" D'accord. " répondit Grayle en la regardant se transformer, ne perdant pas une goutte du spectacle. Puis, avec soin, il reprit ses affaires, enfilant la sacoche, le sac, et le fourreau de l'épée, rabattant la capuche sur son visage. Le tout enfilé, on ne voyait de lui, encore une fois, que ses deux yeux et quelques mèches de brunes. Il regarda la louve quelques instants.
" Je t'avoue que je n'ai pas l'habitude de chevaucher ce genre de monture. " dit-il, avant de se hisser sur son dos, poussant un "wooo... " lorsqu'elle se redressa. Il prit une bonne vingtaine de secondes à bien se mettre en place, cherchant une position stable pour lui et qui ne gênerait pas Shad. Elle fit quelques pas, afin qu'ils puissent vérifier s'il tenait en équilibre, avant de trotinner en rond dans la grotte. Pneché en avant, il agrippa à la fourrure de Shad, ne tirant pas les poils, mais la tenant à la base de sa peau.
" Vu le blizzard, on ne serait peut-être même pas en mesure de se comprendre. Si tu sens que je tire plus fort vers la droite (il agrippa plus fortement la fourrure, la faisant grogner), ou la gauche, c'est qu'il faut aller dans cette direction. Je serais tes yeux pour ce qui se passe derrière nous. ok ? "Elle hocha la tête.
" Bien. Alors... en route, et à tout à l'heure. "Shad et Grayle (enfin, Shad) fit quelques pas, se positionnant devant la sortie de la grotte. D'un coup, elle s'élanca vers le mur de feu, qui disparu au dernier moment.
Le froid.
Le vent.
Grayle s'y était attendu, mais c'était encore pire que ce qu'il pensait. C'était une vraie tempête, un ouragan glacial qui lui fouettait le visage. En un instant, ils furent couverts de neige.
Etre ses yeux ? AH ! Il ne voyait rien à cinq mètres !
Malgré ca, malgré la violence du vent et du froid qui mordait et brûlait Grayle, Shad s'élanca, vive et puissante, vers la gauche. Un rugissement se fit entendre et ils virent une forme noire à travers le brouillard. Grayle en avait le corps qui vrillait, et la première impulsion de Shad manqua de le désarconner. Un énorme fracas se fit entendre alors que le montre pulvérisait l'entrée de la grotte derrière eux, leur laissant un peu d'avance.
Grayle avait déjà chevauché des chevaux, d'autres créatures plus exotiques et même des motojets. Mais la sensation de vitesse dégagée par Shad, lancée dans une course folle à travers les pentes neigeuses, était incroyable, grisante même. Il lanca un hurlement libérateur qui, dans le blizzard rugissant qui les suivaient, fut totalement inaudible. La vue était déjà un peu plus dégagée alors qu'ils tournaient le dos à l'horreur qui les poursuivaients. Arbres, souches et roches défilaients devant leurs yeux, Shad changeant souvent brutalement de direction face à un obstacle surgissant par surprise.
Grayle se retourna à un moment. Il ne distingua rien derrière eux.
Seulement le bruit des arbres se faisant pulvériser.
La course poursuite dura un temps indéfini. Le vend froid, la neige, le bruit, la course effrénée de la louve, tout se mélangeait dans un torrent de sensations. Mais Grayle, qui n'était au final qu'un humain, malgré tout son équipement, malgré les affres des éléments, tint le coup, les yeux exorbités pour se concentrer. Il ne tombait pas. Au contraire, même, son corps épousait de plus en plus les formes et les gestes du corps lupin sous lui. Son destin était entre les mains de Shad, et il faisait tout son possible pour ne pas être une gêne. Le vent fouettait ses yeux. Il voyait distinctement le pelage noir et bleue de la louve et les arbres, qui semblaient voler vers eux.
Puis, d'un coup, les plaines.
Dans une brutale transition, ils sortirent de la forêt. Devant eux, un immense lac, gelé, et les montagnes. Un paysage vide, brutalement vide et solitaire, mais magnifique.
Il sentit Shad hésiter, un tout petit instant, avant qu'elle ne reprenne sa course. Elle fatiguait. Il le savait. La course-poursuite durait maintenant depuis presque une demi-heure. Grayle se retourna, et flatta sa monture entre les deux oreilles.
Ils gagnaient du terrain !
Sur la plaine, sans les obstacles et les changements brutaux de direction, Shad gagnait du terrain ! Elle était plus rapide ! Rapidement, ils prenaient de l'avance. 40 mètres. 50 mètres. 100 mètres. 150 !
Ils serait bientôt face au lac, et il savait que Shad hésitait à le contourner ou à continuer tout droit. Il cria.
" TOUT DROIT SHAD ! IL EST PLUS LOURD ! IL NE POURRA PAS LA TRAVERSER ! "
Enfin... il fallait l'espérer. Il s'époumona. D'un seul coup, sa voix, douce et claire, devint grave et roulante comme le tonnerre, la voix d'un homme ayant adulte et fort, d'un vétéran de la vie.
" JE SAIS QUE TU PEUX LE FAIRE ! "