Rencontre Démoniaque [PV Samara] [FINI]

Kazuha était une femme de confiance, dont la singulière tenue était typique des esclaves de luxe. Elle avançait d’un pas assuré, sans que personne n’ose la toucher, comme si les gens, instinctivement, savaient qu’elle était l’esclave d’une Ashnardienne puissante et influente. À Ashnard, ce genre de tenues étaient publiquement mal vues. Après tout, l’Empire était fondé sur le respect de l’ordre et de l’autorité. Partant de là, se trimbaler dans la rue avec une tenue très ouverte, très sexuelle, c’était une forme d’incitation à la débauche et à la luxure publique. Autrement dit, quand des esclavagistes s’amusaient à promener leurs esclaves en les habitant très légèrement, c’était une manière de rappeler aux autres qu’ils étaient puissants. Les gardes évitaient donc d’interpeler Kazuha, et les piétons étaient suffisamment bien informés pour savoir que chercher des noises à Kazuha, c’était, en définitive, embêter son propriétaire. Et puis, de toute manière, les rues impériales étaient bien plus sûres que les rues de Nexus, ce qui fit que le duo rejoignit rapidement l’enceinte de l’Académie, et, partant, la place de Grandwïn.

« Maîtresse va bientôt venir vous appeler. »

Kazuha restait debout. Elle était loin d’être une femme bodybuildée, mais elle avait indéniablement quelques muscles, qui se mariaient à merveille avec son corps parfait. Tout en elle était fait pour susciter autant le désir que l’admiration. Tout en apprenant à entretenir son corps, esthétiquement parlant, elle s’entraînait tous les jours. Son principal avantage était ses redoutables talents physiques, qui lui permettaient de protéger Samara si jamais cette dernière était privée de sa magie. Malgré sa beauté et son corps de poupée, Kazuha était une véritable machine à tuer.

Silencieuse, elle observait comme toujours les environs, fronçant les sourcils quand quelques étudiants approchaient. Puis, alors que les minutes défilaient, Kazuha sentit un frisson la traverser. Sa Maîtresse s’adressa à elle par le biais d’un message télépathique, dont elle avait le secret :

*[MT] Le Couloir est prêt. Guide-là, ma chérie. [/MT]*

Kazuha se rapprocha alors de la femme.

« Ma Maîtresse est prête. Veuillez me suivre, s’il-vous-plaît. »

Tout en marchant, elle fit quelques ultimes précisions :

« L’épreuve consiste à traverser une série de salles, chaque salle abritant une épreuve destinée à éprouver vos capacités magiques. Tout ce que vous devez faire est traverser chaque salle. Inutile de vouloir tuer les monstres à l’intérieur, cherchez la clef, et la porte, puis sortez. Ce test sera suffisant pour permettre à Maîtresse d’apprécier vos talents et vos capacités. »

Elles rejoignirent une porte, et descendirent un escalier assez sombre. Des torches s’allumèrent comme par magie le long des marches, et, après cette volée d’escaliers, il y avait un couloir sombre, ressemblant à celui d’une crypte, avec une odeur de renfermé, et une épaisse porte à double battant au fond.

« C’est là... Juste derrière cette porte. »

Kazuha s’approcha encore de la porte.

« Vous pouvez toujours renoncer si vous le souhaitez. Sinon... J’espère que vous vous êtes bien rincée l’œil en observant mon cul, car, si vous réussissez cette épreuve, Maîtresse saura vous montrer toute sa générosité. »

Il fallait bien que le jeu en mérite la chandelle !

Kazuha se rapprocha de Karla et lui dit que tout était prêt et qu'elle devait la suivre. Juste avant, la jeune femme avait remarqué que la guerrière avait légèrement relevé la tête et semblait s'être concentré et elle comprit que la démone venait de communiquer avec elle par télépathie. Un pouvoir bien utile en tout cas et elle espérait qu'elle pourrait le maîtriser un jour.

Sur le chemin qui menait vers le lieu des épreuves, Kazuha lui détailla en quoi consistait l'ordalie : une succession de salles avec chacune une épreuve à la clé. Il n'était pas nécessaire de tuer les monstres qui s'y trouvaient mais de découvrir la clef et de file dare-dare vers la porte suivante. Rien de bien sorcier en somme. Du moins sur le papier...

- Salle, clef, porte... fit Karla à voix haute. C'est noté !

Elles arrivèrent devant une porte qu'elles franchirent, descendirent une volée de marches illuminées par des torches qui s'allumaient sur leur passage puis empruntèrent un couloir sombre qui sentait la tombe. Une crypte sans aucun doute. Elles finirent par aboutir devant une solide double-porte et la guerrière lui indiqua que les épreuves commençaient au-delà.

- Vous pouvez toujours renoncer si vous le souhaitez. Sinon... J’espère que vous vous êtes bien rincée l’œil en observant mon cul, car, si vous réussissez cette épreuve, Maîtresse saura vous montrer toute sa générosité.
- Je n'ai pas l'intention de rebrousser chemin ! fit-elle d'une voix ferme. Quoi qu'il en soit je te remercie de m'avoir escortée et j'espère que nous nous reverrons...

Elle avait prononcé ces derniers mots d'un ton caressant et avait effleuré de sa main la joue de la guerrière. Puis elle tourna les talons, ouvrit les portes et franchit le seuil...

Elles donnaient sur une corniche qui surplombait une caverne couverte de stalagmites et jonchée d'ossements humains. Un pont enjambait la caverne et Karla l'emprunta, se demandant ce qui avait pu causer la mort des personnes qui avaient tenté cette épreuve bien avant elle. Soudain, une épaisse fumée monta du sol de la caverne la recouvrant entièrement  si bien que Karla ne pouvait voir ce qui se trouvait à trois pas devant elle...

Les épreuves allaient donc pouvoir commencer. Samara en avait décidé un, et, s’il lui avait fallu un peu de temps pour tout organiser, le Couloir était maintenant fin prêt. Grâce à la magie, Karla allait plonger dans un monde d’illusion, mais où les menaces étaient pourtant bien réelles. Difficile de dire ce qu’était vraiment ces épreuves. Est-ce que Karla allait juste avoir des visions, ou allait-elle se téléporter dans l’antre d’une bête ? Cette épreuve ne visait surtout pas tant à tester les capacités physiques et magiques que le courage et l’intellect. Le simple fait d’oser traverser le Couloir, c’était déjà, en soi, une grande victoire, vu que rien ne forçait Karla à agir ainsi. La jeune femme s’avança donc, délaissant le contact agréable de Kazuha, et rentra dans la première pièce.

