Sport de balles [Takeru Tamase]

« Fichtre, Kåre, mais tu ne vas donc jamais en cours ? Tes notes sont catastrophiques. De fait, tu n'as même pas été présent à la moitié des examens ! » avait tonné, furieuse, sa belle-mère, avec une intonation outrée qui avait rendu son japonais si strict et maniéré encore plus insupportable au jeune homme. Elle soupira et posa sur la table la lettre qu'elle venait de recevoir de l'administration scolaire. « Le lycée ne nous laisse qu'une seule possibilité pour te garder dans le cursus : tu entres en internat et tu te soumets aux horaires imposés par l'école. »

Elle en profitait d'autant plus que son père était présent dans la pièce, ce jour là. Celui-ci était sans doute la seule personne qui aurait été encore capable de la moindre autorité sur son fils... si seulement il avait été dans sa volonté d'une exercer une. Malheureusement pour la scolarité du suédois, jusqu'ici, son paternel s'était montré avec lui très conciliant, voire laxiste. Il considérait que l'adolescence était un âge de liberté, et donnait à l'adolescent l'excuse d'avoir été perturbé par la mort de sa mère, événement qui remontait pourtant à plus de cinq ans. Il lui pardonnait tout, tempérait la gravité de chacun de ses plus en plus nombreux manquements à la discipline, et se refusait sans vraiment le revendiquer à toute sanction.

« Si c'est important pour toi, t'as qu'à utiliser tout ton fric pour leur faire changer d'avis. Fin, je veux dire, celui que papa gagne » avait répondu Kåre avec une désinvolture qui n'avait rien de feinte.

Pour cause, il n'avait jamais été inquiété par la moindre décision de l'établissement à son égard. Comme d'habitude, son père irait discuter avec la psychologue scolaire, lui parlerait de ses prétendus traumatismes d'enfance, et glisserait un billet sous la table si nécessaire. Tout rentrerait dans l'ordre, encore...

Mais contre toute attente, cette fois, monsieur Johansson n'essaya pas de défendre son fils. Il resta avec un air navré, le regard un peu fixe, avant de glisser à sa femme un bref « appelle les pour régler les frais de pension » du bout des lèvres.

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Se changer les idées... et trouver comment il allait occuper son temps pendant les longues semaines où il serait consigné dans le périmètre du centre-ville. Car entrer en internat signifiait aussi ne même pas avoir de chauffeur pour se déplacer à son gré dans Seikusu. Son assignation avait entraîné l'abandon d'un certain nombre d'activités, faute de pouvoir les pratiquer en internat. Ainsi, son entraînement hebdomadaire de football, le jeudi soir, dans une ville voisine dont le club était plus prestigieux, était passé à la trappe... et le garçon ne se voyait certainement pas participer à celui interne à l'établissement. Ce dernier était plein de personnes pour lesquelles il avait une forte inimitié, dont cet imbécile de Roku, qui n'arrêtait pas de le traiter d'homosexuel et de tapette avec un ton déplaisant.

Les choses, même vraies, n'étaient pas forcément agréables quand elles étaient dites sur ce ton là. En plus, Roku était asiatique, gros et laid, et jamais il n'aurait l'occasion d'apprendre ce genre de chose sur le suédois.

La chance avait sourit à Kåre, cependant, puisqu'il était tombé sur une annonce qui prévenait de la création d'un nouveau club. La nouvelle l'avait surpris, en réalité, mais sûr de sa bonne étoile, son regard avait aussitôt bifurqué sur la grille des horaires. Une première rencontre, avec tous les intéressés, était prévue pour le jour même, en fin de mâtinée. Comme il s'agirait peut-être d'une première approche du sport, la tenue de sport était recommandée, et la réunion se déroulait d'ailleurs sur le terrain.

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Jean, baskets hors-de-prix et petite veste verte et blanche, un sac de sport sur l'épaule qui contenait ses affaires d'exercice, le garçon arriva presque à l'heure indiquée. Il n'avait qu'une demi-dizaine de minutes de retard, ce qui relevait pour lui de l'exploit et démontrait une motivation certaine. L'été s'annonçait splendide, et sa chaleur était déjà rendue presque étouffante par un ciel sans nuages et au soleil ardent. Toutefois, il fut surpris de voir le terrain de sport presque désert. Si les autres aménagements sportifs étaient pour la plupart occupés, la pelouse n'était quant à elle utilisée que par un jeune homme qui en faisait des tours en trottinant. Peut-être étaient-ils encore en train de se changer ? songea-t-il.

Perplexe, le suédois passa pourtant aux vestiaires et ne croisa personne qui lui sembla apte à pratiquer le football. Il enfila quand même ses habits de sport, qui n'étaient pas moins dispendieuses que sa tenue de ville : le short rouge et les chaussures à crampons étaient tout deux signés d'une prestigieuse marque de sportswear britannique. Le maillot, quant à lui, étaient aux couleurs pourpres de l'United Manchester Football Club. La tenue qui laissait les avant-bras et le bas des jambes nues laissait constater que le jeune homme pratiquait régulièrement le sport de balle, même si la musculature qu'elle révélait était plus dynamique qu’impressionnante. Kåre était un gabarit léger, plutôt rapide.

