La journée avait été fructueuse. Une sorte d'entité malfaisante avait pris possession du corps d'un jeune nobliau de l'Empire. Des prêtres et des exorcistes avaient essayés, sans succès, de l'en déloger. Pendant des jours, ils n'avaient fait qu'échouer, ancrant un peu plus l'esprit dans le corps fait de chair et d'esprit. S'avouant finalement vaincus, le dernier en date avait évoqué le nom de Céleste. A mi-voix, parce que l'on racontait qu'elle entendait tout, chaque fois qu'il était question de son identité. Il suggéra aux parents de ne l'appeler qu'en ultime recours. De tenter d'autres mages, d'autres exorcistes, avant elle. Et ainsi, il leur fit perdre quelques précieux jours, le temps d'arriver à la fin de la liste qui se situait autour d'Ashnard.
Ne voyant pas d'autres solutions, les parents envoyèrent un valet quérir l'aide de la magicienne. L'homme, tout imbu de sa mission, se montra désagréable au possible, ordonnant à la sorcière de faire ses bagages et de venir guérir le fils de ses employeurs illico. Prenant son mal en patience, Céleste avait négocié ardemment. Elle avait obtenu que le valet signe un contrat, magique, avec ses honoraires. Il parlait pour les parents, après tout. Il avait toute latitude pour acheter l'aide de la brune. Une fois que le contrat fut conclu, validé par un sort, elle se fit un plaisir d'ensorceler le valet, de le garder prisonnier, le temps d'aller effectuer sa mission.
Le temps passé avait donné à l'esprit une bonne emprise sur le garçon. L'en arracher ne fut pas aisé. Il lui fallu presque toute la journée pour l'en extraire et le bannir de cette dimension. La sueur collait ses mèches bouclées contre son front, quand elle en eut fini. Ses traits affichaient l'effort fourni pour guérir le mioche. Mais elle le fit. Et elle déposa le contrat aux parents, annonçant qu'ils étaient liés par magie et qu'elle attendrait leur paiement dans la prochaine semaine. Et après cela, elle rentra, enfin !
Quand le Pistolero pénétra dans la boutique, le valet était ficelé par magie, dans un petit cagibi attenant, derrière le comptoir. Incapable de faire un geste, incapable de faire un bruit, il était condamné à hurler dans son esprit. Les deux garçons de Céleste, Narcisse et Nathanaël, attendaient sagement près de la porte qui enfermait le valet, le regard vide, la posture rigide. Ils n'avaient aucune volonté, soumis qu'ils étaient au pouvoir de leur mère. Leurs yeux, grands ouverts, brillaient faiblement dans les dernières lueurs du jour qui traversaient les fenêtres.
Puis, alors que l'homme s'approchait du comptoir, la porte d'entrée s'ouvrit, la clochette tintinnabulant légèrement avant qu'un flux de magie ne l'assourdisse. Et elle entra, fière malgré son épuisement, impatiente de recevoir le paiement de ses clients, enjouée à l'idée de faire du valet sa chose, de le faire souffrir, de l'asservir. Ses boucles brunes voletaient légèrement autour de sa tête quand elle se déplaçait, laissant apercevoir par moment de larges anneaux d'or pendus à ses oreilles. Le port de tête altier, une fine chaîne en or ceignant son cou, elle s'avança, ôtant sa cape de voyage, dévoilant le bustier sombre qui soulignait sa taille fine, qui mettait sa poitrine en valeur sans qu'un chemisier ne vienne couvrir sa peau dorée. Un pantalon de cuir, noir, ajusté, moulait son fessier attrayant, et une paire de bottines à hauts talons, se confondant avec l'obscurité du pantalon, terminaient sa tenue. Elle avait l'air féroce. Dangereuse. Puissante.
Et elle s'arrêta face à l'homme, dardant sur lui un regard inquisiteur, cherchant à lire en lui, à le cerner. Ses prunelles, deux billes sombres qui semblaient absorber la lumière, se fixaient sur les siennes, sans ciller.
« Vous désirez ? Lâcha-t-elle d'une voix aux modulations rauques, charnelles. »