Akiko Peterson. Le journaliste était connu pour sa probité, et par sa propension à aller dans des coins où même certaines ONG n'osaient pas s'aventurer. Parfois, il disparaissait des radars pendant plusieurs semaines voire mois, pour finalement revenir, avec un dossier plein de témoignages, séquences filmées ou photographies. Des dossiers que l'on pouvait difficilement contredire, mais qu'en même temps, il était compliqué de mettre à jour. Vu l'ampleur qu'avaient pris certaines de ces affaires dans le passé, au japon ou ailleurs, les journaux étaient devenus un peu frileux avec le temps. Peut-être était-ce pour cela qu'il lui avait confié ces papiers. Quoi qu'il aurait apprécié en savoir plus. Le problème avec cette enquête était qu'il ne mettait en avant que des groupuscules plus ou moins stupides au japon, dans des quartiers un peu sombre. Et s'il y avait bien des fils qui guidaient dans des empires mafieux proche de russie ou autre, ils étaient bien fins.
Il l'observait avec attention. C'était sûrement un espoir un peu fou, que de lui donner ces résultats, en espérant que cette jeune femme -quel âge avait-elle d'ailleurs... ? -puisse en faire quelque chose. Mais si une tête roulait, une autre viendrait la remplacer à coup sûr. Mais bon, ce qu'il avait vu n'allait pas faire naître de la pitié pour un homme infâme. Ses yeux fatigués s'illuminèrent d'amusement, quand la jeune russe -ou associée- pris congé, tout en prenant gare à le garder en vue. Il ne savait pas ce qu'elle avait pu vivre pour être autant sur ses gardes, et cela éveillait un intérêt. Mais... Il n'allait pas pouvoir s'appesantir sur cette curiosité : dans une semaine à peine, il repartirait d'ici, pour remontrer une autre source, jusqu'en Amérique du Sud. Des mafia japonaises utilisaient des femmes de ces origines là pour tout leur travail de prostitution, et s'il pouvait mettre à jour certains fils, pour que les autorités compétentes puissent les couper. Ce serait déjà un bon travail.
Alors, une fois seul, il laissa ses pensées vagabonder. Des questionnements sur les deux russes, celles droguées qui s'étaient échappée, celle sur la piste d'un passé qui avait défoncé sa porte. Finalement, ça avait été une soirée intéressante. Juste avant qu'elle ne disparaisse au coin du couloir pour descendre les escaliers, il laissa un commentaire.
- Si vous avez des informations, n'hésitez pas à les glisser par ici. Une source est toujours protégée. Et les problèmes, toujours révélés.Puis, qu'elle ait obtenu cette information ou non, il la laissa filer, retournant à son monde, à ses réflexions, et déjà, à son futur voyage.
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Elle s'était réveillée. Réveillée dans un monde où elle ne pouvait bouger. Si cela ne changeait pas trop de d'habitude, la donnée importante était : elle avait beaucoup moins mal qu'au moment où elle avait sombré dans les bras d'un Morphée salvateur. Et si elle avait les traits creusés, le visage un peu livide et avide, légèrement en manque. Si il y avait toujours un tremblement incontrôlé dans son bras gauche ou ses jambes. Si ses doigts légèrement déformés par des années de maltraitances sans trop de soins étaient toujours là. Elle se souvenait de la rouste qu'elle s'était prise. Elle se souvenait de la belle furie, cette ravissante ravisseuse, qui s'était acharnée sur elle. Des coups, de la douleur et du plaisir.
Elle se souvenait même qu'elle lui avait offert un répit, des soins, et le précieux fluide qui la maintenait en vie, même si cela commençait à faire un certain temps, et que les tremblements étaient la preuve que le besoin allait revenir. Alors, elle priait doucement, ses lèvres murmurant des paroles silencieuses pour des anges inexistants. Pour de besoins déformés. -sans parler de la faim, de son envie d'aller aux toilettes qu'elle ignorait, et d'autres.- Alors qu'elle enchainait psaumes, suppliques et prières muettes, un bruit attira son attention.
Elle. Ca ne devait être qu'elle. Ca ne pouvait être qu'elle. La lumière des néons cligna pour l'éclairer. Dans son sommeil, dans son réveil, les mouvements qu'elle avait pu faire, bien que plus calme qu'avant, au moins un peu, avaient fait glissés la couverture, dévoilant son corps toujours décharnés, où les bleus récents ou non se mêlaient à la maigreur de celui-ci. Son premier réflexe fut d'ouvrir la bouche pour quémander une dose... Mais l'odeur de nourriture fit grogner son ventre. Après tout, dans l'univers où elle était, les odeurs corporels, putrides ou de drogues étaient souvent omniprésentes. Alors la nourriture et son odeur, elle n'avait qu'une vague idée de leur douceur.
Mais son ventre, lui n'oubliait pas. Et il criait famine, à lui en arracher un gémissement. Elle déglutit difficilement, louchant sur la nourriture, puis remontant son regard timidement jusqu'à celui de celui de Tyria. Maintenant, que son visage avait un peu désenflé, grâce aux soins qu'elle avait pu recevoir, on pouvait voir le regard bleu clair de Milana. Et même s'il restait un peu fou, un jour, il devait sûrement avoir été beau.
Alors elle hocha la tête, lentement, articulant un "Oui" avec difficulté. A chaque bouchée que prenait sa ravisseuse, ses yeux suivaient la fourchette avec avidité, son corps se tendait légèrement, malgré les tremblements. Jusqu'enfin, où elle put mettre quelque chose dans son ventre. Oh, les quelques bouchées qu'elle prit lui arrachèrent des gémissements de douleur. Avec les coups qu'elle s'était pris au visage, les dents avaient souffert, et chaque bouchée n'était pas la plus sympathique. Mais... Elle arrivait à apprécier ça. Surtout si elle pouvait associée ces goûts divins -pour elle- à cette douleur tant appréciée. Parfois, même, elle fermait les yeux, pour mâcher un peu plus, sentant ces frissons de douleur la parcourir. Très légers, mais toujours appréciables.
La question qui suivit, cependant, la laissa... silencieuse quelques instants. Le temps que son cerveau malade et torturé comprenne la question et puisse formuler une réponse.
- Elle... Она не может быть свободной.* Elle... perdue. Там нет ничего хуже, чем это. Ангелы упали, и он уже предложил демонов. Свобода есть для тех, кто чист. Для тех, кто не грешите удовлетворением зла. Это ... Не надо.**Elle secoua la tête, tirant un peu sur les liens qui la maintenaient toujours sur cette table en métal. Pourtant, elle ne s'était pas plainte une fois. Elle ne voulait pas être libre. Ni de ce monde en dehors. Elle avait été bien trop ravagée pour cela. Oh, peut-être pourrait-elle, un jour, s'extraire de ces instincts qui s'étaient contruits en elle. Mais il était définitivement trop tôt. Des années trop tôt pour cela, si même c'était possible. Seule la peur d'être confrontée au monde restait. Elle avait tout perdu, sûrement un bout de foie, un rein. Ses lumières, pour survivre, étaient celles qu'on avait bien voulu lui donner, par la douleur, la drogue, et autre. Si on lui enlevait celles-ci, elle ne savait pas du tout ce qu'elle pourrait faire.
*Elle ne peut pas être libre.
**Il n'y a rien de pire que cela. Les anges l'ont abandonnée, et elle s'est déjà offerte aux démons. La liberté est pour ceux qui sont purs. Pour ceux qui n'ont pas péché par appréciation du mal. Elle... Ne veut pas.