Elle arriva ainsi dans ce qui ressemblait à une sombre grotte enfumée. Une caverne avec des ossements humains et d’anciennes armures poussiéreuses, des armes rapiécées jonchant le sol, signe qu’il y avait eu, jadis, un rude combat. Un grondement se fit alors entendre émanant du fond de la caverne, de la poussière montant lentement, empêchant Karla de discerner précisément la forme massive qui s’approchait d’elle, et dont les lourds pas faisaient trembler le sol. Un nouveau grondement se fit encore entendre, un cri bestial et inhumain… Puis la masse s’avança ensuite.

Karla vit alors à qui elle avait affaire : un redoutable Minotaure ! La bête, massive, portait un armement sommaire, signe qu’il y avait, chez ce monstre, une sorte d’intelligence primaire, mais très réduite. Le Minotaure portait autour de son cou un collier tribal fait d’ossements, et poussa un rugissement supplémentaire, avant de se rapprocher de la femme.

Au moins, la jeune démone avait trouvé son adversaire. Restait maintenant à trouver la clef… Et Karla dut vite la voir. Elle était en effet accrochée à son collier, se déplaçant à chaque mouvement. Il suffirait d’un coup brusque pour la faire tomber…

Mais Karla en serait-elle capable ? En tout cas, le Minotaure, dont les yeux étincelaient de sang, rugit encore, tout en s’élançant vers elle.

« Rrrrrrrrrrrrrrraaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaarrghhh… !! »

C'est alors que Karla entendit comme une sorte de grondement venir du fond de la caverne. La terre se mit à vibrer légèrement tandis qu'un pas pesant se fit entendre, puis un autre et encore un autre... La jeune femme comprit qu'une créature massive venait de la repérer et qu'elle s'avançait vers elle.
Puis un beuglement retentit, un cri bestial, primitif, qui évoquait le mugissement d'une vache mais en plus rauque, plus puissant, plus sauvage. Bientôt la jeune femme put discerner une forme compacte émerger de la fumée et quand elle la vit entièrement, elle ne put retenir un frisson. Campée sur de solides jambes qui se terminaient par des sabots fourchus, la créature avait une torse et des bras musculeux mais c'était surtout sa tête qui était remarquable : c'était celle d'un taureau ! Un être mi-homme mi-taureau, une Minotaure !

Il tenait dans chacune de ses mains, de la taille d'un battoir, une solide hache, portait un pagne qui lui ceignait les reins et un collier tribal fait d'os. Karla vit quelque chose briller au cou du monstre et vit une clef parmi les ossements du bijou primitif. La clef qui lui permettrait de franchir la porte menant à l'épreuve suivante !

Le problème était le minotaure qui n'allait pas s'en défaire aussi facilement... Ce dernier poussa un autre cri, encore plus puissant que le précédent, et s'avança vers Karla, une lueur de meurtre dans les yeux. Il balança un coup de hache que la jeune femme esquiva sans trop de mal.

- Plutôt lente cette saleté ! pensa-t-elle. Le stalactite qui se trouvait derrière elle explosa sous l'impact du coup et elle en eut le souffle coupé. Lente mais puissante ! Si je me prends un coup de hache, c'en est fini de moi !.

Elle se mit à zigzaguer entre les concrétions naturelles, la créature à ses trousses. A un moment donné, elle se prit le pied contre un rocher et trébucha lourdement. Le Minotaure poussa un rugissement de victoire : sa proie était enfin à sa merci ! Karla se retourna et vit avec désespoir le monstre s'avancer vers elle, savourant à l'avance le festin qu'il allait faire. C'est alors que, prise d'une impulsion subite, Karla tendit le bras vers son poursuivant et prononça d'étranges paroles dans une langue étrange, qui n'appartenait pas à ce monde. Le monstre s'immobilisa tandis que ses yeux se mirent à miroiter une fraction de seconde puis il resta là où il était, les bras ballants, comme s'il ne savait pas trop quoi faire.

Karla se releva et fit face au Minotaure. Son regard avait perdu toute agressivité et semblait plus placide, tel celui d'une vache broutant paisiblement son herbe dans une prairie. Elle s'avança d'un pas timide vers la créature qui ne fit pas un geste pour l'empêcher d'avancer vers elle. Elle tendit la main pour se saisir de la clef mais elle était un peu trop haute.

- Bon sang, tu pourrais pas te baisser gros crétin ! fulmina-t-elle. A sa grande surprise, le "gros crétin" accéda à sa requête et se pencha. Karla put ainsi prendre la clef. Elle allait commencer à s'éloigner quand elle voulut vérifier quelque chose : suis-moi ! ordonna-t-elle et aussitôt la créature se mit à obéir, marchant docilement derrière elle.

Karla venait de lancer instinctivement un sort suffisamment puissant pour charmer non seulement les humains mais également les monstres, comme les ogres, les géants ou encore les minotaures. C'était un sort inné qu'elle maîtrisait quand elle était en pleine possession de ses moyens, quand elle était Krynyss la Succube, mais qu'elle avait oublié depuis son exil. Il restait néanmoins inscrit dans sa mémoire, mais à l'état latent, et avait rejailli à cet instant là, grâce à l'effet du stress mais aussi à la nature du lieu.

Bientôt Karla arriva devant la porte et l'ouvrit. Après un instant d'hésitation, elle en franchit le seuil, le minotaure toujours sur ses talons...

