle n'était pas obligée de savoir comment marchaient mes pouvoirs. Et puis, si elle connaissait le conte du Chevalier des Ka'karis, comme beaucoup de terrans, elle pourrait très bien essayer de me buter pour les avoir. C'est le risque, quand on trimballe des artefacts légendaires vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

"Je sais pas exactement comment tu gères tes affaires, mais la contrebande, ça se fait sur des ententes, et pas de la confiance. Je n'ai pas confiance en toi, je cherche pas à te faire confiance. Je cherche un terrain d'entente et tu ne me facilites pas la tâche."

Alix Sable

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Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]

Réponse 17 dimanche 14 octobre 2018, 14:36:56

La nuit tombée, les ruelles crasseuses de Nexus venaient de retrouver leur quiétude habituelle, et c’est avec un soulagement muet que j’accueillis ce silence soudain. Terminé l’angoisse du martèlement des savates sur les pavés extérieur, même si cela ne garantissait pas encore un abandon définitif de la chasse. Quant à l’intérieur de ma planque, parmi les toiles d’araignées et la moisissure, je m’enfonçai dans le canapé défoncé, confortablement installé pour instiller un peu de gêne à mon invité surprise.

*Chacun son tour mec, si t’es gêné c’est tant mieux. Moi c’était bien pire.*

Encore que, la faute à la maigre lumière dispensée par ma bougie, on ne voyait goutte au final. Mais tout de même, je veillai à le fixer délibérément, dans le seul but de lui rendre ne serait-ce qu’un soupçon de ma propre honte précédente. Quoique je ne comprenais pas vraiment l’origine de son embarras. Les hommes que je côtoyais, ici à Terra, des marins, des brutes et parfois des soldats ou même des mercenaires, tout ceux-là n’éprouvait pas la moindre gêne à se mettre torse nu.
C’était bien ce que faisait tous les garçons, non ? De mon point de vue, ça l’était en tout cas. Au moment de baisser les yeux, la vision de son ventre lisse me confirma immédiatement mon intuition première : ce n’était en rien une éraflure. Pour en avoir déjà vu moi-même, la quantité de sang répandu était digne d’un solide coup de lame, et nul doute qu’une personne normale en serait gravement blessée, si ce n’est morte.

Je fermai mon clapet le temps que ce Milano puisse terminer sa douche improvisée. Cependant, même scrutant méthodiquement chacun centimètre de son torse, le peu que je puisse en voir dans cette pénombre, rien ne m’informait d’une quelconque créature. L’arnaqueur semblait humain. Avec des pouvoirs de toute évidence, mais très certainement humain, à moins qu’il ne s’agisse d’un déguisement sophistiqué. J'en oubliais complètement d'évaluer son physique, ou même de le regarder sous un jour intime, comme une femme regarderait un homme se déshabiller, uniquement de la curiosité sur sa nature.

« Mouais. T’étais plus convaincant à l’auberge… Monsieur est pudique ? Et encore, j’suis sympa, pour être quitte tu devrais être en caleçon à ton tour. » Estimai-je en le regardant fermer son manteau.

Retour aux affaires, décidément il n’en démordait pas. Non sans étouffer un bâillement, je l’écoutai patiemment déballer ses promesses, et mijoter mentalement ma propre réponse. Tout cela pouvait être intéressant, mais tout cela pouvait être une arnaque de plus. Son spectacle dans l’auberge m’avait amplement démontré ses capacités en la matière et, entente ou confiance, rien ne me poussait à éprouver ni l’un ni l’autre. J’enroulai négligemment une mèche bleutée autour mon index, adoptant un ton plus franc que méfiant.

« Bon, écoute. J’dis pas que tu n’as rien d’intéressant à m’apporter, ok ? Mais j’vais te dire les choses clairement : on n’aura pas d’accord définitif ce soir, c’est sûr. » Lâchai-je en marquant une pause.

« Là, tu parles, tu parles… Mais tu crois que j’aurais monté mon affaire dans ce coupe-gorge en me fiant sur parole ? Si tu veux un accord, va falloir me montrer ce que t’es capable de passer. Soit tu m’apportes de la marchandise, soit tu me prouves tes contacts, peu importe tant que j’aurais la preuve de ce que t’avances. »

Je ménageai une nouvelle pause dans mon argumentaire, ne serait-ce que pour asséner plus profondément ce fait : je voulais du concret.

« On est d’accord, t’as du potentiel. Mais t’imagines pas que ça suffit. Tu peux tenter d’faire ton business, vas-y… Je m’en sortirai. Par contre, j’te conseille de pas froisser les autres, parce que crois-moi, j’suis pas la plus dangereuse loin de là, mais ça tu peux pas l’savoir sans mon aide. »

Moi, dangereuse ? En me connaissant, cela prêterait à rire. Personnellement, je me flattai de n’avoir jamais tabassé personne, encore moins tué. Par contre, les gangs de Nexus, et les mafias terrienne, c’était une autre fameuse paire de manches. L’image même de l’assurance, je le fixai effrontément, les bras de part et d’autre du dossier mité. Certes, sa collaboration pouvait se révéler très fructueuse, mais hors de question de lui faire bénéficier de mon business sans être certaine de sa fiabilité.

« Et fais pas la gueule. J’te propose une sorte d’accord : tu m’fais voir ta marchandise, et on pourra collaborer. J’peux même venir sur Terre, j’connais le chemin… Faut juste m'en mettre plein les yeux, et un autre strip-tease m’fera pas changer d’avis. » Précisai-je non sans ironie.

Milano

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Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]

Réponse 18 lundi 15 octobre 2018, 02:06:17

"T'es bien insistante sur cette histoire de strip-tease, dis moi..."

Le curseur entre les doigts, je faisais jouer la fermeture éclair de mon blouson avec un sourire enjôleur. Mon embarras s'évanouissait derrière le masque de l'indécence. Shiranui Milano était bien des choses, mais "prude" ne figurait pas parmi mes vertus.
Plus la conversation avançait, et plus Alix me plaisait. Malgré mes coups fourrés et mes piques incessantes, elle avait vite retrouvé de la consistance quand j'étais entré dans le vif du sujet. Je dus le reconnaitre, elle avait un certain style lorsqu'il s'agissait de gérer ses affaires. Une gestuelle et un usage du dramatique que j'appréciais tout particulièrement, au point d'avoir adoptés les mêmes. Mais ce qui me dérangeait dans ce qu'elle m'avait dit, reposait davantage dans la forme que dans le fond. C'était les marqueurs temps, et les marqueurs lieux.

