Le ciel était sombre. Non qu’il eût été naturellement sombre, non, en cette douce journée au ciel dégagé, selon la météo, que le vent pourrais parcourir doucereusement, et faire profiter aux citoyens de la ville d’un agréable soleil d’or, voila qu’il était clairement affirmé que la météo mentait pleinement, et pour le dire, il suffisait de lever les yeux vers le ciel ou de se trouver tout simplement en dehors de son logis ; car le ciel était empli de nuages sombres qui semblaient avancer vers une direction unique, et le vent qui parcourait la ville, froid, glacé, violent, n’avait rien d’une douce brise automnale, malgré les protestations du gouvernement à l’institut météorologique. Mais même le premier ministre en vigueur ne pouvait se douter que se phénomène n’était pas naturel. C’était Lui, l’alchimiste des ténèbres à l’œil de sang, qui provoquait ce bouleversement climatique ; Il n’avait pas l’habitude d’utiliser à ce point son alchimie, mais il traquait. Oui, il traquait, un jeune homme, un jeune homme aux capacités intéressantes. Son unique œil visible, l’œil droit, un globe oculaire sans pupille, entièrement et profondément rouge, balayait la ville.
Il était au dessus d’un chêne, haut sur son promontoire, toujours habillé proprement à son style, et ne bougeait pas. De sorte qu’on aurait pu le confondre à une statue fichtrement bien réalisé, de films de fictions ou d’horreur, tel qu’il était, son long manteau noir dans le vent, son œil brillant d’une lueur écarlate, sa longue mèche masquant l’horreur de son œil gauche, ses deux katanas et ses multiples ceintures dotées d’éprouvettes, et autres tubes à essais. Mais toutes personnes ayant levé la tête vers lui n’aurait pas fait attention à l’individu quelque peu particulier qui se tenait dissimulé dans le feuillage important d’un chêne, mais plutôt au vortex sombre que formaient les nuages dans le ciel. C’était sa stratégie habituelle, ses yeux craignant la lumière, moins il y en avait, plus il voyait. Mais pour le cas présent, et pour la majorité des cas, son œil gauche était hors-jeu. Car son œil gauche ne devait pas, oui ne devait pas, et ne devrait jamais, être exposé à une trop forte luminosité. Et révélé, il promettait bien pire que la mort à celui qui en découvrait l’horreur. Mais il n’était point venu pour tuer, oh que non. Après la réunion très intéressante qu’il avait connue avec le professeur Sekhmet et le docteur Ursoë, il lui devenait évident qu’il devait se trouver un assistant, pour avoir un regard neuf, autre que le sien, pour créer son homoncule. Et c’était la raison de sa présence et des tourments qu’il faisait subir au monde. Il cherchait. Et il avait trouvé.
La personne qu’il avait trouvée était un jeune humain bien particulier. Pourquoi CET homme, il n’en savait pas encore grand-chose. C’est pourquoi il viendrait lui-même, en personne, en face de cet homme bien étrange qui avait attiré son regard depuis les profondeurs des ténèbres. Le fait qu’il soit aussi immobile qu’un parcmètre planté dans un parking ne signifiait pas grand-chose. Outre ses yeux qui scrutaient les alentours, ses autres yeux parcouraient déjà le ciel : il n’avait jamais rien fait d’inutile, et il le prouvait encore une fois. Le corbeau qu’il avait créé dans une triple violation des règles de l’univers, volatile doté d’une paire d’yeux similaires à son œil visible, parcourait le ciel, lançant des croassements lugubres, qui collaient bien avec le vent froid et puissant qui déchirait la ville. Les arbres étaient agressés par ces bourrasques, et les feuilles voletaient en tout sens, projetées un peu partout, et une telle violence élémentaire, malgré le Premier Ministre qui hurlait dans le récepteur de son téléphone fixe sur le directeur général du centre national de météo, forçait les gens à se réfugier dans les abris à portée. De quoi montrer la puissance de la nature par rapport à l’homme. Et Lui, me direz-vous ? Il n’était pas humain, et on ne pouvait même pas dire qu’il en avait totalement l’apparence. Son corps dans l’ensemble, et sa taille, étaient humaines. Tant qu’on excluait ses yeux de sang et la teinte terne et cadavérique de son corps, on pouvait encore avoir l’illusion qu’il était humain. Ce qu’il était, personne ne le sait. Ni vivant, ni mort, ni dieu, mais ayant besoin d’un assistant.