David contre Goliath, tout simplement... Face à ce rude Minotaure, Karla n’avait a priori aucune chance. On aurait pu croire que Samara l’avait envoyé se suicider, mais, en réalité, si jamais la situation devenait tendue, elle était prête à interrompre très rapidement le combat. Elle vit donc Karla fuir à toute allure, s’abritant derrière le décor, évitant ainsi les puissantes haches du Minotaure, faisant hurler ce dernier. Ce Minotaure était une créature redoutable, qui vivait reclus dans des grottes en montagnes. Parfois, quelques aventuriers téméraires allaient l’affronter, pensant qu’il gardait un trésor, ou de simples voyageurs qui erraient par là. Samara savait que le seigneur local le maintenait en vie, car le Minotaure chassait les créatures nécrophages, protégeant ainsi les mines et les carrières du seigneur. Quelques morts par-ci par-là, de temps en temps, ce n’était qu’un faible prix à payer pour préserver le bon fonctionnement des mines, et se prémunir d’une invasion de putréfacteurs et de charognards divers.

Samara observait cela depuis une boule de cristal. L’avantage de ce Minotaure, c’est qu’il était très obéissant aux sortilèges magiques. En fait... C’était un ancien soldat ashnardien, un monstre utilisé par les Légions. Mais le Minotaure, à force de se battre, de tuer, et d’être ensorcelé, avait fini par perdre la raison. Il était devenu une bête sauvage, incontrôlable maintenant, mais réagissant encore, ponctuellement, à des sortilèges magiques démoniaques. C’était donc un excellent choix pour Karla, car face à l’adversité... Et, justement, la hache s’abattit droit sur elle, un coup fatal... Mais la femme se mit alors à parler dans une langue que Samara ne connaissait que trop bien, et elle perçut une puissante onde de magie s’échapper de cette femme, frappant le Minotaure, et soumettant instantanément ce dernier.

Un sort à l’efficacité très impressionnante.

*J’avais raison... Même avec le conditionnement du Minotaure, il ne pourrait pas se soumettre si rapidement si la femme à l’origine n’était pas puissante. Je me demande bien quels secrets tu me caches, Karla...*

Pour l’heure, elle avait néanmoins réussi la première épreuve, mais, si elle pensait pouvoir emprunter le minotaure, elle se trompait. Quand elle traversa le Portail de téléportation, le lien avec le Minotaure se rompit.

Karla quitta la grotte pour se retrouver alors dans une pièce sombre. Un éclair déchira alors le ciel, venant depuis un trou dans le plafond. Une pièce circulaire au milieu d’une grande forêt profonde et sombre... Difficile de se méprendre : c’était une tour ! La tour reculée d’un mage. On voyait d’ailleurs, au milieu de la pièce, d’antiques instruments pulvérisés. Une bibliothèque abritait également des grimoires poussiéreux. Des bruits sinistres se firent alors entendre dans le dos de la femme.

Un nouveau monstre approchait... Des yeux sinistres percèrent l’obscurité...

C’était un scorpion géant !

A peine eut-elle franchi la porte menant à la seconde partie de son épreuve que le Minotaure disparut. Karla en fut un peu désappointée mais à vrai dire, elle s'y était un peu attendue : la créature devait être liée à l'endroit que la jeune femme venait de quitter et de ce fait ne pouvait vraiment en sortir.

Elle se retrouva dans une pièce circulaire, où régnait un certain désordre. Se frayant un passage à travers les décombres, elle gagna une fenêtre par laquelle elle jeta un œil au dehors et vit les cimes des arbres à perte de vue. Autrement dit, elle se trouvait dans une sorte de tour, un laboratoire de magicien si on en jugeait par l'équipement entreposé à l'intérieur, perdue au beau milieu d'une forêt.

Un léger bruit derrière elle capta son attention : se retournant elle vit une masse indistincte bouger dans un coin sombre de la pièce. Cela se déplaçait lentement en produisant à chaque pas des petits bruits et avait la taille d'un gros chien. Deux yeux luisants apparurent et Karla vit que la chose qui se tenait à quelques mètres d'elle était un scorpion géant !

Elle déglutit à la vue de cette horreur mais ne paniqua pas. Elle prit sur l'une des tables une fiole contenant un liquide noirâtre et la balança sur l'arachnide. Le flacon se brisa, répandant son contenu sur le scorpion qui continua sa progression. La jeune femme, à nouveau prise d'une impulsion subite, étendit sa main vers le gardien et prononça une formule magique : une boule de feu, pas une grande, juste une petite, le genre qui était suffisant pour allumer quelques braises, jaillit de sa paume et enveloppa le scorpion qui s'embrasa comme une torche.

Karla fut quelque peu étonnée car son sort n'avait pas été assez puissant pour produire un tel effet. Peut être que le liquide que je lui ai balancé était inflammable... pensa-t-elle. Une vive douleur à sa main la ramena à la réalité : dans un réflexe, le scorpion venait de la piquer avec son dard empoisonné ! Elle s'écarta du monstre, ce dernier continuant à brûler comme une torche, errant dans la pièce comme un dératé, signe qu'il devait souffrir atrocement même s'il n'émettait aucun son qui pourrait indiquer que ce fut le cas (car il n'y avait que dans les mauvais films que l'on pouvait voir des insectes hurler de douleur).

Au bout de quelques secondes, la créature s'affaissa, complètement cramée, répandant à l'entour une atroce odeur de chair grillée. Par bonheur, ses mouvements erratiques n'avaient pas provoqué d'incendie dans la pièce. Karla examina sa blessure : un peu de sang coulait mais en-dehors de ça, elle ne ressentait pas les effets du venin ; pourtant, vu la taille du scorpion, il devait lui en avoir injecté une généreuse quantité.
Elle patienta encore un peu mais elle n'eut aucun des symptômes typiques d'un empoisonnement : pas de vomissements, de palpitations ou de troubles de la vision. Finalement elle haussa les épaules et inspecta la pièce, à la recherche de la clef. Elle finit par la trouver au milieu des restes calcinés de l'animal.

En dehors d'un escalier en colimaçon qui allait vers le bas, il n'y avait pas d'autre moyen de quitter la pièce - à moins de sauter par la fenêtre. La jeune femme en conclut qu'elle devait se trouver au sommet de la tour. Elle allait emprunter l'escalier lorsqu'elle vit quelque chose briller, provenant de derrière une tapisserie. La soulevant, elle vit une porte en acier bleutée.

Karla engagea la clef dans la serrure et la tourna. Elle entendit un petit déclic puis la porte s'ouvrit. Au-delà, elle vit un autre décor. Elle fit un pas en avant et franchit le seuil...

