Rita Cabbia n’était pas n’importe qui. Elle était la Matriarche des Cabbia, une puissante famille ashnardienne. Et, malgré sa beauté légendaire, Rita avait plus de soixante ans. Fort heureusement, comme tous les Cabbia, elle était instinctivement douée en magie. Rita Cabbia était en effet autant une puissante noble qu’une redoutable sorcière, maîtrisant à ce titre bien des sortilèges, l’art des potions, et avait usé de magie pour ralentir considérablement le vieillissement de ses cellules. Très belle, son statut de célibataire avait toujours attiré quantité de nobles désireux de lui proposer un mariage solide, mais Rita avait toujours refusé. Les Cabbia n’étaient pas une grande famille ashnardienne, mais Rita disposait malgré tout d’un grand château, de plusieurs villes sous son autorité, et d’un grand trésor. Pour bien d’autres familles, Rita représentait donc un parti idéal, mais elle était fidèle à la vision traditionnelle des Cabbia. Servant la
Déesse Sha, la Déesse des sorcières, Rita s’était toujours opposée au mariage. Elle avait eu une fille,
Alyandra Cabbia, certes, mais d’un père inconnu, un simple géniteur qui n’avait eu aucun droit à la succession.
Et, maintenant, c’était une soirée très particulière. Sa fille avait terminé sa formation magique, et il était maintenant temps de prolonger la tradition des Cabbia jusqu’au bout.
«
Comme moi avec ma mère, ma chérie, il est temps pour toi de devenir pour de bon ma fille. Après ce rituel, tu seras mon héritière légitime, et plus personne ne te contestera ce droit. »
Rita n’était pas, en soi, une mauvaise dirigeante. Le peuple avait plutôt tendance à bien l’apprécier, car elle usait de sa magie pour améliorer le bien-être des gens, et avait toujours ouvert ses portes pour les protéger. Cependant, les Cabbia pouvaient aussi se montrer particulièrement cruels. Rita servait Sha, et, sur ce point, elle ressemblait presque à une fanatique. Quand l’Ordre Immaculé avait dépêché des missionnaires pour tenter de convertir ces gens, la réaction de Rita avait été très sévère. Elle avait attaché les missionnaires à des gibets, et avait laissé ses corbeaux les dévorer lentement.
«
Maintenant que la Déesse s’est réincarnée, expliquait-elle régulièrement à sa fille,
il est du devoir des Cabbia de la soutenir. Louée sois-tu, Alyandra, car tu seras la première Cabbia à être intronisée en sachant que celles que nous servons est enfin réincarnée sur ce monde. »
Avec les années, le culte de Sha s’était effiloché. Les Cabbia faisaient partie des derniers grands noms ayant toujours cru dans le retour de Sha. Maintenant que Sha était revenue, et avait su se doter d’un vaste temple, Rita avait eu la chance de la voir revenir. Ensemble, elles avaient fait l’amour, et, ce soir... Ce soir, Alyandra aurait bien des surprises. Car il y avait, au sein du culte de Sha, une valeur cardinale à laquelle Rita n’avait jamais dérogé : l’appétit naturel pour la
luxure.
Parmi les Sept Péchés Capitaux, la Luxure avait toujours été, avec l’Orgueil, ceux qu’on attachait aux sorcières. À ce titre, les Cabbia organisaient régulièrement des orgies dont le but était d’invoquer des incubes et des succubes. Rita n’avait nullement dérogé à cette tradition, et la rumeur disait qu’elle avait déjà couché avec l’intégralité des gardes et des serviteurs de son château. Elle avait su préserver la virginité d’Alyandra jusqu’au rituel, mais, maintenant que sa fille était prête... C’était à elle, sa mère, qu’il revenait de lui prendre cette dernière, d’en faire enfin une
femme.
Le rituel allait avoir lieu dans la grande chambre royale de Rita, une immense pièce avec un lit énorme, qui pouvait accueillir jusqu’à vingt personnes. Pour l’accompagner, Alyandra était en compagnie de son amie d’enfance, mais aussi sa servante la plus dévouée,
Asuka. Asuka et Alyandra avaient toutes les deux appris la magie, mais on avait aussi appris à Asuka à savoir se battre, faisant d’elle une mage-guerrière, dont le but était de protéger Alyandra. À force, les deux avaient fini par se témoigner des traces d’affection. La vie d’Asuka était indéfectiblement liée à celle d’Alyandra, et il était donc normal que Rita l’invite également pour ce rituel.
Asuka et Alyandra étaient toutes les deux seules, ce soir, observant, dans la chambre d’Alyandra, le soleil se coucher depuis leur balcon. Sous peu, un garde allait venir les voir pour dire aux deux filles de monter. Asuka, qui savait que son amie devait être nerveuse, lui sourit tendrement.
«
Je suis sûre que tout va bien se passer, Alyandra. Tu es une sorcière terriblement douée ! Quelles que puissent être les épreuves de ce rituel, tu les accompliras haut la main ! »
Pour Asuka, ça ne faisait l’ombre d’aucun doute...