"L'auberge", oui. Cette même auberge où j'avais payé une chambre pour passer la nuit. Le prix d'une piaule était insignifiant, mais ça aussi, elle me le devait. Même si le silence régnait aux côtés de la pénombre, à l'extérieur, je n'avais nulle part où aller si je sortais d'ici. J'en aurais pour des heures à battre le pavé à la recherche d'une autre auberge suffisamment éloignée.
Et des heures, je n'en avais pas beaucoup devant moi. Nous étions "ce soir", un jeudi soir. Un autre coup d’œil à mon téléphone, sans même chercher à être discret, cette fois-ci. 22h25. Dans à peine deux heures, j'allais être une jeune femme perdue dans Nexus avec un manteau trop serré comme seul vêtement pour couvrir ma poitrine. Fini l'immortalité, j'aurais pour seul pouvoir d'être un canon esseulé en train de vagabonder dans les ruelles mal famées de la capitale. Asmodéus était vraiment un gros connard. Je me sentais comme Cendrillon, dans la version où Cendrillon se fait tringler par trois ivrognes qui l'avaient chassée du bal à coups de surin. Mon côté cynique me rappelait qu'heureusement, j'avais toujours les capotes.
Le troisième marqueur, c'était la Terre. Et elle en connaissait "le chemin"? Je savais de par ma mère que les portails entre les deux mondes se faisaient nombreux à Seikusu, mais surtout qu'ils étaient très aléatoires. Je voyageais grâce à Thot, mais le Magicien ne me sauverait pas avant samedi. Mes ka'karis devraient tenir une assemblée générale pour gérer le partage du temps et reconsidérer leur utilité. Ils avaient beau cohabiter en moi, je n'avais aucune idée de leur nature ni de leur fonctionnement. En attendant, j'étais bel et bien coincé. Et je n'étais pas vraiment dans une position où je pouvais demander à Alix de m'héberger pour la soirée. Et puis c'était un coup à me faire virer à coups de pompes. Je soupirais de résignation:


"Quand je parlais de la récompense d'outre-monde qui te plait, je ne bluffais pas. Si je vole une voiture de sport, il me suffit d'un coup de fil pour que vingt minutes après, elle soit garée dans une planque en train d'être repeinte. Ensuite, l'amener sur Terra -pas n'importe où, mais où je le souhaite-, c'est la partie facile. Bien sûr, niveau conduite et carburant, c'est pas la folie, ici."

Ma priorité restait de pouvoir crécher dans cette planque, aussi inconfortable soit-elle. Et je remettais à plus tard certaines questions, comme sa façon de voyager entre les plans, ou l'identité de ces fameux "autres" à ne pas froisser. J'éprouvais une certaine angoisse à l'idée de devenir cette jouvencelle en détresse, et je souhaitais y échapper quitte à en faire des concessions. Je devais pousser plus loin le rôle du séducteur même si j'en venais à me ridiculiser.
La fermeture de mon manteau était restée entrouverte. Qu'elle le reste. Je me levai de la table et m'approchai d'Alix, mettant un terme à l'aspect professionnel de notre discussion. Et puis, en un instant, je venais m'avachir sur le canapé, à ses côtés, comme un vieil ami qui s'installait devant un film. J'avais réduit notre rapport de proximité d'un seul coup, remarquant au passage que c'était avec la même indiscrétion que je l'avais abordée. Mais plus de menaces. Plus d'invectives. Plus de supériorité. L'obscurité de la pièce nous ramenait à une intimité moins oppressante que la surface exigüe d'une table de taverne:


"Alors, dis moi tout! Qu'est-ce qui te fait envie?"

Alix Sable

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Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]

Réponse 19 vendredi 19 octobre 2018, 14:28:49

Le grognement affamé de mon estomac riposta à son premier sous-entendu. Il est vrai que, grâce à lui, le repas chaud et copieux que je comptais m’offrir au sein de cette auberge, m’était passé sous le nez. Les évènements s’enchainant, ma propre faim m’était complètement sortie de la tête, et ce ne fut qu’à cet instant que mon ventre vide me rappela à son bon souvenir. Peine perdue, cette planque, je m’en souvenais aisément, ne contenait pas le moindre quignon de pain à se mettre sous la dent.
Avec les cafards qui filaient entre les meubles, la moindre nourriture n’aurait pas fait long feu de toute évidence. La perspective de rester le ventre vide jusqu’au lendemain m’arracha un bougonnement ténu, mais cela valait bien mieux que mettre le nez dehors en pleine nuit. De quoi se faire remplir les tripes d’acier, à défaut de bouffe. Au moins, Milano demeurait plein d’entrain quant à ma proposition, et surtout aux perspectives que cela lui laissait entrevoir. Encore fallait-il que cet arnaqueur ne cherche pas à me doubler.

« J’te dis discret, et tout ce que tu penses, c’est une bagnole ? Il y a des mafia, t’sais. Si tu veux un conseil, commence par des bijoux, ça s’vend bien et c’est facile à transporter. »

Et le voilà qui se remettait à me coller ! Là, sur le canapé, le manteau à moitié ouvert sur ses pectoraux de crevette, me fixant avec un sourire étrange, comme s’il était pris des démangeaisons. Ou bien était-ce moi qui interprétait mal. Avait-il trop chaud ? Personnellement, je trouvais que l’air de la planque était plutôt frais, nous étions dans une cave en fin de compte, et je me demandais s’il n’était pas malade. De la fièvre sans doute. Après un coup de lame dans le ventre, ça n’avait rien de surprenant !

« Là ce qui m’ferait envie ? » Je réfléchis un instant en me grattant la joue. « J’prendrais bien un steak au poivre avec des frites tellement j’ai la dalle. Faut reconnaitre que la cuisine terrienne est pas mal, quoique les produits ont pas toujours un super goût. »

Je me penchai vers mes bottes en parlant, les délaçant non sans mal dans la pénombre, et m’extirpait mes pauvres pieds de là-dedans. De retour chez moi, c’était bien la première chose que je faisais, et même ici, je me sentais bien plus à l’aise en chaussettes. Pas très sexy, certes, mais à l’aise. De toute façon, ce n’était pas un rendez-vous galant, et personne n’essayait de séduire personne. Non ? Je jetai un coup d’œil à Milano. Non, il ne draguait pas, certainement pas avec ce sourire d’escroc vendeur de tapis.

« Quoi ? » Je désignai son manteau du menton.  « T’as trop chaud ? T’as peut-être de la fièvre hein, à me regarder bizarrement comme ça, et prendre un coup dans le bide forcément…»

Certes, il était casse-couille, mais être un emmerdeur né ne valait pas une mise à mort. Là dehors, c’était bien ce qui l’attendait, entre les ivrognes furieux restant et les coupe-gorges habituels. Je tirai un tabouret moisi pour y étirer mes jambes confortablement plus tard, puis sur une soudaine inspiration je me levai pour aller fouiller les placards. Mes chaussettes trouées trainant silencieusement sur le plancher, je finis par dénicher une paire de couvertures pleines de poussière.

« Tiens. » Dis-je en lui lançant la couverture dessus, avec mites et poussières comprises. « T’as qu’à rester là pour la nuit, t’es chiant mais bon, j’veux pas ta mort. J’espère que tu fais pas d’allergie par contre. »

Là-dessus, je laissai à nouveau tomber mes fesses dans le divan, non sans soulever un nuage poussiéreux, et remis mes pieds sur le tabouret. Longue la nuit, c’était plus que certain, d’autant que je n’avais absolument pas sommeil, et mon estomac criait toujours famine. Je m’appuyai mollement sur l’accoudoir, la couverture sur le genoux, et le regardai se dépêtrer avec la sienne.

« Va mieux ta fièvre ? Ça va t’paraitre idiot, mais pendant un instant j’ai cru que t’étais en train d’me draguer avec ton sourire bizarre. »

Milano

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Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]

Réponse 20 dimanche 28 octobre 2018, 01:49:13

J'avais rabattu la couverture sur mes genoux à peine rattrapée, un réflexe instinctif à cause de cet insecte volant qui était passé beaucoup trop près de mon visage. Mon geste avait brassé la poussière dans le tissu, laquelle m'avait arraché un éternuement assez ridicule. Habitué aux mauvaises surprises, mon regard resta un instant fixé sur la lucarne, appréhendant le moindre mouvement à l'extérieur. Je ne pensais pas qu'on puisse encore nous chercher ou même venir nous dénicher ici, mais deux précautions valaient mieux qu'une, et-

Et... Quoi? Donc je pouvais rester? Juste, comme ça? Alors qu'Alix revenait prendre ses droits sur la piètre banquette, elle ne pouvait échapper aux yeux ronds et à la bouche en cul-de-poule de mon visage circonspect. Ma stratégie n'avait pas marché comme prévu, mais elle avait marché. Plus efficacement que je ne l'espérais. Je nageais dans l'incompréhension. Elle n'avait rien compris à mes avances, mais elle semblait avoir saisi mon désir de rester. Au mieux, j'aurais dû m'en satisfaire. Au pire, je me serais méfié. Mais curieusement, je me sentais seulement... Déçu. Déçu? De ne pas avoir eu à coucher pour me loger?