Samara ne faisait pas subir à Karla des épreuves particulièrement insurmontables. Certes, le coup du Minotaure avait été une entrée en matière plutôt ardue, mais, face au scorpion géant, elle avait tout de même des moyens de s’en sortir. De plus, ce scorpion vivait reclus ici depuis des années, et n’avait plus aucune goutte de poison en lui. Le mage qui avait expérimenté sur lui avait utilisé cette créature comme base alchimique pour ses toxines, utilisant son venin en l’extrayant de son organisme. Finalement, ce vieux mage un peu cinglé avait fini par se suicider en ingurgitant malencontreusement de ses propres toxines, et le scorpion avait fini par grandir, sous l’effet de quelques substances alchimiques différentes. Samara s’était déjà rendue en ce lieu, et avait déjà examiné les toxines de l’homme. Elle avait retenu le scorpion géant à l’aide d’entraves, mais l’avait laissé en vie, comme une sorte d’ultime gardien. Il n’y avait plus rien d’utile ici, Samara ayant déjà emmené les potions et les formules alchimiques de l’ancien propriétaire des lieux.

Quant au Minotaure, c’était aussi quelqu’un que Samara avait déjà rencontré. Elle avait réussi à le vaincre, et avait mis sur son corps un sceau qui lui permettait de le contrôler. Ainsi, si jamais Karla se serait retrouvée en situation critique, Samara aurait juste eu à déployer son sort pour calmer la bête. Comme elle l’avait dit préalablement à Karla, elle voulait juste la tester, pas la tuer.

*Néanmoins, elle s’en sort bien...*

Elle avait jeté sur le scorpion géant de l’huile inflammable, et avait su puiser dans sa magie pour lancer une boule de feu, qui avait réagi avec l’huile, et tué la créature. Cette épreuve faite, Karla s’engagea ensuite dans un escalier, et quitta la pièce.

*Pas mal... Peut-être vais-je bien finir par te trouver une utilité, chère lectrice...*

Leur rencontre avait été placée sous le signe du hasard, mais Samara ne ratait jamais une bonne opportunité.

La troisième salle du Couloir apparut à Karla très rapidement. Elle fut à nouveau transplanée ailleurs, et arriva dans une grotte, le long de côtés déchaînées. Une tempête battait son plein, et la grotte était située le long d’une série de solides falaises. Des embruns et des vagues venaient régulièrement s’infiltrer dans la grotte, la contraignant à devoir se replier dans les profondeurs de la grotte.

Après le scorpion géant et le Minotaure, sa prochaine épreuve l’amènerait à affronter des ennemis peu dangereux, individuellement parlant, mais qui se déplaçaient toujours en nombre : des noyeurs !

Karla, après les ténèbres glacées de la téléportation, qui durèrent une fraction de seconde, se retrouva sur le seuil d'une grotte. Derrière elle, elle entendit le ressac de la mer et les vagues s'écrasant contre les rochers. Jetant un coup d’œil au dehors, la jeune femme vit que l'anfractuosité se trouvait sur le flanc d'une falaise ; regardant à droite et à gauche, elle en vit d'autres ouvertures, inaccessibles à partir de l'endroit où elle se trouvait.

- Où trouver la clef dans cet endroit ? se demanda-t-elle à voix haute.

Se retournant, elle vit que la caverne descendait en pente douce. Elle choisit d'emprunter cette voie, n'ayant de toute manière pas d'autre issue. Au fur et à mesure qu'elle descendait, l'ouverture par laquelle provenait la lumière du jour rétrécissait jusqu'à devenir invisible et bientôt la succube se retrouva plongée dans l'obscurité. Fort heureusement, elle bénéficiait de la vision nocturne propre aux créatures natives de son plan, les Abysses, et n'en était nullement gênée.

Elle finit par arriver au bord d'une étendue d'eau qui devait sans nul doute communiquer avec la mer par le biais d'un réseau de cavernes sous-marines. C'est alors qu'un mouvement sur sa gauche attira son attention et elle vit une créature sortir de l'eau : petite, de forme humanoïde, elle était se tenait voutée et répandait à l'entour une odeur de poisson mort. Elle perçut deux globes laiteux briller faiblement dans le noir et elle comprit que c'était ses yeux.

Elle entendit un autre bruit sur sa droite et elle vit une autre créature émerger des flots. Puis une autre vint. Et une autre. Et encore une autre... Au total, une bonne dizaine de ces êtres se tenaient devant elle et vu leur expression, ils n'étaient pas venus pour prendre le thé...

Karla réagit aussitôt : elle étendit la main et prononça une formule magique. Un trait de foudre s'échappa de son index et vint frapper le noyeur le plus proche. Elle espérait que cette petite démonstration magique inciterait les autres à la laisser tranquille mais elle ignorait, ou avait oublié, un détail qui n'aurait pas échappé à tout étudiant sérieux en magie : l'éclair transperça le noyeur de part en part et vint percuter la paroi de la caverne, rebondissant contre la roche, allant frapper un autre noyeur avant d'aller percuter un autre segment de roche...

- Et merde ! s'exclama Karla qui se coucha à plat ventre, évitant de justesse sa propre attaque. Le rayon continua sa folle sarabande à travers la grotte, électrocutant les créatures sur son passage. Finalement, au bout de quelques secondes, mais qui parurent des heures pour la jeune femme, le trait de foudre perdit en force et en intensité et finit par disparaître. Elle se releva et vit qu'une bonne demi-douzaine de noyeurs gisaient morts sur le sol, les autres ayant de toute évidence pris la poudre d'escampette, répandant autour d'eux une atroce odeur de poisson mort et grillé...

Du pied elle heurta un petit objet. Se penchant, elle aperçut une petite clef d'argent. Elle sourit et s'en saisit. Entre ses doigts, la clef se mit à briller faiblement tandis qu'une des parois de la caverne se mit à luire d'une douce lumière blanche. S'en approchant, elle put distinguer les contours d'une porte. Elle engagea la clef dans la serrure et la tourna. Elle entendit un déclic et la paroi rentra dans la roche avant de coulisser, dévoilant ainsi un passage dans lequel Karla s'engagea...

