Tout ne s'était pas déroulé exactement comme prévu… c'était peu de le dire. Depuis quelques mois, Renard ne vivait que de petits larcins. Des vols à la tire qui ne présentaient presque aucun risque… mais dont les gains et la
satisfaction professionnelle n'étaient pas suffisants pour son train de vie. Le cambriolage de cette demeure bourgeoise de Nexus n'aurait pas dû présenter beaucoup plus de difficultés, et les gains auraient dû être bien supérieurs.
Malheureusement… devant la facilité apparente de la tâche, la halfelin avait fauté par précipitation. Faute à laquelle s'était ajoutée une bonne dose de malchance. Rien ne distinguait la maison qu'elle avait voulu cambrioler de toutes les autres proies immobilières faciles. Rien, sauf son propriétaire : un puissant mage nommé Al-Ubudya – spécialiste de la capture de créatures magiques, pour ne rien arranger.
La voleuse sortait de l'habitation lorsqu'elle était tombée face à ce petit homme chauve et au corps entièrement tatoué. D'un claquement de doigt, il lui avait aussitôt jeté un sort qui lui avait entravé mains et pieds d'un halo bleu. Puis il s'était moqué d'elle pendant cinq bonnes minutes. Puis il avait été boire un thé, et n'était revenu que deux heures plus tard, la laissant sur place.
Enfin, avec un grand sourire, il lui avait annoncé ce qu'il allait faire d'elle. Al-Ubudya était habitué à fournir les arènes en créatures magiques et, plus occasionnellement, en combattants. D'après les mesures qu'il avait faites, elle détenait un pouvoir magique intéressant et même s'il n'était pas « exactement certain du genre de magie », il était « certain qu'[elle] saurait se débrouiller comme une
grande dans une arène ». De toute façon « même jolie, [elle] était beaucoup trop dangereuse pour faire une bonne esclave sexuelle ».
Le mage était repartit une nouvelle fois. Six heures durant – une éternité pour la halfelin, qui, dans une position inconfortable, commençait entre autres à souffrir de sérieuses crampes – il ne se passa rien. Ce ne fut pas Al-Ubudya qui revint la chercher, mais
un immense terranide lion. Le poil un peu grisonnant, il était habillé d'une armure de cuir qui ne parvenait pas à masquer entièrement son impressionnante musculature.
–
T'as bouffé le vieux con et tu viens pour me libérer ? avait tenté la tenebroso.
Le lion avait sourit. Mais, à vrai dire, son sourire n'était pas vraiment sympathique. Il lui avait passé un collier d'obsidienne autour du cou. De son énorme patte, il l'avait saisie par la taille. Ses doigts en faisaient presque entièrement le tour. De son autre main, griffes sorties, il avait commencé à déchirer le bas de son vêtement.
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Aaah, non, NON, trouve toi une victime à ta taille, lui avait-elle craché, croyant qu'il cherchait à la déshabiller.
En réalité, il n'avait sectionné que les ceintures qui contenaient son matériel et ses armes. Il lui avait aussi enlevé ses bottes. Sa tâche terminée, sans aucun effort, il l'avait tirée jusqu'au salon (visiblement, les liens magiques se contentaient de paralyser ses muscles, pas de bloquer ses mouvements). Au milieu du salon, un portail était ouvert. Avant d'avoir pu dire un mot, Renard y fut poussée.
La halfelin se retrouva alors aussitôt libérée de ses chaînes ensorcelées. Mais ses membres engourdis l'handicapaient encore. De plus, une envie de vomir et un vertige s'ajoutaient à la longue liste de choses qui n'allaient pas avec son corps. Elle regarda autour d'elle. Le lion l'avait suivie, et l'attrapa par le bras. Ils étaient dans une salle ronde, les murs en pierre grise, des objets ésotériques posés un peu partout sur des étagères en bois. Sans doute un sous-sol, pensa-t-elle.
Étourdie, il lui sembla errer pendant plusieurs minutes dans des couloirs souterrains, empruntant par plusieurs fois des escaliers. Finalement, le léonin l'abandonna dans une pièce fermée par une grande grille métallique.
Ruth était tombée sur les mains. Elle n'en menait pas large, et semblait tout juste capable de tenir debout. Sa longue chevelure rousse, partiellement tressée, dégringolait sur son visage. Pieds nus, elle était habillée d'un pantalon noir et moulant, et d'une tunique de la même matière. Cette dernière était déchirée sur sa partie inférieure, laissant apparaître son dos et son ventre musclé. Ce détail excepté, elle ressemblait à une petite fille qu'on aurait jetée là, tremblotante sur ses appuis, couverte de sueur.
Elle releva la tête et tomba face à face avec… un seau en bois.
–
Salut. Si t'es un pot de chambre, je suis content de te voir, grogna-elle, en avançant à quatre pattes vers le salut de sa vessie.