"Ça va t’paraitre idiot, mais pendant un instant j’ai cru que t’étais en train d’me draguer avec ton sourire bizarre."

Confirmé, elle n'avait rien vu. Je ne fis que pousser un soupir, dont j'ignorais s'il résultait d'un soulagement, de lassitude ou de déconvenue. Moi qui avait eu peur d'en faire de trop, j'avais l'impression d'être passé totalement inaperçu. C'était assez malaisant à vrai dire, comme si je n'avais aucun charme, aucun charisme à sa portée. Au-delà de ça, je ressentais le besoin de lui plaire, comme pour me prouver que j'en étais capable. Je prenais un petit instant pour la reconsidérer sous un autre angle: de ce que j'avais vu de sa façon d'être et de s'habiller, Alix ne dégageait aucune féminité. Au final, c'était peut-être bel et bien juste un mec, avec un faciès androgyne et une voix très fluette. Et il n'y avait donc aucun "jeu" là dessus, c'était simplement sa façon d'être. Pour une fois, mon intuition m'avait trahi.

"Peuh, si j'avais cherché à te faire du charme, tu t'en serais rendu compte, quand même! Et puis je souris pas, j'ai juste des bouffées de chaleur à cause de..."

Je m'étais interrompu en me rendant compte que l'embarras me donnait VRAIMENT des bouffées de chaleur. Non non, elle ne s'était rendu compte de rien. Absolument rien. Ma phrase était restée en suspends sans aucune excuse bidon à sortir. Peut-être devais-je lui ouvrir une part de vérité. Je lâchais un aveu:

"... De ma faculté de régénération, voilà. Je suis immortel, jusqu'à minuit. Et Sanzam l'était aussi, d'une certaine façon."

Pas besoin d'expliquer davantage, un regard lourd de sens lui sous-entendait que j'avais déjà beaucoup pris sur moi pour cette révélation. Et puis d'ici quelques temps, ma métamorphose en dirait davantage, que je le veuille ou non.
Bien sûr, j'avais déjà essayé de m'extirper Asmodéus, puisque ce ka'kari m'apportait bien plus d'emmerdes que d'avantages. Mais le processus pour le rejeter de mon corps était long et très douloureux, et s'accompagnait de la peur de ne plus y être compatible, et d'avoir les cinq autres se battre à nouveau pour se partager leur temps d'influence. J'ignorais la nature même de ces artefacts et de leur logique, mais j'avais la pleine certitude que si quelque chose arrivait, c'est moi qui en ferait les frais. J'avais donc abandonné ma tentative.
Je mettais un peu de distance entre nous -au sens figuré, le canapé étant trop sommaire et la pièce bien trop frigide-, quitte à la mettre mal à l'aise à son tour:

"De toute façon, je saurais pas sur quel pied danser. T'as une tronche de gonzesse, la voix et le prénom qui vont avec... Mais comme dirait l'autre, c't'y un putain de vrai. J'ai pas eu besoin de vérifier pour m'en rendre compte."

Alix Sable

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Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]

Réponse 21 mercredi 31 octobre 2018, 18:19:04

Le bas de mon dos me démangeait. C’était peut-être moi, finalement, qui allait finir par avoir des allergies avec ces montagnes de poussières et de cloportes un peu partout. En promenant mon regard sur les toiles d’araignées gargantuesques qui ponctuaient l’ameublement, et les morceaux de planches diverses et variées, la vision d’un de ces aspirateurs terrestres me traversa l’esprit. Si j’avais su que j’allais passer une nuit entière dans ce taudis, je l’aurais astiqué, et j’aurais brossé ce divan plein de punaises tant qu’à faire.
En me grattant mollement la hanche, je remarquai combien ma vision s’était habituée à l’obscurité au point que l’embarras de mon invité surprise me sauta aux yeux. Qu’est-ce qui lui prenait brusquement ? Lui qui fut si fière et si pompeux à brasser du vent dans la taverne, le voilà qui soufflait et suait comme un poulet en train de rôtir, comme si… Comme si quoi, d’ailleurs ? J’avais du mal à croire qu’un bonimenteur pareil soit prude au point de rougir pour une banale réflexion sur la drague.

« A cause de ? Après le coup de couteau encaissé dans le bide, tu m’feras pas avaler que t’as des règles en prime. » Ricana-je tandis qu’il s’évertuait à trouver ses mots.

Sa réponse me laissa néanmoins pantoise. D’accord, le coup de l’immortalité, je ne m’y attendais pas du tout, et cela devait se voir à mon air soupçonneux. Immortel jusqu’au minuit ? Je plissais le regard en essayant de deviner s’il me prenait pour une citrouille.

« Sanzam, c’est quoi ça ? Ah, le clébard c’est vrai. » Ce truc m’était complètement sorti de la tête. « Tu t’fous pas de moi là ? T’es en train de me dire que t’es une espèce de Cendrillon, comme ce conte là ?... Il s’passe quoi à minuit, tu t’transformes en poire ? »

Brièvement, j’eus l’impression d’avoir mélangé mes expressions, mais qu’importe. A son regard deux fois plus embarrassé qu’auparavant, je compris que ma grande gueule en avait sans doute trop demandé. Trop tard. Je le vis éloigner ses fesses maigrichonnes de moi comme s’il fuyait la peste, avant de revenir au sujet précédent, mais sur un point nettement plus vexant.

« Hé ! Sois pas blessant, j’suis une femme même si j’ai un truc en plus. Et alors ? » Bougonnai-je. « Et ça d’ailleurs, c’est pas une poitrine peut-être ? »

Je me penchai vers lui en ouvrant la fermeture éclair de ma veste, montrant mon t-shirt blanc, et soupesai mes seins dans chaque main comme une preuve de mes allégations. Certes, c’était probablement un peu stupide comme geste, et la taille de ma poitrine n’était clairement pas un gros argument, mais je me sentais tout de même blessée de ces réflexions.

« Ça aussi c’est pas du faux, bordel. T’essayes d’me vexer en fait ? » Je remontai la fermeture de ma veste en soufflant.

Et puis une idée me vint. Encore une de mes fameuses illuminations qui ont tendance à me causer plus d’emmerdes que de solutions, mais auxquelles je suis incapable de résister. Milano avait l’air d’être si rapidement embarrassé par ce genre de sujet, que je ne trouvai rien de mieux à faire que monter la gêne d’un cran.

« Ou alors, t’es un de ces mecs… » Je me redresse à nouveau, rebondissant sur le matelas pour venir me coller à lui, non sans lui passer un bras autour des épaules. « … Qui fantasme sur les femmes comme moi, hmm ? »

Est-ce que j’étais capable d’assumer les conséquences si c’était vrai ? Peut-être pas. Est-ce que c’était une attitude stupide ? Totalement. Mais étais-je convaincante en dragueuse ? Clairement pas.