Passant près d'un robinet, il ingurgita un peu d'eau, et il profita d'avoir les mains humides pour replacer légèrement sa chevelure nordique, savamment maintenue par un peu de gel fixant pour ne pas lui tomber dans les yeux – mais presque. Laissant le reste de ses affaires dans un casier qu'il ne prit même pas la peine de fermer, le lycéen revint vers le stade. Ce dernier n'était pas plus peuplé que quelques minutes avant. En proie au doute, il hélât le coureur qui s'échauffait toujours, élevant un peu la voix pour se faire entendre :

« Excuse, c'est bien ici, pour le nouveau club de football ? »

Comment aurait-il pu seulement se tromper de jour ? Ayant appris l'existence de l'événement quelques heures avants, même lui n'était pas aussi distrait. Restait la possibilité qu'il se soit trompé d'endroit... ou qu'on ait pas supporté ses quelques minutes de retard. Fan, songea-t-il, si les types de ce club là sont aussi débiles que dans l'autre, je vais pas y rester longtemps.

Un temps magnifique, des prévisions identiques pour plusieurs semaines, tout s'annonçait absolument parfait pour la dix-huitième édition de la création de son club de football américain ! Quelques mois plus tôt, un temps pluvieux avait sûrement découragé les candidats à le rejoindre, avant ça ce furent des examens important, et ainsi de suite. Mais aujourd'hui, pas d'échec, pas d'excuse, il avait attendu quatre heure devant son affiche à répondre à de nombreuses questions, la veille, et tout semblait indiquer qu'une foule de candidats allait émerger à la première minute d'ouverture.

Cinq heure du matin, le son resplendissant d'un réveil déchirant le silence des moins braves encore endormis, déclenchant un saut carpé respirant la motivation du sportif, bondissant hors des draps d'un seul geste pour s'empresser de fouiller le tiroir de sa chambre. Les chambres d'internat étaient plutôt confortables, et il fallait dire que la sienne bénéficiait en plus de pas mal d'intimité, le seul autre lit présent dans la pièce étant vide depuis déjà plusieurs mois, si bien qu'il en avait presque oublié qui se tenait autrefois avec lui. Il parlait peu et ne faisait pas de vague, alors les souvenirs frappant manquaient à l'appel, évidemment.

Empoignant avec empressement du matériel pour sa douche, et des affaires propres, Takeru déposa soigneusement le tout sur une table et s'abattit par terre, entamant sa séance de relaxation et d'éveil matinal : il ne fallait pas être trop enthousiaste, sans quoi il pourrait se faire mal à vouloir faire vite. Il commença ainsi par une série d'une trentaine de pompes, qu'il répéta autant de fois que possible, c'est à dire un nombre respectable de fois. Il faisait attention à sa respiration pour ne pas se faire de mal ou se bloquer la nuque, et la vision de ses biceps à l'action lui donnait un sentiment de confiance en lui important. Deux minutes entre chaque série le voyaient s'échouer lourdement sur le sol pourtant froid, reprenant un souffle calme avec le sourire du gamin qui veut ouvrir ses cadeaux sous le sapin. Après les pompes, le jeune homme s'empara des deux chaises qui meublaient son logement d'interne. S'asseyant sur l'une, reposant ses pieds sur l'autre, il avança alors ses fesses pour les mettre dans le vide, pliant les bras le plus bas possible, jusqu'à sentir ses épaules dire non, pour remonter doucement. Le rythme était bien plus lent que les pompes, car il pouvait à tout moment se faire mal et se bloquer la respiration, ce qui n'était vraiment pas conseillé.

Les exercices se poursuivirent, et lorsqu'il ne fut plus en mesure de s'élever suffisamment à la dernière série, il posa lourdement ses fesses et manqua de passer le reste de son training, observant le chronomètre de son téléphone en espérant repousser un peu les deux minutes fatidiques. Lorsque le moment vint, il reprit toutefois son courage à deux mains et plaça les chaises à un mètre de distance l'une de l'autre, les tournants pour qu'elles facent leurs dossiers. dessus, soigneusement, il déposa une barre de métal volée sur un chantier du coin, et entreprit quelques tractions à l'horizontale, mais la fatigue commençait à le gagner et il ne tint pas le rythme aussi longtemps qu'il l'aurait voulu. Il s'était un peu relâché ces derniers temps.

Après quelques petites bricoles mineures d'entretien du corps, les 6h sonnèrent sur le réveil, ramenant l'enthousiasme du départ dans la caboche de Takeru qui, d'un bond, empoigna ses affaires et couru vers les douches. Les autres ne se réveillant qu'une demi-heure plus tard, il serait tranquille et pourrait profiter un peu d'intimité et d'eau chaude.

Jetant négligemment ses vêtements dans un casier, Tamase laissa enfin son corps profiter d'un instant de plaisir alors que le liquide chaud coulait sur son corps ciselé, ruisselant au milieu de ses pectoraux et coulissant sur la courbe de ses biceps, en gouttière sur les veines de ses avants-bras : il aimait voir son corps, et il aimait avant tout se sentir en forme. Bien sûr, il sentait également une certaine douleur après un exercice si matinal, mais la relaxation qui en résultait en valait largement la peine. Il laissa pour une fois son gant de toilette de côté, se plaisant à verser directement son gel sur lui, commençant par son cou qu'il détaillait du bout des doigts, puis ses épaules, qu'il sentait bouger alors que ses mains passaient dessus, s'amusant de ses connaissances en anatomie en cherchant à nommer chaque muscle qu'il pouvait deviner en action. Il était seule et personne ne l'embêterait pendant son inventaire, de toute manière. Vinrent alors ses bras, véritable fierté, juste après son corps, dont il peinait à entretenir des abdominaux saillants, mais que le résultat final pouvait laisser jaloux la plupart de ses camarades : il restait doux dans ses muscles, et suffisamment épais.

