Toujours coupée de son monde, Navlys tentait de se faire à l'idée qu'elle n'y retournerait probablement jamais. Elle s'installa dans une forêt à la frontière des différentes nations de Terra, une zone neutre et calme très peu peuplé. Cette verdure dense et sombre formait un abris parfait pour la demoiselle qui s'y sentait presque chez elle. En effet, les seules visites que l'avatar reçut jusqu'à présent résultèrent de quelques passages furtifs d'individus préférant rester dans l'ombre et éviter la grande route à quelques kilomètres. D'ailleurs, on ne pouvait pas réellement parler de rencontre puisque, généralement, la fuite était la réaction favorite de ces quelques aventuriers ! Il faut dire que le lieux avait très mauvaise réputation et que ce chemin créé il y a des centaines d'années faisaient certes un très long détours pour contourner la végétation mais procurait ainsi une sécurité certaine. Pourquoi vous demanderiez-vous ? Pour la simple et bonne raison qu'on considérait cette forêt comme maudite ! Explorateurs, guerriers, prêtes, avatar et même quelques dieux furent attirés par sa notoriété néfaste mais rien n'y fit. Peu importe l'action de ces protagonistes, la zone persistait dans sa défiance et sa noirceur impitoyable. Ainsi, quiconque y pénétrant risquait jusqu'à sa vie...
Toutefois, la nature si particulière de la sadida lui permit de s'y établir. L'avatar étant plus végétale qu'humaine, elle s'attira les bonnes grâces des esprits de cette forêt qui voyait en elle une âme à accueillir et à protéger de l'extérieur. Un paradoxe qui pousserait très probablement divers chercheurs et mages à enquêter sur cette sympathie évidente alors que les plantes se montrèrent de tous temps agressives envers la population, même environnante. Cette "malédiction" était en réalité un système de défense communautaire pour protéger la nature et la végétation du monde qui l'entoure. Ainsi, les arbres, les fleurs et les plantes s'organisaient toujours de sorte à afficher le portrait le plus infâme possible pour repousser tout visiteur "non-accepté". Oui, la flore se mouvait, se déplaçait, se transformait même parfois... Cela dépendait du type de pousse et des besoins de cette communion. Ainsi, il n'était pas rare de constater des erreurs sur les cartes ou des changements entre deux passages concernant cette vaste verdure. Quelques mètres de plus au sud, une dizaine d'hectares grattés à l'est, un bosquet disparut à l'ouest... Cela ne faisait que renforçait la crainte populaire de cet endroit qu'on nommait selon les envies : la forêt mouvante, le sable vert maudit, nature maudite ou encore... Jen'atditas.
N'ayant pas connaissance de tout cela, Navlys s'aventura dans cette direction trois mois plutôt alors que les premières neiges tombèrent sur la terre fraîche de ce monde. Seule et à bout de force, la jeune femme s'écroula à la bordure de son désir. Hésitant les premiers jours, les arbres lui avaient finalement offert leurs chaleurs et s'occupèrent d'elle le temps que Navlys récupère ses forces mais elle enchaîna aussitôt avec son hibernation annuelle en constatant son cocon d'écorce. Sa magie mêlée à celle de cette nature sauvage permirent en effet à la sadida de trouver refuge dans l'un des troncs les plus anciens de Jen'atditas qui rejoignit ensuite le centre de la forêt pour permettre à l'avatar de se sentir chez elle lors de son réveil qui approchait maintenant à grand pas. Les esprits l'avaient accepté en voyant son état et sa constitution végétale. L'arbre qui la portait s'attacha également à la petite plante et veilla à ce qu'elle ne manque de rien durant son long sommeil, interrompu uniquement quelques minutes pour se repaître des baies que son hôte lui dédiait en abondance. Son repos arrivait bientôt à son terme compte tenu de la disparition de l'épaisse neige alors que les premiers bourgeons commençaient à sortir.
Toutefois, un nouvel intrus fut détecté en bordure de cet havre de paix pour toute entité de la nature. Cette annonce se diffusa rapidement à travers les vastes hectares de Jen'atditas qui réagit en conséquence, formant ainsi son périmètre et modifiant son aspect à chaque nouveau pas de l'étrangère dans ce lieu. L'individus au féminin était une elfe à la peau très blanche qui semblait avoir l'habitude des arbres et autres végétales. Néanmoins, cette forêt refusant tout être de chair excluait également les elfes des bois. Très vite,
l'atmosphère entourant l'intruse devint oppressant et malsain pour l'empêcher de continuer. Les troncs prenaient des
formes terrifiantes sans qu'elle ne puisse les voir bouger. Les bruits se mêlèrent ensuite à sa vision pour la tourmenter d'avantage sous forme de craquements et de sifflements douteux.
Tout dans cette forêt voulait son départ mais l'elfe se mit à courir, déterminée à continuer sa quête. Se ruant à travers les branches, les feuillages et tout ce que les plantes pouvaient lui donner comme obstacle, les racines se mirent à leur tour à tenter leur chance et une énorme s'agrippa à la jambe droite de la jeune femme avant de reprendre une forme suggérant qu'elle ne l'avait tout simplement pas vu. Le mystère et la fourberie étaient nécessaires pour la continuité de Jen'atditas qui avait conscience que ses manifestations magiques attireraient beaucoup plus de monde si elles surpassaient le domaine de la rumeur et des superstitions des villageois. À terre, l'étrangère fit maintenant face à l'arbre contenant Navlys qui commençait tout juste à s'ouvrir pour libérer le corps presque entièrement dénudée de l'avatar. Le timing horrible pour ce lieu força les plantes alentours à capter l'attention de l'intruse en vain : le tronc craquelant libéra une lumière si pure et si resplendissante qu'elle envoûta le regard de l'elfe qui se remettait timidement sur ses pieds. La sadida apparut alors dans un aspect presque divin, baignant dans ce rayonnement magnifique. Encore plus ou moins endormie par son hibernation, la petite enveloppé dans ses longues feuilles recouvrant ses parties intimes se contenta de descendre délicatement de ce transport atypique.
Face à ce dilemme très gênant pour la flore locale, quelques plantes reprirent leurs couleurs plus chaleureuses pour accueillir leur nouvelle amie tandis que d'autres conservaient un aspect oppresseur et mortifié dans le but d'effrayer l'elfe. Ce mélange contradictoire et bouleversant n'atteignit pas Navlys qui s'étirait comme la grande feignante qu'elle a toujours été. Coutume de sa divinité, le réveil faisait partie des choses les plus redoutés des sadidas ! Elle se mit alors à bailler fortement avant de vraiment ouvrir les yeux qui s'arrondirent grandement en voyant la jeune femme devant elle. Sa bouche s’entrouvrit également sans prononcer ce petit son d'étonnement qu'un 'o' représente si bien. Sans plus attendre, son visage s'égailla et Navlys se jeta dans les bras de l'inconnu pour l'enlacer dans une joie éternelle tout en lui disant :
«
Merci de m'avoir accueilli ! Vous êtes vraiment gentille vous savez ! Je me demande combien de temps j'ai dormi dis-donc ! C'était si agréable de me faire un tronc comme celui-là ! D'habitude, je prépare toujours mon... ooh... Tient... C'est bizarre, non ? »
Tout en s'écartant, la disciple de sadida regardait maintenant autour d'elle et constatait ce contraste troublant entre le bonheur et le désespoir. D'un regard interrogateur, la jeune plante attendait une explication de cette pauvre femme qui devait n'avoir aucune idée de ce qu'il se tramait ici....