Il fallut attendre un certain temps. Quiet aurait pu crocheter la serrure, mais elle laissa Vanessa user de ses pouvoirs. La tueuse en profitait pour regarder nerveusement autour d’elle, peu rassurée. Le temple n’était qu’un masque, dissimulant le véritable refuge de La Main, un souterrain. Un bunker enfoui sous terre, datant de l’époque de la guerre. Qui sait ce qui les attendrait derrière ? Quiet n’était pas spécialement nerveuse, elle se contentait d’attendre, attentive, vigilante, comme à son habitude. Toujours sur la défensive. Vanessa pouvait s’attrister de ne pas savoir grand-chose sur elle, mais les Widfow étaient, par définition, des personnages difficiles à lire. On avait lavé leurs cerveaux, inhibé leurs émotions, de manière à ce qu’elles ne ressentent rien, et ne puissent faire preuve de la moindre empathie.
Quiet vit finalement la lourde porte s’ouvrir, dans un antique grincement, et elle s’avança rapidement. Les deux femmes plongèrent dans la pénombre, ce qui, au demeurant, ne dérangeait pas spécialement Quiet. La femme avait subi de multiples expérimentations génétiques, qui lui avaient notamment offert la faculté de voir dans la nuit. Nyctalope, elle s’avança donc, laissant le soin à Vanessa d’utiliser sa lampe-torche. Il y avait bien d’antiques ampoules, mais le courant avait été coupé depuis belle lurette.
Rapidement, une odeur de mort agressa les narines de Quiet, qui vit plusieurs cadavres au sol. Le bunker avait été reconverti en une sorte de temple pseudo-shinto, mais jonché de cadavres. Elle s’approcha du plus proche corps, qui avait été égorgé, et vit que dle sang était encore récent. Quiet entendit alors des bruits de combat et des grognements venant des tréfonds du bunker, et se dépêcha de descendre une volée de marches, s’enfonçant dans les méandres du bunker. Elle traversa l’ancien dortoir militaire, où d’autres corps jonchaient le sol. Avec un peu de chance, il s’agissait du tueur qui avait réalisé cet étrange tableau là-haut.
La tueuse avançait rapidement, usant de ses facultés surnaturelles pour se déplacer à une vitesse surnaturelle, devenant alors invisible. Elle rejoignit ainsi une grande pièce, où elle vit un ninja de La Main s’envoler en arrière, et s’écraser violemment contre un mur, sur sa gauche.
La femme s’arrêta sur le palier et écarquilla les yeux devant le spectacle atypique se tenant devant elle.
Il y avait
un homme blanchâtre, torse nu, portant une cagoule, et avec des yeux sanguinolents, qui manipulait une espèce boule de sang entre ses mains. Et cette boule était reliée à de multiples corps gisant au sol. Ainsi, le ninja qui avait été repoussé contre le mur se mit à gémir et à grogner, quand du sang jaillit de sa poitrine, filant vers la boule. La pièce était ainsi traversée de lignes sanguines émanant des suppliciés, que le mystérieux individu manipulait.
«
L’art... Une chose si délicate, si belle, si précieuse... »
L’homme avait une voix sinistre, pâle. Quiet pointa sur lui son fusil à lunette, vigilante et attentive, prête à faire feu au moindre mouvement suspect, pendant que Vanessa approchait également.
«
Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit : » Souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d’effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible... »
De sa voix sinistre, l’homme était en train de raconter l’un des plus célèbres poèmes de Charles Baudelaire, «
L’Horloge ».
Quiet, elle, regardait autour d’elle les corps suspendus en l’air, plaqués au sol ou contre les murs. La boule sanguine continuait à onduler et à se déplacer, effectuant de multiples rotations sur elle-même.
Et elle avait un très mauvais pressentiment...