Une fois le corps fait, il passa en revanche plus rapidement sur son visage et termina avec ses cheveux, puis se sécha et sortit rapidement des douches pour reprendre son train-train quotidien.

Il fallait maintenant manger, direction le réfectoire, où l'attendait un de ses complices : une charmante cantinière, dont Takeru ne devinait sûrement pas son attirance pour les jeunes sportifs, ou dont sa timidité ne lui permettait pas de l'imaginer. Pour lui, c'était son instinct maternel qui la poussait à être si gentille avec lui. Alors que les cuisiniers préparaient les petits plats habituels pour des résidents aux traits tirés encore furieux de devoir se lever, lui bénéficiait de son traitement de faveur : Arrivé comme à son habitude une demi-heure au moins avant les autres, son plateau regorgeait de nourriture adaptée à un sportif de son niveau : une pomme, un jus d'orange, une biscotte avec du beurre sans sel, un bol de lait écrémé et des céréales basse-calories pour éviter de trop se faire plaisir, loin des cochonneries et autres gâteaux que les autres allaient gober sans se soucier de leur forme, encore embrumés par leur séparation avec les draps.

Un de ses sponsors avait même semble-t-il réussi à infiltrer le bâtiment, glissant à chaque fois un petit supplément de crème énergétique à l'intention du jeune homme, sachant que ses journées se passaient essentiellement à s'échauffer, faire des efforts et s'entraîner.

Une fois son repas englouti, la vraie journée allait commençait : la matinée pointait déjà un soleil magnifique se levant, et c'est en trottant qu'il commença à se diriger vers son petit espace personnelle, ne prenant pas encore le soin de sortir de leur hangar les mannequins servant à s'entraîner aux plaquages. Il allait simplement s'échauffer en attendant l'ouverture du club qui aurait lieux dans trois heures. Il était 8 heures du matin et certains étaient à peine en train de se réveiller complètement.

9h, 10h, les échauffements s'enchaînaient et ne parvenaient pas à calmer le stress qui naissait dans le ventre de Takeru, puis les onze heures sonnèrent et il ne put s'empêcher de sautiller sur place à l'idée que quelqu'un vienne. Il chercha alors un moyen rapide de se défouler et entama des allers-retour en sprint. Manquant de se fouler la cheville, il prit compte de sa bêtise et opta pour un simple footing autour du terrain, alors que les minutes s'enchaînaient en dépassant l'horaire prévue.

Quelques lycéennes, habituées, commencèrent alors à s'installer dans les gradins pour observer Takeru s'entraîner, certaines se moquant, d'autres l'admirant, et d'autres ne cherchant qu'un coin de tranquillité pour pouvoir réviser, banale excuse pour venir ici.
Quelle ne fut pas sa joie quand il vit quelqu'un arriver, ainsi voulut-il alors sprinter vers lui, le prendre dans ses bras et l'inviter dans la grande famille que sera le club, mais il fallait peut-être la jouer plus "cool" avec les nouveaux arrivants. Aussi l'ignora-t-il pour le moment, cherchant à lui donner un exemple du sérieux qui serait exigé à l'entrée, les candidatures nombreuses devant probablement vite être triées pour ne prendre que les meilleurs.

D'où il était, il ne pouvait pas spécialement bien voir qui se tenait à quelques mètres de lui lors de ses passages les plus proches, mais son sac de sport et son allure droite laissaient envisager un candidat motivé pour la suite des événements. Celui-ci trouva justement la direction des vestiaires de lui-même, et réapparu bien vite dans un accoutrement sportif : il serait parfait ! Mais il ne fallait pas encore aller vers lui, il devait marquer son territoire et lui faire comprendre qu'il valait mieux être un grand sportif qu'un stand d'exposition.

Les voeux de Takeru se réalisèrent lorsqu'il se fit hêler par le nouveau personnage, mais à mesure qu'il se rapprochait, les traits du type semblèrent bien étrangers. Sa coiffure, son ton de voix, ses habits voyants, il ne savait même pas si cela était véritablement autorisé. De son côté, il arborait un jogging d'entraînement noir et un maillot aux couleurs du lycée, réalisé avec amour par le club de couture local, qui avait gentiment et gratuitement proposé leur participation, sans trop que l'on sache comment ou pourquoi. Quelle bonté.

"Hey ! Bienvenue au Club ! C'est ici, en effet, et tu as de la chance tu es pile à l'heure. Enfin presque ! Les autres candidats viendront sûrement bientôt, pour le moment tu es pris d'office, t'as l'air motivé et c'est super ! Sympa le maillot !

Takeru lui tournait autour en souriant, comme un prédateur, sinon qu'il était juste surexcité d'avoir enfin quelqu'un avec qui s'entraîner. Claquant avec un rire franc les fesses de Kare, il reprit :

Allez, en piste, viens par là, je vais d'abord vous...enfin te montrer quelques échauffements, si tu n'en connais pas déjà, et ensuite on pourra voir les bases du sport, tu verras c'est très sympa, et l'important c'est de bien savoir jouer la balle avec les autres ! Les compétences personnelles, c'est accessoire ! Je te propose juste d'attendre quelques minutes au cas ou des retardataires viendraient en courant, ahah ! Ils seront échauffés, eux !