« On aime plus la saucisse que l’abricot alors ? » Lui confiai-je en ricanant, et en passant ma jambe par-dessus la sienne.

Avec le recul, et un peu plus de réflexion, je me dirais certainement que ce ne serait pas le genre de phrase à dire pour appâter le chaland. Hé, pour mon excuse, je n’avais jamais dragué de ma vie. En l’occurrence, l’objectif était davantage de bluffer, de le mettre encore plus dans l’embarras et de surenchérir pour marquer un point. Je me collai donc à lui, un sourire que je tentais d’être convaincant affiché aux lèvres, en étant persuadée qu’il allait m’envoyer bouler et me concéder cette victoire !

Milano

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Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]

Réponse 22 lundi 05 novembre 2018, 18:21:02

Ma bouche s'était étirée en un petit rictus satisfait, une réaction typique face à l'agréable spectacle d'une paire de seins agités sous mon nez. Malgré mes grands airs, je restais comme bien des hommes, en proie à mes bas instincts. Faute de poire, les melons de Cendrillon allaient s'en retrouver plus généreusement pourvus d'ici quelque temps, certes. Mais je ne me sentais ni la mesure ni l'envie de réfuter une telle 'argumentation". Mon côté taquin me donnait envie de procéder à une seconde vérification, "plus approfondie, au cas où".
Je décelai cependant un étrange manège chez Alix, qui était passée d'imperméable à maladroitement aguicheuse. Sa façon de me faire du rentre-dedans était encore plus grossière que la mienne. Et j'ignorais si elle avait compris mon jeu avec du retard, ou si elle se foutait juste de ma gueule. La seule chose dont j'étais certain, c'est qu'il serait amusant de pousser le vice, histoire de voir jusqu'où elle irait.


"On aime plus la saucisse que l’abricot alors ?"

Ça, c'était seulement grivois, et elle en faisait vraiment des tonnes, à me coller autant. J'étais gêné pour elle, elle employait clairement des atouts qu'elle ne maitrisait pas. Une tentative de charme très maladroite et sans aucune consistance. Mais au moins, je trouvais la démarche honnête. Tout cela en disait beaucoup sur elle-même. Le côté triste, c'est qu'avec son steak au poivre et sa poire, elle s'enfonçait toujours plus dans les images de bouffe. Elle devait vraiment, vraiment crever la dalle. J'avais un peu pitié. "Qu'on donne un sandwich à cette femme!" pensai-je. "Laissez-la manger!". Un ricanement m'échappa:


"Mh, disons que je fais dans le sucré-salé. Simplement..."

Sans chercher à me dégager de son emprise, je me tournais, posant avec légèreté une main sur son genou. L'extrémité de mes doigts effleurait l'intérieur de sa cuisse en remontant doucement, très lentement. Mon visage était très près du sien, mes lèvres proches, très proches des siennes. Dans cette étreinte qu'elle avait voulu m'imposer, nos souffles s'entremêlaient déjà. Qu'elle en prenne de la graine! Mon regard était espiègle, complice, et mon ton se fit plus bas, plus confident, plus intime.

"Je n'ai jamais connu de femmes comme toi, Alix."

Confiant sur mes répliques de "tombeur de comédie romantique", mes lèvres finirent par aller rencontrer les siennes, alors que ma main glissait le long de sa jambe pour se poser sur son aine. Qu'elle l'ai souhaité ou non, nous échangeâmes un baiser en silence. C'était tacite, tactile, sensuel. Je fus ensuite frappé d'une sensation de déjà-vu, me rendant compte que j'avais sorti la même connerie à la fille d'un ministre quelques mois plus tôt. Après tout, c'était le genre de phrase clichée que beaucoup de femmes aimaient entendre. Même phrase, même numéro. Et seulement pour le sexe.
En l'occurrence, cette fois c'était vrai, elle était différente. En dépit de sa tendance à me prendre pour un con alors que j'étais -clairement- meilleur qu'elle en amour comme en affaires, Alix me plaisait. Il y avait bien sûr sa particularité qui m'attirait, car cela faisait d'elle un OVNI dans ma vie sexuelle, une nouveauté que je me languissais d'essayer. Mais au-delà, je sentais qu'on appartenait au même monde. Deux terrans, deux arnaqueurs, jouant de faux-semblants et d'artifices. Plus qu'une cible ou une conquête, c'était une partenaire. J'avais peut-être joué de malchance, mais je lui avais livré mon vrai nom, je lui avais parlé, même vaguement, de mon pouvoir. Je m'étais livré.

Putain, j'avais presque confiance en elle.

Alix Sable

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Réponse 23 mardi 13 novembre 2018, 02:06:13

Ma bouche devint peu à peu sèche comme du papier de verre. D’une, car je n’avais pas encore eu l’occasion d’humidifier mon gosier depuis la première foulée dans cette maudite taverne. De deux, parce que j’étais réellement en nage. Une goutte de sueur émergea au niveau de ma nuque, et fila se perdre dans mon pull plein de poussière, à l’image de ses nombreuses semblables qui s’évaporaient le long de mon dos. J’étais là, une jambe délibérément jetée sur Milano, un bras autour de son cou, essayant de m’afficher en dragueuse sûre d’elle, ce que je n’étais pour rien au monde.
Mon estomac émit un gargouillis étouffé, par angoisse ou par famine je ne saurais le dire, mais ce fut l’éclat subtil dans le regard de Milano qui conforta mon impression. Soit mon bluff n’était absolument pas convaincant, soit je venais délibérément de mettre les pieds dans le plat en faisant une grossière erreur d’appréciation. Quelle idiote faisais-je ! Désormais, il m’était difficile, sinon impossible, de faire marche arrière sans passer pour une truffe.

*Sucré salé ?... Hein ? Putain, j’arrive même pas à réfléchir avec cette foutu dalle...*

Si seulement ces allusions de nourriture cessaient de traverser ma cervelle. Alors que mon but n’était autre que de me moquer, et probablement embarrasser Milano, ce fut à mon tour de me sentir parfaitement ridicule. Heureusement pour moi, la pénombre masquait fortuitement le rouge écrevisse dont mes joues se coloraient alors que l’arnaqueur ne cessait de se coller intimement à moi. Je reculai machinalement mon visage au fur et à mesure dans un premier temps, avant de me raviser peu à peu, décidant obstinément que non, il était hors de question de lui laisser cette manche !

« T’as jamais connu… Ahaha-… » Mon début de ricanement fut coupé de la manière la plus inattendue concevable.

Autant mon assurance avait été momentanément renforcée par cette réplique ridiculement romantique, autant celle-ci venait entièrement de fondre lorsque ses lèvres se posèrent sur les miennes. Les yeux ronds comme des soucoupes, crispée comme une planche à pain, un frisson incontrôlable remonta le long de mon échine lorsque ses doigts s’invitèrent aussi proches de mon entrejambe. Mais bordel, réalisai-je dans l’affolement, il est vraiment en train d’embrasser ?! D’accord, cette fois je devais bien le lui céder, cette partie-là, il la gagnait haut la main.
Incroyablement embarrassée, et un peu excitée aussi, je restais littéralement suspendu à ses lèvres pendant de trop longs instants pour être honnête avant de me dégager, comme piquée d’effroi. Je pédalai maladroitement sur le cul jusqu’à l’autre bout du canapé, le pointant d’un doigt accusateur.