Les noyeurs se ruèrent vers Karla, qui développa alors une nouvelle capacité magique : des éclairs. Et, pour le coup, son éclair fut assez puissant, puisqu’il rebondit à plusieurs reprises. Sur les noyeurs, c’était un très bon choix, car il s’agissait de créatures aqueuses, habituées à nager dans l’eau, et dont l’eau amplifiait donc à la perfection les éclairs. Depuis son salon, Samara observait avec un plaisir croissant les pérégrinations de Karla, qui continuait à se battre avec talent. Son éclair continua à zébrer l’air, trait mortel, que Karla évita de justesse en bondissant au sol, laissant le trait meurtrier survoler sa tête pour frapper d’autres noyeurs, contraignant les autres à se replier, terrorisés par cette situation.

« Elle s’en sort bien, non ? lui demanda alors Kazuha.
 -  Oui... Oui, en effet. Peut-être devrais-je augmenter la difficulté... »

Des épreuves, Samara en avait à profusion, et elle ne voulait pas non plus que Karla la sous-estime par la suite. Et puis, l’idée était de la mettre en difficulté, afin de voir de quoi elle était capable. Dans le pire des cas, Samara interviendrait pour la sauver. C’est avec cette idée en tête que Samara planifia la suite, quand Karla utilisa la clef pour sortir...

...Et se retrouva dans une nouvelle grotte. Elle atterrit juste devant plusieurs cadavres squelettiques, qui portaient d’antiques cottes de maille rapiécées, et des épées brisées. Ils gisaient sur le sol, l’un ayant le crâne transpercé, l’autre un trou béant dans la poitrine... Et un troisième à qui il manquait tout le bas du corps. Lorsque Karla s’avança vers eux, elle put voir une araignée sortir d’une boîte crânienne. Une atmosphère lugubre s’échappait de la grotte, tandis qu’une lueur spectrale émanait de certains galeries.

« Ne me dites pas que vous l’avez envoyé dans...
 -  Tout juste ! La demeure de Shelob !
 -  Vous êtes si cruelle, Maîtresse... »

Shelob était une redoutable créature, un monstre qui vivait dans une grotte escarpée. Comme pour le Minotaure, des aventuriers désespérés venaient parfois s’y rendre pour tenter de récupérer le trésor sur lequel Shelob veillait. Samara s’y était rendue une fois pour récupérer des prélèvements, et n’avait pas réussi à dompter Shelob, contrairement au Minotaure. Il faut dire que la créature vivait dans des régions chargées en magie, et qu’elle était elle-même imprégnée de mana, ce qui la rendait particulièrement résistante à la magie. Shelob avait pendant des années été nourrie par un riche baron local, qui vivait dans la montagne, et avait obtenu beaucoup d’argent en exploitant les mines.

Cependant, le baron avait fini, en creusant ainsi, par atteindre accidentellement le nid de Shelob, et elle avait attaqué les mineurs. Cruelle et sournoise, elle les avait anesthésiés, et, sans les tuer, avait pondu en eux des œufs. Ils avaient ensuite été ramenés au manoir, où ils avaient, pendant la nuit, été agités de convulsion. De redoutables araignées avaient jailli depuis leur ventre, grosses comme une grande main, et avaient attaqué les autres mineurs, puis les gardes, jusqu’au baron.

Désormais, le seul chemin d’accès vers ce manoir passait par la grotte de Shelob, et, même à le contourner, le manoir était sa propriété. Samara était venue ici jadis pour se renseigner sur Shelob, et avait compris que cette araignée était versée dans la magie noire. Car c’était bien à ça que ressemblait Shelob : une énorme araignée, vieille de plusieurs millénaires, un monstre des temps anciens qui, comme les Balrogs, avaient vécu dans les profondeurs du monde, avant, pour on ne sait quelle raison, de finir par en ressortir.

À vrai dire, Samara ne pensait pas que Karla arriverait à triompher de Shelob. C’était même impossible. Mais, en cas de problème, l’Archimage se téléporterait pour la ramener en lieu sûr.

La clef, en tout cas, se trouvait dans le manoir, dans l’ancienne chambre du baron, le manoir étant directement accessible depuis les grottes. Shelob, elle, pouvait se trouver n’importe où...

Karla franchit le seuil du portail et se retrouva dans un nouveau décor : celui d'une grotte plongée dans l'obscurité, ce qui n'était pas un souci pour la jeune femme vu qu'elle pouvait voir dans le noir, cadeau de son héritage démoniaque. Elle se demandait ce qui l'attendait quand son pied heurta quelque chose ; baissant le regard elle vit qu'elle avait buté par mégarde sur un crâne humain.
A côté se trouvait le propriétaire dudit crâne, ou du moins ce qu'il en restait. D'ailleurs, d'autres squelettes se trouvaient à proximité, tous recouverts d'armures rouillées ou rapiécées ; le sol était également jonché d'armes brisées ou rouillées.

- Des guerriers probablement... murmura Karla, se penchant sur les vestiges. Mais qu'est ce qui a bien pu les tuer ? Tout le bas du corps manquait à l'un des squelettes tandis que les autres avaient un trou béant qui dans la poitrine, qui dans le crâne.

Levant la tête, elle vit que d'autres dépouilles jonchaient le sol ; d'ailleurs certaines étaient emprisonnées dans une sorte de cocon de toile. Une odeur douceâtre, celle des cadavres en décomposition flottait dans l'air et la grotte - mais cela devait être tout un réseau - baignait dans une sorte de lumière spectrale.

La jeune femme s'avança prudemment, ayant compris quelle créature - à moins qu'elles ne furent plusieurs - vivait en ces lieux. La mort régnait en ces lieux mais elle sentait également, grâce à son héritage surnaturel, que la magie flottait dans l'air, sans toutefois déterminer si elle provenait du lieu en question ou du monstre.

Au fur et à mesure qu'elle avançait, les murs et le plafond étaient de plus en plus recouverts de cette toile à la fois épaisse et légère comme la soie. D'autres cadavres se trouvaient à cette endroit, dans un état de décomposition plus ou moins avancée. Elle remarqua que les dépouilles semblaient complètement asséchées comme vidées de l'intérieur.

Pour la première fois, depuis le début de son ordalie, Karla ressentit la peur : la créature pouvait être tapie n'importe où et elle n'avait aucun moyen de se défendre. En outre, elle n'était pas sûre que ses sortilèges - qu'elle avait du mal à comprendre comment elle avait pu et su les lancer - soient efficaces contre la maîtresse des lieux...