Passant une main dans le fouillis de ses cheveux, l'entraîneur autoproclamé invita sa jeune recrue à s'avancer avec lui, étirant longuement ses jambes à chaque pas en guise de début d'échauffement :

Je ne t'ai jamais vu dans le coin, alors laisse moi me présenter ! Moi c'est Takeru Tamase, tu peux m'appeler "Tama" si tu préfères ! Je suis l'entraîneur du club de football local, enfin là c'est seulement l'ouverture, mais comme tu peux voir on a déjà quelques fans, là haut ! souffla-t-il en ricanant, désignant les groupies perchées plus loin. Mais ne t'en fais pas, elles ne mordent pas. Enfin ne t'approches pas trop dans le doute. Si jamais tu n'as pas les moyens d'avoir du matériel, on a un partenariat avec les élèves couturières, elles pourront te faire un joli maillot du lycée, on est très solidaires ici !"

Sautant sur place, Takeru poursuivit toujours aussi vite, toujours aussi bavard :

T'es nouveau ? T'es du coin ? Enfin, tu es là depuis longtemps ? Je croise pas souvent ceux qui sont juste de passage, et les piaules sont plutôt agréables, tu sais ? Allez, raconte, on va être comme des frères maintenant, j'veux tout savoir, j'suis super curieux !"

Souriant, le sportif ne laissa pourtant pas le choix à son partenaire en commençant véritablement les échauffements, comme s'il en avait oublié les "retardataires"...

Ainsi le suédois ne s'était trompé ni de lieu ni d'heure : il poussa un soupir de soulagement et le stress de l'incertitude retomba. Soudain, il sentit un poids s'envoler de ses épaules. Le visage de Kåre s'éclaira bientôt d'un grand sourire alors que son regard vert remontait vers son interlocuteur, que prit par l'inquiétude, il avait à peine dévisagé jusqu'ici.

Ce qu'il vit lui plu rapidement. Les traits asiatiques étaient, sur son interlocuteur, bien moins grossiers que sur la plupart des natifs qu'il avait pu croiser. La couleur agréable de sa chevelure indiquait probablement une ascendance étrangère, ce qui n'était certainement pas pour déplaire au jeune homme. Dans la masse de japonais qui à ses yeux non-entraînés se ressemblaient tous, c'était un véritable rayon de soleil. Enfin et surtout, il avait l'air amical, accueillant, et son visage lui inspira ce dont il avait besoin pour s'intégrer à un nouveau groupe : de la confiance.

« Salut ! Kåre. Merci je... hey » commença-t-il avant d'être interrompu par une claque amicale sur son fessier.

Un sourire plus taquin naquit au coin de ses lèvres. Une telle familiarité, si tôt, serait peut-être plus difficilement passer de la part d'une personne moins séduisante, mais dans le contexte, elle fit une toute autre impression au suédois. Son attention passa discrètement de ses propres cuisses, sollicitées par la tape, à celles du jeune sportif, dont il observa quelques instants la musculature avec une certaine envie. Cependant, il avait appris à se tenir, et hissa de nouveau très vite la ligne de son regard vers une hauteur moins équivoque.

« Euh, d'accord, Tama, enchanté... OK... cool... C'est sympa ! » fit-il successivement, un peu déboussolé par le débit de parole de son interlocuteur, qui lui laissait à peine le temps de répondre.

Cependant, le contact passait bien, et Kåre était aussi à l'aise avec des gens exubérants qu'avec des personnalités timides... Socialement très en mesure de s'adapter, il écoutait les premiers et parlaient aux seconds. Ce n'était d'ailleurs pas le seul domaine où il se sentait capable de polyvalence.

« Elles, j'ai l'impression qu'elles viennent surtout pour toi, non ? » fit-il en tournant brièvement la tête vers les gradins.

Il considéra les filles avec désintérêt, voire avec un peu d'hostilité. Chacune de ces masses de cheveux longs et de chaires flasques constituaient pour lui autant d'adversaires, malheureusement souvent plus armée que lui pour la chasse aux garçons. Heureusement, il n'y en avait pas de trop jolies, ce qui l'aurait probablement agacé. Il haussa les épaules. Bien sûr qu'elles viennent toutes pour lui... il est carrément mignon répondit-il pour lui-même.

« Pour le maillot... euh, je... suppose, ouais. Il est... bien. »

Le suédois s'était retenu de dire qu'il aurait pu demander à son père de lui trouver un couturier professionnel, qui auraient sans doute obtenu un bien meilleur résultat que le club amateur du lycée... en tout cas à en juger par l'habit jaune citron aux liserés bordeaux qu'arborait Takeru. Rien que le choix des couleurs était assez infamant pour l’œil du garçon, habitué aux designs travaillés et aux finitions irréprochables des vêtements de marque. Mais il n'avait pas non-plus envie de passer pour le gosse de riche de service, et le sportif avait l'air d'apprécier le travail des petites mains du club... il jugea qu'il valait mieux ne pas le vexer.