« Ouais bon, d’accord ! T’as gagné ! J’sais pas ce que t’as gagné, mais… Ok, j’suis plus gênée qu’autre chose là !... » Balbutiai-je, rouge carmin comme jamais.

Mais le pire était ailleurs. Je serrai mes cuisses en le fusillant du regard. Le problème d’une anatomie telle que la mienne, est que je pouvais difficilement masquer l’émoi qui s’était emparée de moi. La légère bosse de mon pantalon criait ma culpabilité à ma place. Le fait est qu’en matière de charme, d’amour ou de sexe, j’étais strictement et définitivement une bille, n’ayant absolument aucune expérience en la matière, et il ne me fallait pas grand-chose pour être dans un état pareil.
Je passais une main sur mon front en sueur, ce geste avait quelque chose de rassurant, mais en réalité, j’étais simplement décontenancée. Que quelqu’un me jette une bouée de sauvetage, hurlai-je mentalement, mais sans grand espoir. Mon imagination se mit fébrilement à travailler. Nous étions seule, dans une cave isolée, et Milano venait de m’embrasser, qu’est-ce que je devais foutrement en déduire ?... Non, définitivement, cela devait être l’une de ses arnaques habituelles, et j’étais forcément en train de tomber dans le panneau !

« Ok, ok… » Répétai-je en le pointant du doigt. « C’est encore une de tes stratégies, t’es en train d’me faire marcher là ! Parce que ça marche pas du tout ! »

Existait-il plus mauvais mensonge ? Je nageais dans la confusion la plus totale, et la déformation de mon pantalon au moment du baiser n’aidait guère mon plaidoyer. En vérité, je ne savais pas sur quel pied danser avec Milano, certainement pas après avoir constaté ses capacités à baratiner et je demeurais sur mes gardes.

Milano

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Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]

Réponse 24 vendredi 16 novembre 2018, 01:17:46

Bon, voilà, on avait déjà franchi sa limite. Non seulement elle avait vite arrêté sa comédie, mais en plus elle s'était braquée. Voilà qu'elle s'éloignait comme si j'étais un pestiféré et qu'elle recommençait à me porter la faute avec un index accusateur. Mon sourire et ma gentillesse s'évanouissaient alors que j'en arrivais à la seule conclusion possible: elle s'était vraiment foutu de moi. Sans motif. Pure méchanceté. Je n'avalerais pas que "c'était une comédie, pour déconner". Plus que de la colère, je sentais une frustration monter en moi. Elle m'avait repoussé comme si j'étais un jeune puceau qui s'emballait trop. Ma gorge se serrait. Ma voix à moitié étranglée était plus haute que je ne l'aurais voulu:

"Au lieu de me dire que j'ai gagné, tu vas me dire à quoi tu joues, là? Tu te mets à me coller, tu fais ton numéro à la con, et tu te désistes dès que je marche?"

Caractériel, oui. C'était sorti tout seul. Plus de ressentiment que de réflexion sur ce coup. Si je déteste quand une situation échappe à mon contrôle, devenir le dindon de la farce me rendait vraiment furieux. L'espace d'un instant, mes yeux prirent un ton carmin sans que je n'en prenne conscience. De noires pensées fusaient dans mon crâne. "Elle se fout de ma gueule!", "Elle m'a pris pour un con ou quoi?", "Sans déconner, c'était pas maladroit. C'est pas possible qu'elle soit SI maladroite!".
... Ou peut-être que si.

Il y avait trop de gêne, et pas assez de jubilation, de m'avoir pris pour un con comme ça. Alix était rouge comme une pivoine et tellement en nage qu'elle en réchauffait presque le sous-sol à elle seule. Elle s'était recroquevillée au bout du canapé mais quelque chose clochait. Son ton balbutiant et le bras ballant qui m'avait pointé du doigt ne collaient pas avec ses jambes crispées et ses genoux serrés. Ça ressemblait à ce que ferait un adolescent qui... Oh. D'accord. J'émis un geignement exagéré:


"C'est quoi ton problème, sérieux?"

Un autre soupir, qui se mua en une espèce de sourire carnassier. Un sourire qui disait "je t'ai cramée! J'ai compris! J'ai vu!". Je me rapprochais avec des mouvements félins, comme un prédateur qui avait acculé a proie. Dans mes mouvements lents, je la harassais de questions sans chercher de réponses. "Je te plais pas?" "J'embrasse si mal que ça?" "Tu préfères l'abricot?"
Je monopolisais presque tout l'espace sur le canapé, et j'entendais derrière moi le bruissement de ma couverture poussiéreuse et mitée qui glissait vers le sol, lorsque j'apportais la conclusion, le coup de grâce. J'étais presque sur elle, ma main sur le dossier était au niveau de ses genoux rehaussés, lorsque j'abaissais les yeux vers son entrecuisse avec un air suffisant:

"J'ai plutôt l'impression que ça t'a fait de l'effet..."

A ce niveau-là, oui, je me sentais bel et bien gagnant. La bosse que je m'attendais à trouver témoignait d'une victoire triomphale à un jeu qu'elle avait joué seule. Je comprenais la gêne excessive, mais pour qu'elle retienne la leçon (et lui faire payer ce sentiment de frustration, oui), je remuai le couteau dans la plaie, poussant toujours plus loin l'humiliation qu'elle s'était infligée d'elle-même.

"Oh, Alix... C'était juste un baiser!"

C'était cruel de minimiser ainsi, et c'était facile à dire puisqu'il s'agissait à la base de mon initiative. Mais j'avais arrêté de mentir -enfin, en partie-, et elle persistait à vouloir jouer un rôle. D'une certaine façon, elle l'avait bien cherché!

Alix Sable

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Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]

Réponse 25 jeudi 22 novembre 2018, 01:08:58

Ce fut comme si la cave toute entière s’était transformée en une étuve. A mon tour d’être prise d’intenses bouffées de chaleur remontant sous mon pull, faisant perler mon front et mes joues cramoisies tandis que je renâclais loin de Milano. Une petite voix au fond de moi m’avait pourtant prévenue : Alix, ton idée était débile, cette connerie va te revenir dans la figure, t’es dans la merde.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette sale petite voix avait eu raison sur toute la ligne, et que ce baiser m’avait totalement prise de cours. Hé quoi, je voulais juste le mettre mal à l’aise, jamais je n’aurais cru que cet arnaqueur irait jusqu’au bout ! La langue rêche comme du papier de verre, me voilà bêtement recroquevillée à l’autre bout du canapé, masquant tant bien que mal la coupable déformation de mon pantalon.

« Je… Euh... »

Excellente réponse, Alix, de mieux en mieux. Mais quelle truffe ! Si je n’étais pas aussi tétanisée qu’un escargot rhumatisant avançant à cloche-pied un jour de grand vent, je me serais sans doute giflée d’être aussi bête. Cela dit, la manœuvre avait plus ou moins fonctionné, dans la mesure où Milano était effectivement gêné, voire particulièrement vexé si j’en juge par son regard assassin.
Quelques rouages se mirent à tournicoter dans ma cervelle grillée. Vexé, lui ? Non… Enfin, peut-être que si. Les implications me laissèrent une fois de plus, réellement sans voix, car cela ne pouvait signifier qu’une chose : Milano avait été sincère l’espace d’un instant, et je lui plaisais vraiment. La révélation rajouta encore à ma paralysie. Honnêtement, je ne savais plus trop où j’en étais à ce stade.

