Parfois, écouter les autres ne s'avère pas être une idée lumineuse, et peut conduire dans un pétrin quelque peu problématique. Cela peut pourtant partir d'une bonne intention, d'autres non, mais le résultat reste le même. Ainsi, certaines personnes sont plus touchées que d'autres par ce que l'on appellerait la malchance. Notamment, Synthesis. Depuis quelques temps, cette malchance lui collait à la pire plus encore que ses habits à cause de la chaleur environnante. Le soleil cognait passablement fort, les yeux de la demoiselle pouvait presque voir des ondulations de l'air lorsqu'elle levait le nez. Elle se serait crû folle, si elle ne se savait pas l'être déjà. Syn tournait en rond depuis déjà plusieurs heures. L'orientation n'était pas son fort, et elle n'était guère aidée par les petites voix dans sa tête, qui se confondaient les unes les autres au travers d'une dispute qui durait déjà depuis un long moment. Le sujet de cette fameuse dispute était la direction à prendre, mais particulièrement quelque chose à faire. Et la pauvre Synthesis ne pouvait que les écouter, sans pouvoir les faire taire. Ce n'était pas faute d'avoir essayé, mais en vain.
Soline, une jeune femme à la personnalité bien appuyée, clamait de sa voix désagréablement aiguë qu'il fallait sortir de ces terres arides pour trouver la civilisation, et s'y fanfaronner. Ce qui faisait gronder Ramzir, qui voulait du combat, de l'action, du sang en particulier. Et puis Prune qui voulait partir à la chasse au trésor, et tous les autres encore qui voulaient autre chose. Dur de pouvoir penser au calme avec un tel brouhaha. Sauf que quelques heures et ronds plus tard, Synthesis en avait marre, et se mit à crier :
« Mais vous allez vous taire, à la fin ?! Si vous continuez comme ça on n'ira nulle part ! Alors laissez-moi réfléchir, je suis fatiguée vous m'épuisez ! »
A l'approche du soir, le ciel se voila de orange, d'ambré et de cuivre, teinté par quelques nuages violacés. Au loin, on pouvait apercevoir des volutes de fumée. Des volutes d'espoir ? Attirée, la jeune fille se redressa sur ses jambes frêles, lissa ses vêtements salis par la poussière et le sable, et s'orienta vers ce nouvel objectif. Quelqu'un souffla à Syn, à son approche, de se cacher dans les herbes qui entouraient ce qui semblait être un camp de fortune, chose qu'elle fit, pour observer. Il y avait un groupe d'individus, qui semblaient être chargés, essentiellement composé d'hommes larges et bien bâtis. Il semblaient discuter autour du feu, mais impossible de voir qui parlaient à qui, elle ne voyait pas grand chose dans l'herbe. En revanche, elle entendait plutôt bien. Il était question d'une grotte, plus au Sud, qui renfermait une sorte de trésor, dont une épée dont la description fit ronronner Soline.
« - Oh mais moi je l'ai vue cette épée, et elle n'est absolument pas là-bas, c'est là d'où l'on vient !
- Mais c'est vrai, ça, il n'y a rien là-bas, juste du sable et de la gadoue ! »
Il n'y avait pourtant pas que l'épée, qui avait été vue. Synthesis venait de se lever, et fixait de ses grands yeux innocents le groupe, pas si innocent que ça. A vrai dire, voir surgir ainsi une jeune fille, toute sale d'herbe, de terre, de sable, les joues rougies par le soleil sous un voile de poussière, n'était guère la meilleure façon de faire les présentations. Cette fois, la décision fut unanime : la fuite. Alors la demoiselle blanche prit ses jambes à son cou, et courut le plus rapidement possible aussi loin qu'elle le pouvait. La poursuite ne dura pas vraiment longtemps, à compter qu'il y ait eu une poursuite, puisqu'elle n'avait pas pris le temps de regarder derrière elle. Syn se rappelait très bien de l'épée, sa couleur, sa forme ; elle avait une très bonne mémoire visuelle. Mais ils avaient déjà des épées, pourquoi en chercher une autre ? Il n'en avait pas besoin pour couper du jambon, si ? Plongée dans son innocence, la jeune fille trébucha sur ce qui semblait être un panneau de bois à terre. Il n'y avait rien d'inscrit dessus, pourtant, il semblait avoir été arraché. A quoi donc ? De plus, il y avait plus loin d'autres bouts de bois éparpillés ça et là un peu partout, sur ce qui semblait malgré tout un chemin. La curiosité emporta la demoiselle, qui se retrouva bientôt devant... Un tas de bois. Rien de plus. Un immense tas de planches, de branches, brindilles et feuilles. Elle en fit le tour, appuya ses mains dessus, mais ce n'était qu'une montagne de bois. Et elle s'était perdue, pour couronner le tout. Alors Synthesis posa son derrière au sol, replia les jambes sur elle-même, et attendit.
Lorsque le ciel se teinta d'or et de bronze, une ombre arriva dans le champ de vision de la jeune fille, qui se releva, et alla à sa rencontre. Elle dut lever la tête pour s'adresser à cette personne, puisque somme toute, Syn était relativement petite, et détestait parler à quelqu'un sans le regarder dans les yeux, bien que cela puisse en offenser plus d'un.
« Dites, vous savez où est-ce que je pourrais trouver un endroit où dormir, puis repartir quelque part avec des gens ? J'ai peur à cause des hommes qui cherchaient l'épée et je veux pas avoir d'ennuis... Euh.. D'ailleurs, vous faites quoi ici, vous ? Il n'y a rien du tout, vous savez ? Juste de la terre et des cailloux ! »
Dans toute son innocence, elle n'hésitait pas à tout expliquer en une seule fois à un parfait inconnu, sans même savoir s'il pouvait s'agir d'une mauvaise personne. Mais Syn trouvait que cette personne lui faisait bonne impression. Elle avait même envie de la suivre pour savoir où elle allait et pourquoi. Et maintenant que cette idée était dans sa tête, elle s'y accrochait, le désirait dur comme fer, et pas moyen de la faire changer d'avis, sauf en trouvant quelque chose qui l'intéresserait plus encore. Aussi, elle acheva son petit monologue en demandant si elle pouvait accompagner cette personne, avec un grand sourire d'enfant heureux.