« Je suis à Seikusu depuis quelques années, mais je suis interne que depuis... euh, hier. Ouais, j'voulais me détacher un peu de mes parents, l’indépendance, tout ça. J'ai... pas encore emménagé, en fait. Sinon je viens de Suède. Malmö, tu connais ? » Les japonais ne connaissaient jamais. « Je faisais déjà du foot l'année dernière, dans le club de la ville voisine, donc c'est bon, je suis un habitué ! Tu fais du foot depuis longtemps, toi ? »

Le fait de n'être que deux rendait en fait Kåre de bonne humeur. Il ne se serait sans doute pas senti à l'aise dans un groupe beaucoup plus étendu. À moins que ce ne soit son empathie surnaturelle qui faisait déteindre l'enthousiasme son coéquipier sur lui.

« On commence par quoi ? On s'échauffe les jambes et on fait quelques passes au pied ? »

Le jeune homme commença à son tour à sautiller sur place. Évidemment, Takeru était déjà beaucoup plus chaud que lui. Toutefois, il se sentait déjà près à lui démontrer les compétences qu'il avait acquis en course de vitesse.

« Tu vaux quelque-chose en sprint ? » lança-t-il sur un air de défi propre aux adolescents.

Après une seconde de flottement, il fit un mouvement du bras pour inviter son partenaire à le suivre. Sans doute n'était-ce pas très raisonnable de commencer aussitôt sur un effort assez violent, mais le suédois était plutôt sûr de lui. Puis il trouvait le raisonnable terriblement ennuyeux. L'essentiel de sa musculature à lui était dans les jambes, et sa légèreté était au moins un avantage pour courir vite. Considérant la carrure de Takeru, il s'attendait à peine à devoir forcer pour tenir la même allure que lui.

Il n'avait pas été très sympathique de commencer ainsi les présentations, et en y repensant il n'avait même pas laissé la pauvre recrue se présenter. Lui demander ensuite qui il était paraissait plutôt stupide, voir carrément malpoli, mais le mal étant fait il ne put tout de même qu'être satisfait de n'avoir causé aucun mal. Un peu mal à l'aise tout de même de s'être fait ainsi dévisager, le sourire taquin de Kare le rassura tout de même, il n'allait pas lui en vouloir.

Pendant un instant, la discussion s'axa sur les demoiselles perchées dans leurs gradins. Se retournant, Takeru les observa détourner chacune le regard, jusque là braqué sur le sportif, et s'échappant ainsi dans les airs, les livres ou la pelouse pour éviter de se faire prendre la main dans le sac. Devinant le stratagème, l'innocent personnage ricana doucement alors que son nouveau partenaire évaluait ses potentielles rivales, et le moins qu'on puisse dire serait que son animosité s'annonçait réciproque, les coups d'oeil déplacés du footballeur n'étant passé inaperçus pour personne sinon Tama.

Avec joie, Takeru remarqua que son maillot était passé comme un lapin de carême chez le postulant. Quelques moqueries étaient remonté jusqu'à lui, et il se demandait s'il ne devrait pas changer son magnifique jaune citron pour des couleurs plus sobres. Sans avoir de particulier intérêt pour les coloris de son club, la dévotion qu'avaient mises les couturières dans leur travail lui avait filé toute la motivation du monde pour poursuivre son but, et réunir un maximum de personne. Les couleurs flashy n'étaient pas un problème, et une fois qu'ils auraient battu à plates coutures tous les autres, le jaune citron deviendrait une couleur célèbre du football américain. Et puis au moins il pouvait facilement distinguer ses joueurs sur le terrain, ce qui constituait en soi un avantage. Que d'excuses pour pardonner ce manque de goût, tant qu'on aurait pu croire que ce n'en était pas vraiment.

Enfin, le moment qu'attendait Takeru arriva. S'échauffant les bras et les jambes, il écouta le récit de la biographie de Kare, hochant la tête comme pour indiquer à chaque fois qu'il suivait bien ou en était l'histoire. Un nouvel interne ? Il n'avait encore vu personne prendre possession d'une chambre, ce qui était plutôt intriguant étant donné qu'il passait son temps en dehors plutôt que s'enfermer, mais il allait très certainement enquêter pour comprendre.

Héhé, oui, en fait je fais du foot depuis très longtemps, je me rappelle plus trop mes débuts, mais qu'est-ce que je me suis amusé ! Ici, il y a moins de monde, alors je tente de monter le club par moi même, bizarrement ce n'est pas très populaire, mais les sportifs manquent, dans le coin.

Alors que Kare lui posait la question sur l'entraînement, Takeru s'éloignait doucement vers les gradins, dans un petit hangar à matériel accolé, pouvant évidemment entendre parfaitement les questions de son camarade et certainement pas gêné. Il en poussa un objet particulièrement imposant, comme un buste de statue avec un gros matelas dessus, en évidemment bien plus sophistiqué. Avec le flegme qu'il employait, on aurait presque pu penser qu'il déplaçait cela simplement pour se frayer un chemin :

Oh, t'es du genre à faire des passes ? C'est sympa, les passes au pied, hein, mais si tu veux courir et faire ça, on va pas trop bosser le reste !

Avec un sourire, Takeru tira un peu sur son maillot qui lui collait à la peau sous l'effet de la sueur et de la taille un peu trop petite de l'habit, semblant sortir d'une soirée T-shirt mouillé, ou bien fait de la même matière qu'un rideau de douche lorsque ce dernier décide de faire un câlin. Sans être gêné, il manqua de peu de l'ôter, mais les règles du lycée étaient strictes et il se retint, plus pour son camarade que pour lui, il serait malpoli d'exhiber son corps musculeux à un amateur de femme, cela serait mal vu.

T'es motivé, c'est parfait, j'aime ça ! C'est l'esprit qu'il nous faut !