« Quoi mon problème ?! C’est toi qu’à commencé à… à… parler de mon anatomie !... J’voulais juste t’emm-… »

Ma voix monta un peu trop dans les aigus pour être honnête, et se coupa sitôt le changement d’attitude de Milano. La vérité est que je commençai juste à me rendre compte à quel point mon comportement avait été stupide, voire carrément odieux. Une véritable pétasse. Ce que j’étais bien trop souvent d’ailleurs, il fallait bien l’avouer, et l’affront que je lui avais fait, était effectivement en train de me revenir en pleine face.
La démarche et le sourire du casse-pied prédisaient que mon petit secret honteux venait d’être éventé. Ma marge de manœuvre se réduisait aussi vite que mon espace vital sur ce canapé, et je tâchais de trouver la meilleure parade à la situation. En vain. Ma bouche marmonnait bien quelques vagues dénégations, mais ma cervelle embrouillée ne parvenait pas à démêler suffisamment d’arguments valides.

« Non… C’est juste… Un pli du froc. Quand j’ai les genoux pliés… Hmm, ça fait ça… » Tentai-je maladroitement tandis que je serrai d’autant plus les cuisses pour cacher cette fameuse pliure.

Piètre défense s’il en est, presque aussi gênante que cette proximité imposée par Milano. Mais le pire était à venir. Juste un baiser ?! J’en restais sans voix. Littéralement. La bouche entrouverte, les sourcils légèrement froncés, aussi estomaquée que si la reine de Nexus chevauchait un dromadaire en tenue de clown sous mes yeux. Le premier choc passé, je plissais le regard, m’orientant doucement vers la phase de négation.
Non, non, non… Devais-je comprendre qu’il s’était, une fois de plus, payé ma figure ? Que je m’étais autant embarrassée pour des prunes ? J’allais finalement lui balancer une injure bien sentie à la figure, avant que la limite de ma condition ne me rattrape. C’est-à-dire le bord du divan. Forcément, à force de reculer de frayeur, je ne perçus que trop tard rebord mou du meuble se plier sous mes fesses.

Pendant un instant, mes mains cherchèrent à s’agripper à quelque chose, au dossier, à l’accoudoir, à Milano… Ah non, surtout pas lui ! M’effondrer sur le sol avec ce crétin par-dessus, ce serait le pire cliché qui soit ! Et boum ! A peine cette pensée idiote traversa ma caboche qu’il était trop tard, et que mon derrière fit connaissance avec le plancher plein de poussière et de moisissure. Un contact assez rude. J’échappai un juron bien senti, mais ce n’était rien en comparaison du regard noir que je lançai vers Milano tout en redressant et en massant mon cul endolori.

« Putain… Espèce d’enflure… » Crachai-je en cherchant quelque chose, n’importe quoi, à lui lancer.

Mes mains tombèrent assez rapidement sur quelque chose de mou, à savoir les coussins manquants mais crasseux du canapé, empilés et oubliés là sur le sol.

« Connard ! » Un premier coussin sale vola vers sa tronche.
« Sale troufion ! » Un second coussin s’envola en même temps que l’injure.
« Chiasse d’égout ! » Un troisième décolla aussi vite que mon répertoire d’insultes diminuait en créativité.
« Espèce de… de… » Un quatrième s’envola vers sa tronche, mais si le besoin de lui lancer des objets dessus était aussi fort, l’imagination n’y était plus.
« …CON ! » Concluais-je d’une voix criarde en lui balançant le dernier coussin qui me restait.

Milano

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Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]

Réponse 26 dimanche 25 novembre 2018, 05:49:45

Quelle réaction pathétique! Elle en était littéralement tombée à la renverse, c'était à crever de rire. Sa défense était encore plus médiocre que sa vaine tentative de prendre un quelconque ascendant sur moi. Ce qu'il se passait, c'était comme un transfert, un échange d'émotions. Elle devenait celle qui était froissée, j'étais celui qui se foutait d'elle. C'était un juste retour des choses, un cruel équilibre. J'étais prêt à en rester là jusqu'à ce qu'elle n'en vienne à l'agression physique.
Bien sûr, ce n'étaient que des coussins, même si elle les lançait avec colère. Je n'eus aucun mal à rabattre le premier avant qu'il ne m'atteigne. En bloquant le second, sa rencontre avec ma main dégagea un nuage de poussière qui fila droit dans mes yeux. La gêne me força à essayer de les frotter avec la manche, mais il y eut un troisième coussin. Je l'avais arrêté à l'aveugle. Et un autre qui mis à bas ma piètre défense. Et encore un autre, en pleine poire, qui m'enfonça le poing dans l’œil. Celui de trop. Irrité, je claquai de la langue derrière mes dents, les lèvres retroussées. Elle avait oublié "salaud" dans son avalanche d'insultes futiles. Il aurait été plus adapté que "chiasse d'égout", je pense.

A vrai dire, je ne suis pas quelqu'un de violent et je n'aime pas vraiment jouer des poings. Mais puisqu'on en était arrivés là et que je voulais régler la question de "qui a l'ascendant" une bonne fois pour toutes, j'allais devoir la brutaliser un peu. Et lui faire peur, aussi. Juste histoire de mettre les points sur les i. J'essuyai mes yeux, insistant sur l’œil droit endolori, avant d'agripper son dernier projectile et de lui renvoyer d'un revers, avec puissance et effet. Qu'il lui gifle la face, tiens!
A la suite de ça, je me suis levé d'un bond. Tout s'est passé très vite. Je l'avais saisie par le col de son T-shirt et entrainée sans ménagement vers le mur derrière elle. Mon autre main avait fouiné dans ma poche à la recherche de mon fidèle couteau. Rhadamantis n'allait pas se manifester, mais il se montrait toujours utile. Je la coinçais entre la paroi et moi, la pointe de la lame contre les côtes. Usant du maximum que j'avais à disposition, j'avais dû utiliser mon front pour coincer sa tête, faute de la dominer par la taille. De loin, je ressemblais sans doute à un gamin, une terreur des préaux qui essaye d'être menaçant. Sauf que j'avais un surin, et les yeux rougis et larmoyants. Je m'humectai rapidement les lèvres avant d'énoncer d'un ton grondant:


"Bon, j'vais être plus clair. Plus jamais tu joues à ça avec moi. Plus. Jamais."

Pas un instant elle n'avait même pensé m'avoir atteint. Les animaux sauvages grognent et mordent quand ils sont blessés, et c'est l'effet que je cherchais. Je l'avais acculée, certes par surprise, mais ça me donnait l'avantage, physiquement. Je la dominais, je la menaçais d'une lame, et j'étais certain qu'elle s'en remettrait moins facilement que moi.
Je lui laissais quelques secondes le temps d'accuser le choc avant de la lâcher et de ranger simplement mon arme. C'était sans doute assez. Je reculai d'un pas et lui rendait son espace vital après ce petit coup de pression.


"T'as aucune foutre idée de ce que je peux ressentir."

Une once de vérité s'était échappée dans cette dernière remarque, comme une révélation coupable. "Je ressens des choses, figure-toi". Certains hommes sont des enfoirés mais ces enfoirés ne restent que des hommes. Comme pour cacher mon regard à ce moment là, je me détournai, et commençait à rassembler machinalement tous les coussins et à les jeter sur le canapé. Cinq coussins, on aurait peut-être un peu moins mal au cul, avec ça. Je changeais de sujet en la gratifiant un peu:

"Bon, t'as trouvé de quoi régler le problème de ton canap' pourri, avec un peu de chance on va dénicher des sandwichs triangles tout secs quelque part!"

