Sortant donc de scène, je déposais tranquillement mes instruments à leur place, ainsi que mes pédales. Il fallait impérativement que je pense à les ranger correctement avant de faire quoi que ce soit d'autre, car je pouvais très bien partir sur autre chose et oublier que je devais les ranger, par la suite. Et il était hors de question qu'elles soient dans un foutoir absolu. Perfectionniste dans l'âme, il fallait que mes instruments soient correctement rangés. Sans doute une sorte de trouble du comportement ou quelque chose comme ça. Et je l'assumais totalement. Je savais que de toute manière, avec cette saloperie que je m'injectais quotidiennement, des troubles du comportement allaient me guetter. Je le savais, et pourtant, je n'arrivais pas à m'en sortir. J'étais prête à supporter ce genre de choses, simplement pour ne plus connaître cette foutue sensation de manque.
Une fois tout cet attirail rangé à la bonne place, je pouvais enfin m'occuper du reste, à savoir rouler une simple cigarette. Simplement du tabac, rien de plus à l'intérieur. Roulant tout ceci assez lentement, il ne me restait plus qu'à aller dehors pour aller fumer. J'en avais besoin. J'étais plus accroc à l'héroïne qu'à la cigarette. De toute manière, l'héroïne avait un tel ancrage dans l'esprit d'une personne que presque rien ne pouvait surpasser une telle addiction. Tirant de grandes taffes, je regardais le ciel, les nuages, bougeant lentement. Expirant la fumée par le nez, je me vidais techniquement la tête. J'étais contente de ce que je venais de faire. Pour rien au monde, je ne laisserais ma place. J'y tenais beaucoup trop. En soit, il existait à mes yeux une plus grande addiction que celle à l'héroïne. La musique. Si l'on m'empêchait de jouer, je devenais folle. Je n'en faisais pas un peu trop, je le pensais réellement. J'en avais besoin. Je ne me voyais pas faire quelque chose d'autre de ma vie de toute manière.
Je ne pensais à rien, je me vidais la tête, j'étais bien. Il me fallait toujours des moments comme ça. Car même si j'étais contente de ma prestation, j'avais toujours de la pression. Je ne pouvais pas me permettre de demander de l'argent à ces gens pour qu'ils me voient jouer, et livrer une performance médiocre. Ils devaient en avoir pour leur argent. C'était ainsi que je voyais les choses, et je me mettais donc en permanence de la pression pour atteindre cet objectif. Je n'aimerais pas payer plein pot pour aller voir un groupe dont j'avais entendu beaucoup de bien, et qu'au final, je vois l'un des pires concerts de ma vie. De ce fait, je devais rester dans cet état d'esprit en permanence. Par conséquent, il valait mieux que je me trouve des moments où je ne pensais plus à rien. Et ainsi, tout était parfait. Certains me diraient que je me mettais la pression pour tout et n'importe quoi, mais ils n'avaient pas ma vision des choses. Ils n'étaient pas dans ma tête. Les membres de mon propre groupe me considéraient comme un génie de par ma faculté à composer extrêmement rapidement, et avec une grande justesse. De ce fait, je devais être à la hauteur de la réputation qu'ils me donnaient, et ce, en permanence.