Shad suit ses instructions et s'installe au creux de sa main, grande comme une chaise ou un petit fauteuil. Le plus dur des fauteuils imaginables peut-être, mais passons sur ses détails. S'assurant qu'elle soit bien installée, il se relève afin de pouvoir prendre les airs avec sa passagère. La jeune femme ne semble pas s'inquiéter du sol qui s'éloigne d'elle, à vrai dire il a plutôt l'impression qu'elle est pensive à cet instant.
J’ai croisé pas mal de champignons sur ma route, de toute sortes, mais je pense que celui que tu cherches doit être un de ceux qui sont difficiles à dénicher. Les habitants du village que j’ai promis d’aider pourront en effet peut être nous aider mais…. Comment comptes-tu trouver ce champignon sans être au sol ?
À vrais dire, je cherche plus son habitat que le champignon lui-même vu d’en haut. Des forêts de pin ou d’épicéa avec une terre sableuse. Mais je n’ai pas été très chanceux jusque-là. Tien toi bien, on s’envole.
Étendant ses ailes, il s'apprête à laisser la route poussiéreuse pour rejoindre le royaume des airs. Il use à la fois de la force de ses jambes, de celle de ses ailes … Et d'un peu de magie afin de s'élancer dans le ciel bleu, s'élevant rapidement tout en prenant garde à ce que la louve ne tombe pas au vu de la brutalité de cette mise en mouvement. S'il n'avait pas bougé avec elle, elle se serait sans doute sentie "catapultée". Mais les écailles chaudes et dures de ses mains lui confirme sa présence.
À plusieurs centaines de mètres d'altitude, la curiosité de Shad ne tarde pas à lui faire découvrir une vision du monde bien différentes de ses habitudes. Penché au-dessus du vide en se tenant fermement au doigt qui l'entoure, la louve découvre ce que peut voir Seth tous les jours. Les pentes du terrain se lissent, comme si elle n'avait aucune importance. Les chemins deviennent de fine ligne parsèment la terre comme de simple morceau de ficelle rejoignant parfois les cordes des routes, traversant parfois les files bleues des cours d'eau. Les forets ne sont guère plus que des buissons, les quelques champs tenu par les habitants deviennent à peine plus qu'un tapis de couleurs. Tout prend une tout autre échelle, une perspective qui donne le vertige.
De jour on ne risque pas de les trouver mais de nuits… il est fort probable qu’ils fassent un feu de camp. J’ai beau avoir une bonne vue, là à cette distance à part des points plus bas…
J’oublie souvent que ma vue est bien meilleure sur les longues distances que ne doit l’être la tienne. Dit toi qu’à notre altitude actuelle, je peux si je le veux distinguer un lapin dans l’herbe. C’est comme … Avoir une longue-vue dans les yeux j’imagine.
Une vision de rapace donc … bien loin des limites que rencontre la jeune femme. En sois ce ne doit pas être si surprenant. Après tout Seth fait partie des "maîtres des airs", quoi de plus naturelle donc d’avoir la possibilité d’observer tout ce que le monde offre à la vu ?
Abandonnant l'idée d'observer elle-même le sol, Shad se rassoit au creux de la main de Seth en lui laissant le soin de surveiller les alentour. De nouveau elle semble contrarier, le noir de ses écailles lui rappelant sans doute leur composition singulière. Finalement, elle finit par exprimer son malaise à ce sujet d'elle-même, disant ce qu'elle a sur le cœur.
Tu sais, ce n’est pas le fait de ne pas pouvoir te montrer mes progrès qui me gênent mais plutôt le fait d’en être démunie. Ces trois ans n’ont pas été que joie et bonheur, et même si j’ai encore de quoi me défendre via mon habilité et mes armes…Je préfère garder mes pouvoirs. Je pense que tu n’as aucune idée de ce que ça fait de se retrouver avec un collier au cou qui t’annule toute capacité magique pour que tu sois …plus docile…
Honnêtement … Non, je n'imagine pas. Je comprends que tu ai une aversion à l'obsidienne cela dit, j'espère juste que tu sauras faire la part des choses entre cela et ma personne. Sans vouloir t'interrompre je vais devoir te changer de position si ça ne te dérange pas. Voler les bras tendus n'étant pas particulièrement confortable, je vais te mettre sur mes épaules.
Au départ, la garder dans sa main semblais une bonne idée. Mais ce n'est pas vraiment une position naturelle, l'obligent à corriger en permanence l'effet de la dérive que le frottement de l'air provoque. Cependant, la vision limitée de l'okami rend l'idée caduc en supprimant tout intérêt à cette position. Bien-sur il se gardera bien de lui faire remarquer cela en ses termes.
Sans prendre la peine de se poser, il ramène doucement la main occupée par la louve vers ses épaules, lui laissant le soin de s'installer sur son nouveau perchoir. C'est probablement un peu acrobatique en plein vol, autant dire qu'il faut avoir sacrement confiance pour réaliser l'opération alors que le sol semble bien loin … Mais qu'à cela ne tienne, ça ne semble pas l'arrêter pour autant. Les jambes de chaque côté de son cou, bien en appuis contre ses larges épaules alors qu'elle est allongée le long de sa colonne vertébrale pour ne pas subir le vent plus que nécessaire. La voilà installée avec une superbe vue sur le ciel et les quelques nuages qui le parsèment.
Mais, j’ai aussi visités d’incroyables contrées, fait des rencontres intéressantes et enrichissantes et vécut des aventures assez…atypiques…Après tout, tout ne peut pas être que rose n’est-ce pas ? Tout cela a tendance à forger le caractère…
Si la vie n'était qu'un long fleuve tranquille, elle serait mortelle d'ennuis j'imagine. Mais quels sont donc ces personnes qui ont accompagné tes aventures ?
S'ensuit une longue discussion sur cette autre face du monde dans laquelle c'est retrouvé impliquée la jeune femme. Une portion de vie pas vraiment de tout repos, avec des hauts et des bas, victoire personnelle comme humiliation violente.
Hum je parle je parle mais et toi ? Qu’as-tu fait pendant ces années ?
Et bien, pour le coup ma vie est nettement plus … Plate assurément.
C'est à son tour de parler de ses trois dernières années. En sois elle n'est pas très différente de celle qu'il avait quand ils se sont rencontrés. Il fait toujours la liaison entre divers points du monde sur demande, parfois il s'occupe de monstre un peu trop entreprenant … Mais la majorité du temps il reste discret, n'attirant pas l'attention sur sa personne. Bon, de temps en temps il est bien obligé de rabattre le caquet à de sois-disant "paladin" ou "mage" qui vienne lui chercher des poux. Les premiers volent à travers les portes comme s'il ne pesait pas grand-chose. Les seconds se retrouvent au milieu de la rue, couvert de goudron et de plumes et bien incapable de s'en débarrasser. Apparemment ses souvenirs là le font bien rire, la bêtise sans limite de certain le laissera toujours pantois.
Le soleil se couche, ses rayons laissant place progressivement à l'obscurité de la nuit. Petit a petit les plaines sous eux se garnisse ça et là de petits points lumineux, autant de feux de camps en forme de lucioles représentant chacun un groupe de voyageur s'installant jusqu'au lendemain.