Je survolai la pièce des yeux pour la énième fois, comme si l'un des meubles allait lever la main en s'écriant "Moi moi, y a de la bouffe dans mes tiroirs!". Les restes de ma rancœur à peine soulagée me soufflaient que je pouvais toujours choper les insectes et la vermine grouillante et lui fourrer dans le bec, et je secouai la tête pour en chasser ces idées.

"Hé, Alix...", je disais par-dessus mon épaule, en me tournant vers elle. "Milano... Y a peu de gens qui connaissent mon nom, tu sais."

Alix Sable

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Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]

Réponse 27 mercredi 28 novembre 2018, 22:13:24

Le cinquième coussin poussiéreux voltigea dans les airs, décrivant un arc de cercle en plein dans l’œil de Milano, exactement au moment précis où je commençai à regretter mon coup de sang. Cet accès soudain de colère était, somme toute, plutôt inhabituel de ma part… Pourtant tout à fait légitime ! Mais regardez donc cet air de crétin heureux, satisfait de s’être bien moqué de ma perturbation à l’entrecuisse ! Ne serait-ce que pour chasser ce sourire insolent, Milano méritait bien de se prendre quelques projectiles dans le pif, et cela avait au moins le mérite de me défouler.

« Hinhin, bien f-… »

Un ricanement qui tourna au couinement surpris quand l’une de mes propres armes, un coussin dodu, fit son grand retour en plein dans ma tronche. Le nez rougi et les yeux larmoyants à cause de la poussière, peut-être étais-je réellement allergique après tout, je me sentis trainer sur le sol à vitesse modérée. Il est vraiment pas musclé, notai-je bêtement durant le trajet cul par terre. Je n’avais franchement rien à dire sur le sujet, n’étant pas moi-même une poids lourde. Ce qui était plutôt heureux pour lui d’ailleurs.
Me voilà collée de force contre le mur, sale lui aussi décidément et, au milieu du nuage allergisant, je vois un Milano furieux et à deux doigts de m’éternuer dessus. Cela aurait pu être comique, et si mes pensées n’étaient pas en train de s’emballer, je lui aurais certainement demandé s’il désirait un mouchoir. Car l’arnaqueur me colle tant contre la paroi, nos corps si proches, nos souffles entremêlés, la chaleur de son visage contre le mien… Que je ne peux m’empêcher de me mettre à délirer. La raideur entre mes jambes reprend de la vigueur et se met à nouveau à tirer sur mon pantalon.

*Ça y est… Il va me plaquer face contre le mur, m’arracher la culotte et me prendre sauvagement par…Aaah…*

Aaah. Non, en fait. Je sens quelque chose de pointue me titiller l’entrecôte, et en comprenant qu’il s’agit d’une lame, tous mes fantasmes sont douchés. Cette position a beau éveiller en moi mes pires penchants de soumise, tout ce que je récolte, c’est un petit couteau émoussé et un Milano retenant à grand peine une toux. La déception. Je me tins coite, comprenant qu’il était bien plus vexé par mon bombardement de literie que je ne l’aurais d’abord imaginé.
Je ravalai ma salive sans dire un mot. Être menacée par un couteau, ce n’était pas du tout une première dans ma profession, et dans ce genre de situation, mieux valait fermer sa gueule ou alors bien choisir ses mots. Ce que je pouvais difficilement faire avec le souffle court, la voix enrouée par l’attente d’un fantasme qui ne viendrait pas, et de nouvelles bouffées de chaleur inopportunes. Loué soit la pénombre d’ailleurs, le rouge écrevisse de mes joues et la tension dans le pantalon devaient passer inaperçus !

« Ok, ok… » Lâcha-je finalement en hochant la tête, juste après avoir rassemblé suffisamment de salive pour articuler correctement.

Merde, moi et mon imagination débordante ! Alors que Milano me lâchait finalement, je m’évertuai à chasser les images lubriques à base de sexe surprise contre le mur, en réajustant stratégiquement mon pantalon. Je passai nerveusement une main dans mes cheveux bleutés. Le voilà qui recommençait à lancer ses fameux coussins, avec un air étrange sur le visage… Devrais-je dire, blessé ? J’en serai sûrement sur le cul sans l’appui du mur.
Nous nous étions tant cherché et balancé des fions à la figure, que pas un seul instant il m’était venu à l’idée que Milano puisse avoir des sentiments. La culpabilité m’envahit l’espace d’un instant. C’est vrai que je pouvais me montrer une véritable pimbêche, souvent même, et que malgré ses penchants d’arnaqueurs, il s’est plutôt montré sincère.
Milano se mit à empiler les coussins, et j’en profitai pour m’asseoir plus confortablement, tandis qu’il cherchait à dissiper le malaise. Mon coup de fringale m’était quasiment sorti du crâne.

« Bon écoute… » Commençai-je en croisant les jambes. « J’étais en colère et j’me suis foutu d’toi auparavant, mais… Voilà, je suis désolée. Et arrête de remuer la poussière, si il y avait de la bouffe ici, elle serait déjà bouffé par les cafards. »

Présenter mes excuses n’était pas non plus dans mes attributions et, pour être complètement honnête, si la nuit n’était pas remplie de coupe-jarrets, j’aurais déjà pris la fuite en sortant de la cave. Mais puisque nous étions plus ou moins coincés ici, pourquoi ne pas jouer un peu la sincérité ? Milano semblait disposer à l’être en tout cas, il ne me restait plus qu’à faire un minimum d’effort.

« Ouais bah, confession pour confession… Me faire plaquer contre un mur, ça commençait à me mettre dans l’ambiance… » Avouai-je d’une petite voix gênée.

Milano allait probablement me prendre pour une fille bizarre. Je dois bien avouer que me faire menacer de mort n’avait pas pour habitude de m’exciter, mais à force de nous chercher toute la soirée, ce coup-ci, j’avais vraiment cru… Je toussotai pour chasser la poussière autant que ma confusion, me tassant autant que possible dans le canapé nouvellement confortable. Et ce pli de pantalon qui ne partait pas…

Milano

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    Faussaire et fieffé menteur.
    Grand roi de l'arnaque et des coups fourrés.
    Reflet de vos propres mensonges.
    Chevalier des Ka'karis.

Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]

Réponse 28 samedi 08 décembre 2018, 15:08:33

Je dissimulais un petit rictus victorieux. Ça me faisait du bien d'avoir mis les choses au clair, d'avoir le dernier mot, et même de lui avoir arraché des excuses. La seule idée de me mettre en position de force suffisait à calmer mon irritation, et à passer outre les insultes. Mais l'atmosphère s'était refroidie, l'air avait un arrière gout de honte et de malaise. Putain, je venais juste de la menacer au couteau! D'accord, c'était un nouveau coup de bluff, admettons, des paroles en l'air. Mais les tours de force, ce n'était pas dans mes méthodes. Hors de question de faire demi-tour, mais il y avait ce regret inavouable. Jouer les brutes, ce n'était pas vraiment mon jeu préféré. Jusqu'à...