Voyant que son camarade avait du mal à se retenir, Tama manqua de verser sa larme, souriant de plus belle d'un visage illuminé d'espoir.

Okay, Sprinter, c'est beau mais il faut rester prudent, on va commencer avec les bases, d'accord ? T'aimes avoir la balle, mais tu l'auras pas toujours, alors tu sais tackler ?

Croisant les bras du même air de défi que l'autre, Takeru se tint près du hangar, prêt à aller chercher la suite du matériel, sur le qui-vive. Finalement, il oublia à nouveau son petit camarade et s'empara du ballon de football américain qui traînait là. D'un geste précis, il l'envoya en une magnifique cloche qui se dirigea vers le ciel, puis vers Kare, avec une précision qui méritait d'être remarqué. Seulement, pendant que Kare observerait le projectile et réfléchirait, il ne serait sans doute pas concentrer sur le plaquage qui fonçait à toute vitesse vers lui, pour l'empoigner par les aisselles et le soulever, si professionnellement qu'il n'aurait même pas mal, mais observerait les nuages sous des kilos de muscles...

Quoiqu'il ne comprenait pas tout des paroles de Takeru – et qu'il savait très bien que le lycée avait déjà un autre club de football – Kåre se garda bien de le détromper. Il acquiesça, même, se disant que son interlocuteur devait de toute façon beaucoup mieux connaître le contexte du sport à Seikusu que lui. Surtout il n'avait pas envie de passer pour un idiot à poser des questions idiotes. Si Takeru disait qu'il manquait de sportifs à l'école, c'était probablement vrai. Il ne l'aurait pas dit avec autant d'aplomb sinon, songeait le suédois. Puis, s'il sentait bien que quelque-chose lui échappait, il ne se posait pas plus de questions que ça : au-delà, il avait même un vague sentiment de bien maîtriser une situation qu'il avait l'impression de connaître. Ainsi, les interrogations (pas de course, pas de passe, quoi alors ? Du tir au but ?) passaient dans son esprit avec la persistance de courants d'air.

Même la sortie d'un mannequin en mousse ne parvint pas à le faire douter de ce qui lui semblait être des évidences. Toujours allègre et pensant à une plaisanterie, il s'amusa :

« Hey, mais qu'est-ce que tu comptes faire de… »

Enfin il s'interrompit, relativisant un peu la maîtrise du déroulement de l'entraînement qu'il était certain d'avoir. Il se tut une seconde mais fit la suivante son possible pour ne pas perdre la face et ne rien laisser paraître de son trouble. OK… pas ce football là, alors, ça explique… des choses, conclut-t-il très simplement. Le soucis principal se trouvait dans le fait qu'il n'avait pas la moindre connaissance du football américain. Des rôles jusqu'aux règles – dont il avait tout juste entendu parler de la difficulté et du prétendu caractère incompréhensible – il ignorait à peu de choses près la totalité de la pratique du sport préféré des étasuniens. Pire que tout : il venait de prétendre le contraire. De quoi être ridicule à coup sûr.

D'un autre côté, il y avait Takeru. Plus Kåre observait ce dernier et plus il était persuadé du caractère absolument obligatoire de sa propre présence à l'entraînement. Le sportif n'aurait pas été seul ou il n'aurait pas été aussi agréable à regarder que le suédois serait peut-être éclipsé discrètement, à la faveur d'un mal de crâne ou de ventre. Mais les muscles ciselés qui saillaient sous  un tee-shirt trop serré et juste assez humide achevèrent de le convaincre définitivement de rester. Qu'importait le sport, en vérité. En une telle compagnie, il aurait sans doute accepté sans broncher de faire du saut en parachute.

« Ouais, tackler ! Ma spéciali… » commença-t-il, tout fier d'attraper le ballon entre ses bras, avant d'être renversé l'instant suivant par près de quatre-vingts kilos d'athlète.

Surpris, le jeune homme n'opposa pas la moindre résistance… et aussitôt ses esprits repris, encore en pleine chute, il fit en sorte que cela se voit. Certes, il savait que cela aurait sans doute fait peu de différence de toute façon. Une fois au sol, la position ne fut pas aussi déplaisante qu'il l'avait imaginée, toutefois. Le contact assez frais de son dos avec le gazon contrastait avec la masse chaude encore plaquée contre lui. L'espace de quelques secondes, il put sentir les reliefs de son corps, de ses pectoraux, sa poitrine contre la sienne. Tout, jusqu'à l'odeur de la sueur de Takeru, qui parvenait aux narines du suédois, concourait à rendre le sportif désirable.

Heureusement, lorsqu'ils se relevèrent, le short de Kåre était tout juste assez ample pour que ses premières émotions ne soient pas trop manifestes.

« Tu m'as eu par surprise ! » protesta-t-il en se reculant un peu. « Franchement j'en attendais mieux de ! »

Le suédois ne termina pas sa phrase et fonça à son tour vers son partenaire d'entraînement, dans le but avéré de lui rendre l'appareil et de le faire chuter. Toutefois, malgré une vitesse honorable pour une si petite distance d'élan, sa masse et son manque total d'expérience rendaient ses chances de succès négligeables. En réalité, il y avait même toutes les chances que ce soit lui qui soit encore projeté sur le sol. Finalement, le football américain c'est un peu comme un art martial se mit-il à penser alors qu'il devait encore s'éparpiller sur le gazon autant de fois que nécessaire.