Son pied heurta quelque chose : une épée toujours rangée dans son fourreau et que le malheureux propriétaire n'avait pas eu le temps de dégainer. Elle la ramassa et sortit la lame de son enveloppe. L'arme était un peu piquetée de rouille mais elle semblait en bon état et son tranchant n'était guère émoussé.

- Toujours mieux que rien ! dit-elle en serrant la poignée de son épée dans sa main, comme si elle pouvait lui insuffler un peu de courage...

Les gens s’intéressant à Shelob expliquaient sa résistance à la magie en supposant que, dans le passé, elle avait dû se retrouver dans une grotte de mana. Ces grottes se situaient dans les profondeurs du monde, et étaient généralement exploitées par les nains, qui en faisaient des mines. Par « mana », on parlait de cristaux de magie, comme si la magie s’était cristallisée en se mélangeant à des matériaux souterrains, formant des cristaux brillants que les mages et les alchimistes utilisaient pour les raffiner, et en tiraient quantité d’usages. Grâce à ces cristaux, les Tekhans avaient par exemple développé les « Matérias », des sphères magiques capables de générer un sortilège bien précis. Les alchimistes ashnardiens, eux, utilisaient ces cristaux pour concevoir de puissants élixirs, notamment des élixirs permettant de régénérer l’énergie magique d’un magicien. Mais la magie avait encore bien des propriétés insoupçonnées, car il était prouvé qu’elle pouvait interagir avec les éléments. La démonstration la plus probante de ce phénomène était l’existence de monstres magiques, des Élémentaires, qui étaient capables d’utiliser de la magie dans un élément particulier : Élémentaire de Feu, de Foudre, de Glace, etc...

Samara adhérait aussi à cette théorie. Pour elle, Shelob avait dû passer des siècles, si ce n’est davantage, dans une grotte très profonde, entourée de ces cristaux brillants. Elle n’était donc pas une simple Drider, ni une vulgaire araignée géante, mais bien plus. C’était une prédatrice monstrueuse, monstre des temps anciens, comparable en ce sens à ces fléaux issus de l’Enfer, les Balrogs, et qu’on retrouvait parfois dans certains volcans, ou dans des lieux très profonds.

« En vrai, qu’elle ait réussi aussi facilement vos précédentes Épreuves vous agace, hein ?
 -  Je n’aime pas ce ton impertinent que tu prends, Kazuha !
 -  Pardonnez-moi, Maîtresse... » dit-elle avec un grand sourire moqueur.

Si Karla était dans un jeu vidéo, elle serait ce joueur de Niveau 5 s’étant aventuré par mégarde à faire une quête de Niveau 50. Au vu de ses précédents exploits, elle n’avait virtuellement aucune chance dans un combat contre Shelob. Tandis que la femme avançait, elle n’entendait rien, rien d’autre que le silence, et ne voyait rien. Elle avançait dans un labyrinthe de couloirs, évitant ceux qui étaient entièrement recouverts de toiles, sans savoir où se trouvait Shelob... Jusqu’à ce que son pied ne se pose sur un piège, une portion du sol qui n’était plus que retenue par des toiles.

Karla tomba alors dans un trou, et sentit rapidement son corps passer à travers une série de toiles, avant de filer la tête la première, pour atterrir à quelques centimètres du sol d’une énorme caverne, l’une de ses jambes retenues dans des filaments de toiles.

Elle avait atterri au milieu d’une très grande caverne, avec une multitude de cocons flottant dans les airs, et des ossements ici et là, sur le sol, aussi bien des os humains que ceux des bêtes s’aventurant par ici.

Mais, surtout, Karla entendit des bruits sourds, et vit une grosse ombre se déplacer le long d’un mur. Probablement avec horreur, Karla réalisa alors que, non seulement Shelob étouffait à merveille ses bruits de pas, mais que, tel un caméléon, elle adaptait la couleur de sa peau à son environnement, la rendant presque invisible. Mais là, en sentant sa proie, Shelob s’approchait. Immense, cette grotte se dressait en-dessous des multiples dédales que Karla avait emprunté, et ces pièges de toile étaient meurtriers. Cependant, celui-ci n’avait pas été entretenu depuis longtemps, et plusieurs étaient déjà tombés dedans, affaiblissant la toile, ce qui expliquait pourquoi Karla avait pu passer à travers.

Mécontente, Shelob se dirigeait donc vers sa proie pour finir le travail. Elle était une véritable vision de cauchemar, araignée grosse et poilue, qui fondait sur sa proie...

Pendant une bonne dizaine de minutes, Karla déambula à travers un dédale de salles et de couloirs plus ou moins recouvertes de toiles d'araignée ; elle évita soigneusement les endroits qui en étaient couverts en abondance : les fils étaient suffisamment épais pour qu'elle s'englue dedans et toute tentative pour s'en délivrer attirerait immanquablement l'attention de la créature.

Faisant attention à ce qui pourrait venir d'en haut, elle ne prit pas garde à ce qui se trouvait à ses pieds : le sol se déroba sous eux et elle tomba dans un trou rempli de fines toiles qu'elle traversa. Tout au long de sa chute, elle poussa un hurlement de surprise et de terreur ; elle finit par aboutir à une vaste caverne dont elle vit le sol s'approcher dangereusement, à une vitesse vertigineuse. Fort heureusement, une de ses jambes fut retenue par tout un enchevêtrement de fils gluants qui freinèrent sa chute si bien que son visage se retrouvât à seulement un mètre du sol.

- Ouf ! murmura-t-elle, je l'ai échappé belle !

Elle tourna la tête - qui se trouvait donc en bas - de gauche à droite et vit qu'elle se trouvait dans une grotte de dimensions considérables, couverte de toiles d'araignée et de cocons dans lesquels étaient enfermées des créatures, certaines étant humanoïdes, et des animaux. Tous étaient plus ou moins dans un état de décomposition avancée mais certains semblaient intacts.

