L'incompréhension sur son visage. Son élève ?.. C'est bien la dernière chose qu'il s'attendait à voir en cette étrange fin de nuit. Puis le collier. Son cœur flanche une première fois. Enfin, Yamiha apparaît, et on aurait juré voir Siegfried tressaillir. Son esprit rationnel à l'extrême ne cesse de se demander : Pourquoi est-elle debout à cette heure improbable, en même temps que lui ? Comment est-elle venue dans son monde ? Comment connaît-elle sa langue ? Alors il rejette en bloc la possibilité que tout cela soit vrai. Il ne pense qu'à essayer de convaincre sa perception qu'il est dans un rêve, ou travestit la réalité, et qu'il faut absolument qu'il parvienne à s'en sortir. Mais avec tous les efforts du monde, la chose est impossible.
Un flocon de neige frappe sa joue.
-Tu es un rêve. Tu ne peux pas être réelle.
Une nouvelle fois, il n'affirme pas mais essaie simplement de s'en convaincre. Le vent fait frissonner sa peau. Lui qui pensait ne pas craindre le froid se surprend à frémir, tournant un instant la tête vers sa porte d'entrée afin d'y retourner. Hors de question. Il ne doit pas commencer à croire à cette hallucination. Il doit lutter.
-Ich bin kein Gott, se contente-t-il d'affirmer. Pourquoi dire le contraire de ce qu'il hurlait lorsqu'il la baisait ? Peut-être parce que dans cette réalité, il a conscience de ce qu'il est réellement, contrairement à l'empire onirique qu'il gouvernait et où il pouvait prétendre être plus qu'un simple mortel.
-Ich auch nicht, murmure une voix âgée à son épaule. Si tu ne l'es pas, pourquoi le serais-je ?
-Seien Sie still !
Yamiha voit-elle le trouble dans lequel il est plongé ? Elle le voit bien pester contre quelque chose d'invisible. Encore un flocon.
-Il ne neige pas en été ici, Père.
Le vent se fait soudain plus chaud. De légers filets de sable volent autour d'eux. L'allemand soupire. Lorsqu'il veut plonger ses doigts dans la poignée que lui tend Yamiha, c'est dans la glace qu'il touche, aussitôt remplacée par le sable originel. Rien ne se passe. Il espérait un contact mystique, comme si le prendre avec l'aide de la princesse pouvait déclencher une épiphanie de son troisième œil, immédiatement ouvert et à son plein potentiel magique. Pourquoi ? Qu'est ce qu'il fait mal ? Est-ce que son créateur cherche à lui prouver qu'il n'a rien de particulier ? Est-ce une tentative de rabaissement ?
Il veut prendre les choses en main. Il a besoin des rênes pour se sentir bien. Il frappe dans le poignet de Yamiha, éparpillant les grains clairs sur le goudron. L'orientale devra ensuite encaisser une gifle.
-Prouve-moi que tu es réelle.
Elle n'a pas le temps de répondre qu'il lève la main pour une seconde claque. Il n'ira pas au bout néanmoins. On le voit pensif, comme calmé. Il sait qu'il n'a qu'une solution.
Sa queue. Elle aussi est plus que réelle. Elle est exactement comme dans les souvenirs de Yamiha. Peut-être un peu moins en forme, mais déjà bien éveillée – la violence a cet effet-là sur lui. L'Hauptsturmführer est toujours autant esclave de ses pulsions sadique et elle peut le constater pleinement lorsqu'il lui attrape les cheveux sèchement, faisant pencher sa tête sur le côté.
-Je ne sais pas pourquoi il t'envoie. Je ne sais pas pourquoi il me fait ça. Et si tu existes, je ne sais pas non plus pourquoi il t'inflige ça à toi. Regarde !
La lâchant un instant, il se retourne afin qu'elle puisse constater le tracé sur ses reins. Honteuse. Il refuse d'être marqué par quoi que ce soit. Le « A » sur son biceps témoigne déjà de l'étiquetage d'abattoir dont il a été frappé. Aussitôt revenu face à elle. Il empoigne de nouveau sa chevelure. Il ne compte pas la forcer à sucer, non. La contemplant, sa main fait de lents va-et-vient sur sa queue. En pleine rue. Comme si le monde n'existait pas.
-Le monde existe pourtant, mon fils.
-RUHE !
Il la fixe. Il se mord la lèvre. Sa main accélère.
Et les grains tremblent.
Un sursaut d'abord, puis comme si la chaussée était traversée par un troupeau, ils se soulèvent et retombent dans un rythme chaotique, dans le silence le plus total. Il finissent par se réunir. Le plus lentement du monde, la flaque de sable dispersée et la traînée qui salit son appartement et son palier s'assemblent en un unique serpent, long, qui commence à bouger.
Il ne remarque pas ce qu'il est en train de faire. Il n'a pas conscience. Hors de lui. Tenant Yamiha, elle ne peut ni avancer vers son sexe pour l'avaler, ni se détacher de l'emprise que celui-ci exerce par sa dangereuse proximité.
Mais elle, elle voit le reptile blanc s'élever. Il entoure Siegfried comme un halo satanique et menaçant. Une couronne informe qui témoigne de sa royauté. Il possède, de manière abstraite, le trône sur lequel elle se reposait avant.
Le serpent disparaît. S'écroule. Se reforme. Glisse au sol. L'entoure elle. Siegfried voit son pouvoir.
-Suce-moi. Fais-moi jouir.
Ce n'était pas une demande, malgré le ton relativement doucereux. C'est un ordre qu'il va la forcer à exécuter, tout du moins pour la première intromission. Il lève les yeux au ciel. Le plaisir est déjà inouï. Il sait qu'il rêve. Plus bas, le sable caresse les cuisses de Yamiha, et d'abord fluide comme de l'eau, s'immisce dans ses parties intimes, en épouse la forme, glisse dans chaque sillon de sa chair, les excite ; soudain solide comme de la chair, il entre en elle, la pénètre, envahit son con. Son cul n'est pas en reste, et subit la même invasion, cependant moins épaisse. Comme toujours, le sable est doux comme la peau de celui qui le maîtrise : Nulle abrasion, juste le sentiment de membres qui la pénètrent, indécis et traînants, néanmoins sauvages et fous de désir.