L'entraînement pouvait bien durer aussi longtemps que Takeru le souhaitait, Kåre ne voyait plus vraiment passer les minutes. En revanche, il savourait le moindre contact avec l'athlète, et la moindre vue sur son physique sculptural avec une discrétion qui, si elle était toujours présente, tendait vaguement à décroître. Quelques exercices supplémentaires avaient été effectués lorsque le jeune homme s'exclama finalement :

« Fan ! Tu arrives à supporter cette chaleur avec ton maillot, toi ? J'ai juste l'impression d'être en train de nager dans ma propre sueur ! »

À peine eut-il prononcé ces mots qu'il attrapa les rebords de son tee-shirt, croisant les bras pour les faire remonter jusqu'à sa tête et retirer l'habit. Son corps exposé avait la pâleur nordique et était glabre, si l'on exceptait une pilosité claire et ténue, proche d'un duvet, sous ses aisselles et sur le dessus de ses avant-bras. Il avait dans quelques tâches de rousseur discrètes disséminées un peu partout, et quelques rougeurs en bas du dos et sur les coudes : aux endroits où il était déjà tombé. La forme de son buste n'avait rien à voir avec robustesse de celui de son partenaire, mais à défaut il n'était pas gras et plutôt harmonieux. L'absence de masse corporelle superflue lui donnait une taille fine, et faisait ressortir de belles lignes abdominales qui auraient été sinon invisibles. Il jeta sans plus de ménagement le maillot dans l'herbe. Avec un peu de chance, ça lui donnera envie de faire pareil se mit à espérer le suédois.

« Mieux comme ça » conclut-il, tout sourire.

À force de proximité, une raideur bien localisée se fit sentir à un moment où à un autre, ce qui ne troubla pas vraiment l'adolescent. Il était à peine conscient du fait que son partenaire finirait presque inévitablement par s'en rendre compte… et quand bien même.

Au moment de l'empoignade, Takeru éclata d'un rire franc, amusé au possible d'avoir ainsi envoyé promené son petit camarade dans un tackle qu'il avait réalisé à la perfection. Les points d'appuis, la poussée, la trajectoire du recevoir étaient assemblés avec excellence, et il n'entendit qu'un couinement de surprise chez ce dernier, soulagé qu'il ne l'ait pas encore blessé à ses débuts ! Reniflant, Takeru prit le temps de vérifier que rien n'avait effectivement cassé chez le pauvre nordique agressé avant de se décoller, étirant ses membres en attendant que lui-même se relève.

A sa grande surprise, sa nouvelle recrue le chargea à peine fut-elle sur pied, et c'est avec un grand sourire qu'il écarta les jambes et se tassa sur lui-même, prenant solidement appui sur le sol pour se préparer à l'impact. Evidemment, le débutant tenta non pas de l'empoigner par les aisselles pour le soulever, mais bien de le ceinturer à l'abdomen pour tenter de le faire chuter en arrière. Il ne suffit au footballeur qu'à se lover contre lui et l'enserrer pour le priver de tout élan horizontal, se plaquant au maximum contre lui en implosant de son rire enfantin, passant même une main moqueuse dans les cheveux du suédois pour l'ébouriffer, le maîtrisant d'un seul bras en ricanant pour lui montrer ce dont il était capable.

« Fan ! Tu arrives à supporter cette chaleur avec ton maillot, toi ? J'ai juste l'impression d'être en train de nager dans ma propre sueur ! »

A ces mots, Tama jeta un oeil au ciel de plomb qui ne rendait pas l'entraînement facile. Son T-shirt le collait affreusement et la sensation était des plus irritantes, aussi réprima-t-il un sourire en voyant le footballeur européen se dévêtir, l'observant longuement dans sa carrure avant de l'imiter en ricanant toujours légèrement :

Avec l'herbe, la terre et la sueur, on aura vite fait de se décrasser sous les douches, on va ressembler à des animaux de ferme ! s'exclama-t-il.

Armé de son franc sourire, son visage angélique disparut en même temps que l'immonde maillot recouvrait son visage, glissant lentement sur les abdominaux taillés par l'effort, les pectoraux saillants finement dessinés, des épaules droites, carrées, mais plus légèrement musclées, et enfin, à mesure que le vêtement quitte son propriétaire, des biceps et des avants bras taillés pour le corps à corps, avec cette légère couche de graisse évitant que d'immondes veines ressortent comme un boxer du dimanche. Il avait dans cette masse de sportif une allure de gamin, malgré tout.

Le suédois avait vu juste, Takeru détestait porter des vêtements par un temps aussi chaud, et il n'avait jamais réellement compris cette interdiction, jusqu'à ce que les pouffements de satisfaction des spectatrices parvinrent à ses oreilles, l'attirant naturellement vers elles. D'un air amusé, il les gratifia d'un large signe de la main auquel certaines répondirent, d'autres non, plus timides.

Rapidement, le footballeur américain s'approcha du tas d'objets sortis en vrac sur le gazon pour récupérer un chronomètre et une montre, arrêtant l'un et observant l'autre, avec un léger soupir.

Hm, j'aurais du programmer tout ça plus tôt, les autres viendront sûrement dans l'après midi du coup. On s'entraîne encore un peu et on ira se décrasser sous l'eau ! J'vais te montrer comment on fait un bon plaquage, et plus tard tu pourras palper les mannequins !