Alors qu'elle allait essayer de se libérer, Karla entendit un bruit sourd et vit un corps pesant et massif surgir de la pénombre. Elle sentit son sang se glacer dans ses veines car le nouveau venu - enfin la nouvelle venue - était une araignée de dimensions colossales ! Jetant des regards affolés aux alentours, elle vit l'épée fichée dans un entrelacs de toiles et de filins. Elle tendit le bras pour essayer de s'en saisir mais elle était trop loin. Si elle avait été fan de Starwars, elle aurait associé cette scène à celle où Luke Skywalker essaie d'attirer à lui son sabre-laser alors qu'il était retenu captif dans la grotte d'une sorte de yéti de la planète Hoth...

Mais Karla ne connaissait pas du tout cette œuvre et même si c'était le cas, elle n'aurait pas eu le loisir d'y penser. Shelob se rapprochait de plus en plus, se délectant à l'avance du festin qu'elle allait faire ; son dernier repas - une chauve-souris - remontait à deux jours et autant dire qu'elle avait les crocs !
Prise d'une impulsion subite, la jeune femme murmura quelques paroles dans la langue des arcanes ; cette fois il ne s'agissait pas d'une boule de feu ou d'un charme, sorts qui n'auraient eu que peu d'effets sur l'araignée - mais cela, Karla ne pouvait le savoir - mais d'un sortilège permettant d'attraper les objets à distance, autrement dit un sort de télékinésie. L'épée se dégagea de sa gangue de toile et flotta dans les airs durant quelques secondes. Au lieu de l'attirer vers elle, Karla fit tourner la lame vers l'insecte qui n'était plus qu'à deux mètres d'elle et la projeta avec la force de son esprit vers elle.

L'arme s'enfonça profondément dans la chair de l'araignée, perforant quelques uns de ses yeux,  qui poussa un glapissement. En proie à une vive douleur, elle essaya d'extraire l'épée avec ses pattes de devant, négligeant complètement la jeune femme qui réussit enfin à se libérer...

Le combat contre Shelob serait redoutable. À la réflexion, Samara se disait qu’elle aurait peut-être dû opter pour un adversaire moins fort, surtout quand elle vit Karla tomber dans une trappe, et atterrir dans une toile d’araignée. Retenue la tête en bas, elle venait de tomber dans le nid de l’araignée, qui déploya lentement son corps massif. Grosse araignée poilue, Shelob n’était vraiment pas belle, et se rapprochait lentement de Karla, tant et si bien que Samara songea à intervenir... Quand Karla réussit à soulever son épée par la magie, et l’envoya se planter dans la gueule de Shelob, faisant couiner l’araignée, qui bondit en arrière, tous ses poils se hérissant. Karla réussit ensuite à s’arracher à la toile, tombant sur le sol, et, tandis que Shelob se débattait pour retirer l’épée insidieusement plantée en elle, d’autres mandibules se firent entendre, et des araignées s’approchèrent, les enfants de Shelob. Aucune autre option que la fuite a priori, mais les araignées se multiplièrent dangereusement.

Karla réussit à sortir du nid, filant dans une galerie, les araignées de Shelob la traquant. On pouvait sentir leur rage, leur colère, car la proie s’en était prise à leur mère, et, tandis que Karla courait, elle pouvait voir, flottant dans les airs, de multiples autres cocons, témoins des nombreuses victimes de l’immondice créature. Samara, qui continuait à observer la scène à distance, savait qu’il lui faudrait probablement intervenir rapidement pour libérer Karla, et décida de la mettre encore à l’épreuve. Fermant les yeux, elle se concentra pendant quelques secondes. Malgré la distance la séparant de Karla, elle réussit à relier son esprit au sien, et lui envoya un message télépathique (MT) pour lui indiquer la marche à suivre.

*[MT] Suis ma voix si tu veux sortir d’ici. Prends à gauche, et utilise le feu pour brûler les toiles. C’est ce que tu as fait inconsciemment dans la pièce centrale. [/MT]*

Samara avait généré un Portail, qui permettrait à Karla de sortir d’ici. Tout ce qu’il fallait, maintenant, c’était qu’elle arrive à le rejoindre. Et, pour ça, Samara la guidait à distance, espérant surtout que la jeune démone ne paniquerait pas trop, et réussirait à s’en sortir en un seul morceau...

Les cris de douleur de l'araignée colossale se répercutèrent dans les galeries et bientôt, à la grande horreur de Karla, d'autres arachnides, de taille plus réduite toutefois, accoururent sur les lieux de l'affrontement : les enfants de Shelob, répondant à l'appel de leur mère, venaient à sa rescousse.

Même si la jeune femme avait une arme, elles étaient beaucoup trop nombreuse pour qu'elle puisse les affronter. Aussi, choisit-elle la seule option valable en cette circonstance : la fuite. Karla fit donc demi-tour, se frayant tant bien que mal un passage à travers l'enchevêtrement de toiles qui ralentissaient sa progression ; les araignées, toujours à ses trousses, n'en étaient nullement gênées et gagnaient du terrain sur elle.

Au détour d'une galerie, Karla entendit une voix dans sa tête, celle de Samara :

*[MT] Suis ma voix si tu veux sortir d’ici. Prends à gauche, et utilise le feu pour brûler les toiles. C’est ce que tu as fait inconsciemment dans la pièce centrale. [/MT]*
* [MT] D'accord ! [MT] * répondit-elle sur le même mode. Ce qui l'étonna un peu car jusqu'ici elle n'avait jamais communiqué par télépathie. Bien entendu, ses diverses pérégrinations lui avaient permis de recouvrer une fraction des pouvoirs qu'elle maîtrisait quand elle était Krynyss la Succube mais qu'elle avait oublié depuis sa punition par Malcanthet. La télépathie était l'un d'entre eux.

Elle tourna donc à gauche comme lui avait indiqué Samara et tomba sur un os : le couloir était couvert de toiles d'araignée !

- Les brûler... murmura Karla. Elle devait faire vite car les enfants de Shelob se rapprochaient dangereusement, avides de venger leur mère blessée par cette intruse. Les brûler ! répéta-t-elle, d'une voix rauque. Quelque chose surgit des tréfonds de son âme, quelque chose de profondément enfoui, quelque chose qu'elle avait oublié du fait de son amnésie et que l'ordalie avait plus ou moins réveillé.