Bref, en étant parfaitement conscient de causer du tord à quatre vingt dix huit pour cent de la population active, et même non active, les sans domiciles fixes étant usagers des espaces non lotis, et des rues en général, ne devaient pas être très contents lorsque des lames de vent s’en venaient précipiter les cartons qui leur servaient d’habitat naturel au fond d’une rivière, ou les emportait sur des kilomètres et à des mètres d’altitude. Mais il ne se souciait guère de quelques clampins, combien seraient-ils à mourir ; Ses propres objectifs comptaient bien plus pour lui que la survie économique, comme autre, de cette ville. Il y avait par ailleurs un enfant qui s’était abrité sous son chêne, depuis lequel il surveillait le périmètre. Un jeune garçon apeuré par le vent qui poussait des lamentations déchirantes en se brisant sur le mur, un jeune garçon qui tremblait quand grondait le tonnerre ou qu’un éclair déchirait les cieux. Son regard tomba sur ce pitoyable semblant d’existence, si fragile, si faible. Un simple mouvement de main, un simple geste, et l’insecte serait balayé comme n’importe quelle feuilles, n’importe quelles brindilles, n’importe quel grain de sable, et cela le plus froidement possible. Son expression faciale restait impassible, et le resta lorsqu’il fit un geste dédaigneux de la main, comme s’il chassait une mouche. Ce geste, une transmutation directe de la lourde branche au dessus de l’enfant, fit tomber la branche. Puis la branche devint roche, et avec un craquement horrible, elle s’abattit sur un enfant dont la seule erreur avait été de se trouver juste en dessous de lui. C’était tout.
L’enfant ne retournerait plus jamais auprès de sa mère. Ce qui n’empêcha pas Son corbeau, son regard, son messager, de revenir avec un croassement lugubre, et bien d’autre, apporter les nouvelles de son observation. Concluante. Il décida donc de faire le reste lui-même. Gardant son corbeau bien placé sur sa main, il se laissa tomber de son perchoir. Et il descendit lentement, très lentement, comme si la gravité n’était pas la même pour lui que pour le reste de la planète. L’alchimiste, dans sa chasse, utilisait bien des pouvoirs. Mais cela n’était pas vain. Dans cet univers sombre, de chaos, de mort et de ténèbres, il était dans son élément. Le vent soulevant aléatoirement son long manteau noir, ébouriffant ses cheveux, sans pour autant soulever sa mèche, qui gardait vaillamment ses positions. Il s’avança dans le souffle et les pleurs du vent, les bruissements des feuillages des arbres, vers un objectif que de toute façon il connaissait depuis belle lurette. Mais il semblait … Il semblait que son corps s’effaçait … Oui, il devenait transparent, et finit même par disparaître … Pour réapparaître toujours immobile quelques mètres plus loin. Il était rare que lui, Xatiav, ne marche. Très rare. Il avait cependant repéré le jeune garçon qui s’en venait quelques mètres plus loin, vers lui. Jeune homme qui ne s’attendait pas et qui ne se serait jamais attendu à rencontrer un être aussi étrange que lui sur sa route. Mais pour lui, Xatiav, aussi, il lui arrivait d’être surpris par des faits imprévus ; imaginez que soixante ans auparavant, il rentre chez lui après une dure journée ç présider une assemblée de vieux gâteux, et qu’il revienne chez lui dans la paix de l’alchimie et qu’il trouve étendue sur ses notes de recherches une jeune fille nue, une de ses camarades de classes. Il avait mis près d’un mois à s’en remettre, bien que la surprise ait été à l’époque, assez agréable. Le fait était que n’ayant pas prêté d’abord attention à son lit, mais aux jurons proférés à l’encontre des autres membres du conseil, il avait manqué la crise cardiaque lorsque sa camarade le salua.
Mais cette anecdote remontait à soixante sept années auparavant, et actuellement, plus rien ne pourrait le comparer à celui qu’il était avant. Et maintenant, il avait déjà créé un homoncule, Nereid, qui était allée parcourir le monde et avait trouvé un maître avec qui rester jusqu’à sa mort. Ce maître, c’était Missy Otehima, princesse vampire de son état. Pour parler franchement, il se foutait complètement de qui serait le maître de Nereid. Pour l’instant, c’était ce jeune homme qui l’intéressait. Non qu’il soit homosexuel, mais il avait besoin d’un assistant et pas de n’importe qui. A l’approche du jeune homme, le corbeau dirigea lentement sa tête vers celui-ci. Il étendit ses ailes, lança un croassement encore une fois lugubre, et s’envola, toujours en croassant lugubrement. Il se posa sur un arbre adjacent, dépourvu de l’intégralité de son feuillage fragile par la force du vent. Sa regard écarlate et sans pupille se riva dans celui du jeune homme tandis qu’il ouvrait lentement la bouche et prononçait d’une voix glaciale et caverneuse les paroles suivantes, brisant le rugissement du vent, qui résonnait toujours, mais, dont la voix de l’alchimiste parvenait à percer le tumulte. Il dit donc, ou plutôt, demanda au jeune homme qui le faisait face :
« Meisa Kamui, je présume ? »