Lucifer son of the mourning, I'm gonna chase you out of earth !
Dans l’habitacle du gros
4x4 SUV aux vitres fumées, la musique de Max Romeo déferlait, alors que, lentement, ce dernier s’approchait de la petite église de quartier, dans les tréfonds de la Toussaint. Un quartier dangereux de Seikusu, durablement marqué par la crise économique, qui avait peu à peu vidé les rues, et obligé tous les commerces à fermer. Beaucoup n’avaient pas trouvé de revendeurs, et les bâtiments vides se dressaient de part et d’autre, recouverts par les clôtures et les herses de sécurité.
«
La misère et le désespoir… Le lie de l’incroyance et de la criminalité. -
C’est dans cette église… Je peux la sentir. »
La pilote acquiesça. Le soleil était lentement de train de se coucher, et cette petite église de quartier avait tout de l’endroit sinistre où plus personne ne se rendait pour la messe. Les vitraux brisés se mélangeaient aux planches de bois recouvrant des fenêtres solitaires. On avait taggué les murs, et, alors que le véhicule s’approchait, des jeunes s’écartèrent. L’église était déserte, avec un petit jardin en friche à côté… Inhabituel, de la part d’un quartier aussi populaire. La voiture s’arrêta, et les femmes se regardèrent entre elles.
«
Allons-y. »
Elles coupèrent la musique, et les portes s’ouvrirent. Pour les curieux regardant depuis leurs fenêtres, dissimulés derrière leurs rideaux, ils virent le curieux spectacle de quatre femmes enroulées dans de longues bures de nonnes, qui ouvrirent le coffre du SUV, chacune portant des lunettes de soleil. Une caisse métallique assez grande ornait le coffre, et elles en sortirent différentes armes à feu : des Desert Eagle, des Ingrams, des fusils d’assaut, et un fusil à pompe. Le Mal rôdait dans cette église, et les riverains le savaient, mais, comme tout témoin digne de ce nom, ils choisissaient de se taire, de garder le silence sur ce qu’ils pouvaient entendre émanant de cette église. Avec un peu de chance, peut-être n’était-il pas trop tard… Mais, dans le cas contraire, l’heure de l’exorcisme était arrivée. Les sœurs vérifièrent leurs chargeurs, puis délaissèrent ensuite leurs bures.
Quatre Saintes avaient été affectées à cette mission :
- Goetia était une Sainte originaire de la Terre, une ancienne esclave serbe qui avait été vendue comme prostituée, avant d’être finalement libérée, et de rejoindre la Congrégation ;
- Nora était, elle aussi, et comme bien des Saintes, une ancienne esclave originaire des Badlands, qui avait une robe rouge moulante, et tenait entre ses mains un redoutable fusil à pompe ;
- Jun & Amélie Kiny étaient deux sœurs jumelles, qui, à l’instar des autres, avaient été des esclaves sur Terra.
Toutes, maintenant, appartenaient à la Congrégation, aux Saintes. Un ordre religieux qui agissait essentiellement dans les Badlands, en lutte contre les esclaves, les criminels, les démons, les salopards… Et un peu tout ce merdier. Les quatre femmes s’approchèrent de la lourde porte d’entrée. Elles avaient senti une présence démoniaque à Seikusu, et avaient remonté la piste, qui les conduisait ici. Goetia, qui les guidait, tenait un Desert Eagle dans chaque main, et s’avança vers la porte. D’un coup de pied, elle fit voler la porte d’entrée… Et eut droit à un spectacle des plus sinistres.
Le chœur de l’église ressemblait à tout, sauf à un endroit sacré. Quelqu’un avait retourné la croix de Jésus, des bougies avaient été allumées dans le coin, et des cadavres d’animaux étaient cloués le long des piliers. Des têtes de chats décapitées, et du sang se trouvait partout… Ou alors de la peinture rouge. Les bougies étaient allumées, et tout était fait pour donner à la scène invraisemblable et sinistre se déroulant devant leurs yeux une ambiance sataniste.
Un pentagramme avait été tracé sur le sol, et un homme, nu, était attaché par les poignets et par les chevilles, le visage partagé entre des vagues irrépressibles de plaisir et une terreur profonde. Il tourna la tête vers les quatre femmes, ses cuisses soutenant le corps d’une femme, dans une sorte de bure largement ouverte. Le sexe de l’homme était englouti dans le corps de la femme, et il portait des lunettes, ainsi qu’une alliance autour du doigt. Ses poignets étaient rouges, à force de se frotter contre les cordes, attachées au sol par de gros clous.
La femme tenait un couteau dans la main, et du sang coulait le long de son corps, s’égouttant sur celui de l’homme.
«
Un sacrifice… -
Il n’est pas encore trop tard… »
Goetia s’avança en pointant son arme vers la tête de la femme.
«
Démon ! Je t’ordonne de quitter ce corps, et de retourner dans les Enfers ! Là où sied ta véritable place, engeance infernale ! »
C’était une possession… Et, si le Démon tuait un innocent, ce que cet homme devait être, alors il aurait sur sa proie une emprise quasiment infaillible et totale. La main de Goetia ne tremblait pas, visant le front de la femme, prête à tirer.