Ses pupilles devinrent de minces fentes de couleur dorée tandis que l'air autour d'elle devint chargé d'une odeur de soufre. Comme en transe, elle leva la main gauche et traça dans les airs un cercle invisible tout en prononçant d'étranges paroles. La température aux alentours augmenta et les premières araignées qui arrivèrent à portée d’œil de Karla se mirent à glapir, sentant que quelque chose d'inhabituel était sur le point de se produire.
Au-dessus de la belle un gigantesque cercle constitué de flammes apparut et bientôt deux grandes mains griffues en surgirent, qui en  agrippèrent les contours. Une tête massive apparut, issue des plus horribles cauchemars : écarlate, elle avait une gueule massive garnie de crocs, était ornée d'une belle paire de cornes et avait des yeux brillant d'une intelligence malveillante...

La créature sortit, dévoilant ainsi un corps massif et musculeux. Elle était tellement grande qu'elle devait se baisser un peu pour ne pas se cogner au plafond. Elle déploya alors d'immenses ailes de chauve-souris qui occupèrent toute la largeur du couloir. Poussant un rugissement assourdissant, elle fit apparaître un linceul de flammes qui recouvrèrent son corps et qui brûlèrent toutes les toiles aux alentours mais qui ne firent aucun mal à Karla, qui semblait toujours en transe.

La jeune femme venait d'appeler l'un des plus puissants habitants des Abysses : un Balor !

Le Tanar'ri matérialisa dans chacune de ses mains une arme à l'aspect peu engageant : un fouet fait de flammes et une épée au tranchant aussi aiguisé qu'une lame de rasoir. Ivre de carnage, le démon s'engagea dans les galeries, brûlant les toiles sur son passage, attrapant les araignées avec son fouet avant de les attirer dans son linceul de flammes ou de les fendre en deux avec son épée. Les cavernes retentirent des échos du combat et des hurlements du démon. Quant à Karla, elle sombra dans l'inconscience, comme si elle avait été épuisée par le lancement de son sortilège.

Lorsqu'elle reprit ses esprits, le silence régnait à nouveau dans les cavernes. Se relevant, elle vit que les couloirs n'étaient plus obstrués par les toiles ; il ne subsistait de ces dernières que quelques filaments qui achevaient de se consumer. L'odeur de décomposition avait disparue et seule une odeur de brûlé se faisant sentir.

- Qu'est ce qui s'est passé ?! demanda-t-elle, interloquée. Elle se souvenait que des araignées la poursuivaient puis plus rien, le néant. Le message télépathique de Samara lui revint en mémoire, aussi s'avança-t-elle résolument vers l'endroit qu'elle lui avait indiqué, remettant à plus tard les questions qui se bousculaient dans sa tête.
La progression fut facile : plus de toiles pour la ralentir, plus d'araignées à ses trousses pour la presser. Elle arriva bientôt en vue d'un portail scintillant : sans nul doute la sortie dont lui avait parlé Samara. Juste avant de l'emprunter, elle vit, parmi les décombres calcinés, quelque chose briller. Se baissant, elle ramassa une dague finement ciselée, ornée de pierres précieuses et dont le pommeau était une serre d'oiseau (ou de dragon ?) empoignant une perle noire dans laquelle scintillait des petits points lumineux ; la lame, d'un bel argent brillant, dégageait une lueur bleutée.

- Une dague magique ! s'écria-t-elle, toute excitée. Ce ne pouvait être que ça car les quelques autres armes aux alentours étaient complètement calcinées, l'acier des lames avait fondu ou était tordu comme s'il avait été soumis à une très haute température.

Ravie de sa nouvelle acquisition, elle la passa à sa ceinture et franchit le portail.

Combattre Shelob était un redoutable problème, et Samara réalisait maintenant, avec le recul, qu’elle en avait peut-être trop fait. Suivant de près Karla, elle percevait aussi la présence des autres araignées. Malheureusement, le chemin était difficile d’accès, car Karla se retrouva devant un couloir entoilé. Samara se prépara alors à intervenir en personne... Lorsqu’elle perçut une puissante magie émaner du corps de Karla.

« Qu’est-ce que... ?! »

Samara cligna des yeux, surprise, et sentit la magie émaner du corps de Karla... Puis une énorme aura magique apparut dans le couloir.

*C’est impossible ! Comment peut-elle invoquer une créature sdans sceau, sans rituel ?!*

Il n’y avait qu’une explication possible : Karla avait dû se lier, dans le passé, à la puissante créature démoniaque qui émergea. Un massif Balor apparut, déployant un fouet enflammé et une redoutable épée faite de glace dans l’autre main. Les balors étaient des démons très puissants, qu’on trouvait généralement en tant que gardes du corps ou champions de guerre infernaux des puissants Princes et autres grands-démons infernaux. Le balor enflamma le couloir, dispersant les toiles, puis se tourna contre les Enfants de Shalob, et déploya encore sa magie, hurlant rageusement, pendant que Karla, inerte, était protégée par le monstre.

Le balor repoussa les araignées, lançant d’épaisses boules de feu qui les vaporisaient sur place, et continuait à se battre avec la même fougue. Et, quand Karla revint à elle, elle constata, avec désarroi et surprise, que ses poursuivants étaient morts, et qu’une forte odeur de brûlé régnait dans le couloir. Samara, qui avait vu tout ça à distance, ne put évidemment qu’en être que surprise.

« Comment a-t-elle pu  invoquer ce Balor ?
 -  Un Balor ? Elle en est capable ? s’étonna Kazuha.
 -  C’est ce que je viens de voir, oui... »

Quel était donc le passé de cette femme ? Quelles alliances avait-elle noué pour réussir ce tour de force ? Le balor l’avait protégé sans demander son reste, de sorte qu’il était bien à ses ordres, et non juste un démon invoqué dans le cadre d’une invocation, qui accomplissait une prestation en échange d’une prestation qu’il estimait équivalente. Samara se retourna finalement vers son miroir. Karla apparut brusquement, et se retrouva devant les deux femmes.

Fronçant lentement les sourcils, Samara la regarda. Elles étaient toutes les trois dans une grande pièce, très agréable, avec un lit à baldaquin sur le côté.

« Tu es très étonnante, Karla... Je le dis très sincèrement. Comment est-ce que tu as fait ? »