"Me faire plaquer contre un mur, ça commençait à me mettre dans l’ambiance…"

Surpris, j'avais relevé le nez un peu trop vivement à mon gout. J'étais coi. Du genre, ça lui avait plu? Se faire brutaliser, se retrouver avec un couteau entre les côtes, elle avait aimé ça? Je repassais la scène dans ma tête. Elle avait peut-être envoyé des signaux qu je n'avais pas captés. Des gestes, des invitations ou...
Ou un jeu qu'elle ne cherchait pas à gagner. Un jeu qu'elle voulait perdre. Titiller mes nerfs, essayer de m'humilier, pas pour y arriver, mais pour que je fasse ce que je fais de mieux: tout retourner contre elle. L'énerver, l'humilier, la rabaisser, lui faire du mal, jusqu'à en venir aux mains. C'est fou comme les choses deviennent simple quand on change simplement de perspective. C'est fou comme on se sent con, aussi, quand ça arrive. Mais c'était donc ça, son kiff. Jouer pour perdre. Me voir gagner. Me donner l'ascendant. C'était tellement tordu que je me demandais si elle l'avait fait consciemment. Parce que si c'était le cas...
Non, ça n'était pas le cas.

J'eus comme un déclic, un verrou tombait. Une porte s'ouvrait pour révéler un mystère dont je prenais à peine conscience. Une réalisation soudaine qui me fit éclater de rire. Cette fille devant moi, qui croisait ses jambes avec inconfort, ce joli brin de gonzesse aux joues empourprées... Putain, j'allais me la faire! Je devais me la faire!


"HAHAHA! J'ai compris! T'avais... T'avais rien planifié, tout à l'heure à la taverne! Tu... En fait si ce mec était passé outre ta queue et t'avais prise devant tout le monde, t'aurais kiffé!"

D'un index à la fois dédaigneux et accusateur, j'avais pointé le repli du pantalon avec lequel elle bataillait depuis un moment. J'avançais devant elle, triomphant, enchainant mes découvertes comme un enquêteur à la fin d'un mauvais roman policier. Et quel enquêteur j'étais...

"Ça t'aurait plu! Une humiliation publique, te retrouver entre deux gros ivrognes suintant! Devoir les gober pendant que tout le public regarde! ... Ou pendant que je regarde, hein?"

Ça, c'était moi qui remporte la partie. Moi qui était tout fier d'avoir assemblé les pièces du puzzle, moi qui l'avait enfin pris, ce putain d'ascendant. Ce qu'elle avait cherché, c'était un autre Milano. Elle voulait le moi brutal, agressif, menaçant. Le moi qui s'emparerait d'elle et qui n'hésiterait pas. De l'assurance et du pouvoir. Je pouvais lui donner ça, oui.
Un éclat ardent au fond de mes pupilles, je plantais un genou sur le canapé, à côté d'elle. D'accord, ça faisait un peu recyclage, mais j'avais besoin de rattraper une occasion manquée. Debout au-dessus d'elle, je lui saisissais le visage par le menton. Elle avait la peau douce, et l'air un peu con, avec ses joues pincées entre mes doigts.


"... Ouais, j'ai mis dans le mille. Ça se voit dans tes yeux! T'es une vraie trainée Alix!"

Mon autre main saisit la sienne. Ma poigne était ferme mais mes gestes lents, calculés, là encore, intimistes. Avec une force tranquille, je dirigeais sa main vers la bosse qui -ô surprise- n'était pas un "pli du froc". C'était là ma vraie confirmation. Sous les caresses de sa main, guidées par la mienne, je pouvais sentir la manifestation même de son envie.
« Modifié: jeudi 03 janvier 2019, 20:32:50 par Milano »

Alix Sable

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Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]

Réponse 29 dimanche 09 décembre 2018, 23:57:46

Une vague d’appréhension me submergea progressivement. Me confesser à Milano n’était sans doute pas l’idée la plus brillante de la soirée, mais alors pas du tout, et son brusque volte-face ne fit que renforcer ce sentiment. Il me dévisageait avec un air carrément inquiétant, et ce pendant deux bonnes minutes de silence inconfortable, comme une fouine reniflant un paquet de chips abandonnés. Flippant. On entendait presque les rouages de sa cervelle grincer à ce stade, et je commençai à me demander avec inquiétude, quelle genre de réflexions tordues allaient émerger de cette caboche.

« Qu-quoi ? Mais non, j-je… euh ne-pfmpf-afanon-nonon… et hmpf… C’est… Mais arrête !... »

Argument béton s’il en est. La seule partie intelligible de cette remarquable plaidoirie, se résumait plus ou moins avec cette injonction maladroitement illustrée par un regard vers le concerné : Arrête de me pointer avec ton putain de doigt ! Seulement voilà.  Ma langue s’empêtrait dans ma bouche, en même temps que je me trémoussai pour cacher cette fâcheuse érection, et je ne parvenais pas à articuler le moindre mot correctement pour protester. C’est vrai quoi, rien dans tout ça n’était vrai ! Enfin…
Et voilà un Milano à la limite de l’hystérie. Tout content de profiter de ce point faible révélé, l’emmerdeur enchaine les révélations complètement fantaisistes. Car merde ! J’avais peut-être effectivement un très gros fantasme sur la soumission, mais de là à une humiliation publique au milieu d’ivrognes puants… Non, tout de même, il exagérait ! J’avais ma dignité, un certain standing, mais pas la capacité à la défendre puisque ma bouche devint sèche comme du papier de verre.

« Non… Mais non ! A-arrête hein !... Ils étaient trop crades… Faut pas abuser… » Balbutiai-je tandis qu’il réduisait de plus en plus mon espace vitale.

Honnêtement non, me farcir les chibres malodorants d’une bande de piliers de bar dégueulasses, ça n’avait jamais été mon intention, et je soupçonnai que Milano en rajoutait délibérément des caisses pour me mettre dans l’embarras. Ce qui fonctionnait à merveille. Je rougissais confusément, me tassant dans le dossier du canapé comme un chat dans une cage de transport, et j’avais grand peine à réfuter des accusations pourtant totalement fausses.
Mais pourquoi, Alix, pourquoi ? Eh bien parce que ce revirement de situation m’excitait. Que ce soit les sous-entendus graveleux de Milano, ou bien l’attitude qu’il prenait pour me les balancer à la figure, tout cela me donnait des bouffées de chaleur. Je tâchai de fuir le contact visuel, trouvant un intérêt soudain au plancher vermoulu, mais il vint me saisir avec force au niveau du menton, ce qui m’obligea à affronter son regard.

« Non ! Ok, j’ai peut-être des… mais… » Marmonnai-je d’une voix progressivement mourante.

Sans doute était-ce l’injure qui acheva de briser ma résistance, mais je fus complètement incapable de résister à la traction qu’il m’imposa alors en saisissant fermement mon poignet.

« Ok, ok, je… suis un peu excitée par la situation mais… Erhm… » Tentai-je de me défendre tandis qu’il me collait soudainement la main sur la bosse entre mes jambes.

Ce contact forcé m’arracha un couinement aigu et pas très glorieux. Après avoir passé autant de temps à nous chauffer mutuellement, parfois involontairement devrais-je dire, ce fameux pli de froc avait pris des proportions alarmantes. Toutes les meilleures excuses ne suffiraient pas à sauver les apparences à ce stade, et ma cervelle se heurtait à un épais mur d’excitation sexuelle.
Et puis à quoi bon résister ? Milano n’était pas si déplaisant physiquement, malgré sa proportion à me casser les noisettes à longueur de temps, et maintenant que le rideau était tombé… Ma résolution prise, je réussis aussitôt l’exploit de rougir encore davantage, vers un rouge pivoine heureusement atténué par la pénombre ambiante.

« Ok, ok, ok… » Répétai-je comme pour me rassurer. « T’as raison mais euh… Evite de m’arracher mes fringues, j’ai plus assez d’budget pour les remplacer… »

C’est vrai quoi, il ne faut pas non plus oublier l’essentiel dans la vie…


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