Helel se considérait comme trop bon pour venir au secours d’adolescents en manque de sensations. Lui qui pouvait accomplir tant de choses, tant de grandes choses. Mais les règles étaient les règles, immuables et imposées par le seul être au monde pour lequel le Grand-Duc éprouvait du respect. Aussi ne refusait-il pas les pactes passés avec de simples lycéens ou lycéennes, ravalant sa fierté.
Seikusu était une ville pour le moins particulière. Elle attirait, plus que n’importe quel autre endroit, la magie et les situations improbables. A bien s’en rappeler, Helel n’avait pas dû visiter un autre endroit sur Terre que cette étrange ville, en ces quelques dernières années. Le lycée, la faculté ? Il les connaissait bien, il se souvenait de chaque humain, chaque humaine qui vivait aujourd’hui une vie satisfaite, grâce à lui.
Mais, si Seikusu attirait la magie, ce n’était pas pour autant une ville semblable à celles de Terra. La plupart des mortels ignoraient tout de ce qui touchait à l’occulte, et les invocateurs étaient éparpillés, très peu d’entre eux se connaissant mutuellement. Helel connaissait bien l’endroit, mais jamais il n’avait entendu parler d’un quelconque « club de l’occulte ».
« N’es-tu pas jeune pour offrir ton âme ? » Susurra la voix rauque, d’un ton moqueur. De la goutte de sang était née une volute de fumée grisâtre. Elle s’étendait, montant jusqu’au plafond, devenant un épais nuage, dégageant une odeur agréable, un parfum relaxant. « Parle. Ton souhait sera le mien. » Affirma la voix, alors que, dans cet amas opaque, se formaient des formes reconnaissable.
Un homme, grand, musclé, et nu comme à son premier jour. Il était plus grand que Midori, beaucoup plus grand. Elle devait lui arriver au niveau de la ceinture abdominale, peut-être des pectoraux. Helel, car c’était là son nom, posa une main sur l’épaule de l’humaine. Son simple appareil ne cachait rien à sa stature massive et à sa musculature, à la taille de son sexe. Alors, la fumée jugea bon de l’entourer.
Du néant se formèrent des vêtements, simple jean moulant, une chemise blanche et des bottes marron. La fumée subsista un instant ou deux, et s’évapora doucement, laissant l’obscurité de la pièce reprendre le dessus, laissant derrière elle cet entêtant parfum qui avait annoncé son arrivée.
Helel fut surpris de découvrir ce qui ressemblait à une salle de classe, aménagée pour un rituel occulte. En était-on arrivé à réaliser des invocations en plein cours, sur Terre ? Délaissant Midori, le beau diable fit le tour de la pièce. Il ramassa une boule de crystal, l’observant d’un air perplexe. Puis, il la ramena à son invocatrice, la tenant sur la paume de sa main gauche, et lui mit sous le nez.
« Tout ce que tu peux désirer, je te l’offrirai. Tout ce que je désire en échange, c’est que tu me jures allégeance, dans la vie comme dans la mort. » Il se lécha les lèvres, mis en appétit. Une âme pleine d’innocence, avec encore tellement de choses à accomplir. Il espérait pouvoir la ruiner, faire d’elle une créature mauvaise et pervertie. A vrai dire, il sentait une part de vice chez elle.
Cet endroit lui était familier, de plus. Une jeune femme avait passé un long moment à essayer de l’invoquer ici, quelques semaines auparavant. Mais il ne reconnaissait pas cette âme, ce n’était pas celle qui se tenait devant lui. Etait-il possible qu’elle se soit fait devancer par une concurrente ? Ou bien n’était-ce qu’un simple hasard, comme le laissait imaginer l’ambiance qui régnait dans cette salle abandonnée.
Qu’à cela ne tienne, Helel était venu s’accaparer l’âme d’une mortelle, et il comptait bien accomplir son devoir.