Le week-end, c'était un petit moment de plaisir pour elle, dormir, se réveiller tard, trainer devant la télé, le pc ou allumer une de ses consoles, loin de l'école, des soucis de son existence et de cette routine insupportable où la moindre tentative de changement se soldait par un échec. Elle était si bien, elle aurait pu dormir encore longtemps, même si elle était réveillé, elle était encore sur son lit, à savourer ce moment si calme, un monde de silence si paisible alors qu'au pied de sa porte, le changement était déjà arrivée. Ce fut sa mère qui ouvrit à la jeune femme, d'abord surprise de voir une étrangère venir ici pour sa fille ? Il est vrai que Tomoko avait déjà parlé de cette correspondante mais sans jamais s'attarder dessus, ni même préciser qu'elle risquait de passer ? C'était une surprise de sa part ?
« Oui, c'est bien ici qu'elle habite. »
Sans paraître impolie, ça lui faisait bizarre de voire cette petite blonde si polie sur le pas de sa porte, surtout pour voir Tomoko. Mais quand elle fit mention d'habiter ici, elle avait repris ses esprits. Elle prit les fleurs et ouvrit la lettre en la lisant rapidement avant de détacher ses yeux de la missive.
« Habité ici ? Mais Tomoko... Entrer donc, allez attendre dans le salon. »
Salon qui se trouvait juste à côté, il y avait bien sûr des photos ici de Tomoko mais surtout quand elle était jeune avec son petit frère, une petite fille bien souriante et bien loin de celle qu'elle était aujourd’hui. Sa mère en profita pour grimper à l'étage afin d'aller voir sa fille qui avait surement oublier de lui préciser ce détail si important. Elle déboula dans la chambre en évitant de faire du bruit et lever sa fille de son lit, elle était habillée, prête à attaquer la journée et pourtant, elle était toujours attachée à son lit.
« Tomoko ! Tu n'aurais pas oublié de me préciser quelque chose par hasard ?! »
« Hein ? De quoi tu parles, j'ai rien oublié ! »
« Ha bon ? Et ta correspondante qui vient habiter ici ?! Tu ne pensais pas que c'était important à préciser ?! »
« Quoiiiii ?! »
Sa mère lui donna la lettre qu'elle lut à la vitesse de la lumière sans en croire son regard. La fatigue n'y était pas pour quelque chose, même en lisant un passage très lentement, c'était écris noir sur blanc, Elisabeth Golden allait vivre chez la famille Kuroki dans le cadre de l'échange scolaire. Vivre. Ici. Avec elle. C'était faux, un mensonge, un cauchemar ?! Elle ne pouvait pas venir là ! Elle n'était pas Kuroki Tomoko ! Pas celle de ses lettres ! En la voyant, elle va savoir, même si elle peut avoir un doute, dix minutes avec elle et elle saura que toute sa vie écrite sur ses lignes est fausse et que les seules informations de vrai restaient son nom, son sexe et son âge ! Adieu Tomoko populaire et adulée et bonjour la Tomoko invisible et inutile ! Elle n'eut même pas le temps de chercher une excuse pour gagner du temps, maintenant au courant, elle la poussait hors de la chambre pour qu'elle aille saluer sa correspondante. Inutile de dire qu'elle se sentait pas bien. La boule au ventre, la peur de la voir, de lire la deception dans LE regard.
« Tu vas aller la voir et passer du temps avec elle. Comporte-toi bien pendant que je devrais aller faire des courses puisqu'on a oublié de me préciser que je devrais nourrir une personne en plus à partir de maintenant ! »
Sa mère n'était pas spécialement méchante mais quand on vous annonce qu'une autre personne vient habiter chez vous et vous n'en savez rien, vous êtes rarement joyeux. Elle portait un vieux sweet sur le dos et un short, elle n'était pas coiffé comme toujours – bien sûr qu'elle se coiffait mais elle avait ses épis éternels – ses cernes étaient toujours plus incrusté sous ses yeux, elle n'était pas prête, pas du tout ! Arrivant dans le salon, presque comme si on l'avait poussé, elle était bloquée sur place, tendue, paralysée, sa mère restait dans son dos, devant faire les premiers pas pour sa fille.
« Voici Tomoko, votre correspondante. Je vais vous laisser bavarder, n'hésiteZ pas à lui demander de vous faire visiter la maison ou le quartier. Tomoko, tu monteras sa valise dans ta chambre, je dois m'absenter, je reviens vite, amusez-vous bien. »
La porte se fermait, la voilà seule. Tomoki était à son entraînement de foot et son père au travail, la voilà seule. Seule avec cette inconnue pas si inconnue.
*Dit quelque chose, allez ! Tu vois bien qu'elle te fixe, qu'elle se demande pourquoi Tomoko se cache derrière toi ! Ou qu'elle est la déléguée élégante ? Grande, belle, raffiné, admirer par tous, celle qui a mille et une activité extra-scolaire et qui a mieux à faire que dormir dans son lit ! Bouge-toi un peu, essaie de sauver ta peau avant que son regard ne change et voie que tu es juste une menteuse incapable de dire la vérité !*
Son courage pesait une tonne, elle commençait à lever sa main comme pour la saluer avant de se baisser brusquement pour la saluer plus poliement. Se courber, c'était bien, mais il fallait aussi parler... et se redresser.
« En-En-En-En-chhhhant-té-té-té-té... Bi-bibiiiiienve-ve-ven-nu-nunue chez n-n-n-nous... »
C'était un bon début ? Avec sa voix qui partait tantôt dans le grave, tantôt dans l'aigue, le tout en murmurant comme une souris, c'était difficile à dire... Elle se redressa doucement, osant à peine la regarder, elle, cette étrange blonde qui sortait tout droit d'une école de bourge où chaque repas devait se faire avec trente-six fourchettes différentes.
« C'e-es-es-es-est un p-p-p-p-plaisir de-de-de-de-de t-t-t-te v-v-v-v—voir ici, G-go-gold-den-san... »
Avec son regard fatigué, son sourire crispé, sa voix d'outre-tombe, plus glauque que ça, tu meurs !