Ricanant toujours de bon coeur, Tama s'approcha du nordique, et son regard fut bien vite attiré vers la déformation sentimentale qui trahissait les pensées de Kare. La simple idée que son compagnon d'entraînement apprécie ainsi l'effort le perturba sur le coup, rougissant un moment alors que sa propre raideur masculine commençait à le gêner.

Approchant avec une gêne visible, Takeru tenta de se changer les idées en plaçant correctement Kare en position de tacle, tâchant d'éviter que leurs muscles en sueur ne se collent trop. Il manipulait sa recrue comme une marionnette, plaçant ses jambes légèrement écartées, l'accroupissant légèrement avant d'enfin venir poser ses mains sur ses épais pectoraux, tâchant de lui montrer la poussée verticale nécessaire pour faire décoller quelqu'un de plus lourd que soi.

Mais se coller au suédois ne sembla pas arranger les choses, et Takeru tenta de faire cesser le supplice en lui proposant d'autres alternatives :

Hey, content de me voir, ou c'est les filles ? Hein ? héhé...hé..ahem, heu, alors voilà quand tu veux tacler quelqu'un en étant plutôt statique faut bien pousser vers le haut, dans le mouvement ça fera décoller l'autre type en face, crois moi c'est efficace. Hm, tu veux peut-être faire une pause, non ? De toute manière faudra que je range ma chambre tout à l'heure, j'imagine, alors faut qu'on passe à la douche avant ça, tu vois ?

Doucement, Takeru se décolla de son compère sportif pour passer une main sur son visage :

On fera un sprint tout à l'heure, quand tu seras calmé, hein ? Ah...ah...j'rigole hein. Enfin pas pour le sprint.

La situation aurait pu être un peu gênante pour le suédois si son partenaire d'entraînement l'avait reprit avec trop de sarcasme sur son état émotionnel. Mais heureusement, Kåre avait comme un don pour être en phase avec l'humeur du moment, et celle-ci n'était pas au cynisme blessant, mais à l'amusement un peu confus. Des sentiments perçus qui le stimulaient bien assez sans pour autant le troubler : le registre lui convenait tout-à-fait. Il se mit à lui convenir d'autant plus qu'il pressentait – et il put bientôt constater par le relief particulier du short de Takeru – que son excitation devenait peu à peu réciproque.

« Ouais, ça doit être les filles. Elles me poussent vers le haut » lui répondit-il, sur un ton ouvertement joueur. Puis il baissa le regard une seconde, et ajouta : « Toi aussi, les filles ? »

Pendant tout l'entraînement, il n'avait pas réellement eu d'autre sujet d'attention que la musculature découverte du jeune japonais. Elle était encore plus séduisante qu'il ne l'avait imaginé, car en plus de sa carrure athlétique dont il ne fut pas déçu, la définition de chacun des muscles était remarquable, elle gardait un aspect juvénile qui le séduisait beaucoup. Fan, ça doit pas être désagréable à caresser avait-il songé. Ses mains purent en avoir un aperçu quand à l'occasion d'un exercice elles virent appuyer sur son torse. Il lui fut d'ailleurs assez difficile de résister à l'envie de les faire descendre.

Le suédois n'insista pas et éclata de rire avant d'accepter le programme que son camarade lui proposait.

« Douches ! Ça marche. Je suis ultra chaud et… tendu, alors ça peut faire que du bien ! »

Au pire, il pouvait prétexter sa mauvaise connaissance du japonais pour nier le sous-entendu, mais il sentait qu'il n'aurait pas à le faire. Jetant un regard mi-goguenard mi-victorieux aux supportrices, qui ne lui retournèrent qu'un air sombre, l'adolescent ne se fit pas prier pour se diriger de nouveau vers les vestiaires. Il récupéra au passage son sac dans le casier, des habits de rechange s'imposaient de manière évidente. Le jetant sur son épaule, il se dirigea vers la salle où ils pourraient se changer.

Poussant la porte, Kåre laissa Takeru entrer en premier, se fendant d'une galanterie qui tenait de la plaisanterie potache :

« Les dames d'abord ! »

Les vestiaires eux-même étaient au nombre de trois pour chaque genre, tous sur le même modèle assez classique : un compartiment rectangulaire divisé en deux parties. La partie la plus proche et la plus longue possédait un banc collé à chacun des deux murs transversaux. La seconde était de forme carrée et couverte de carrelage ; sur les bords des boutons permettaient d'actionner les jets d'eau au plafond. Un renflement du mur et deux éviers faisaient office de frontière entre les deux compartiments.

Finalement il pénétra à son tour et posa son sac sur un des bancs, volontairement celui opposé à celui de Takeru. Il enlevait ses chaussures tâchées de gazon et de terre tout en plaisantant joyeusement.

« D'habitude j'aurais voulu que l'eau soit pas aussi froide que celle de la salle où je m'entraînais avant. Mais là, ouah, j'espère qu'elle est glacée. Aussi glacée que les fjords suédois t'sais. »

Il allait assez vite pour se déshabiller, mais après s'être défait de ses chaussettes et d'avoir commencé à descendre son pantalon, il se tourna pour faire face au mur. Finalement, il retira aussi son caleçon rouge à l'élastique, que la sueur ne rendait de toute façon plus très présentable. Son fessier était sans doute la partie de son corps dont il avait le plus travaillé la fermeté et la courbe. Il était encore plus blanc que le reste de son corps, même s'il était si pâle qu'il n'y n'avait pas de marque de bronzage nette. L'air de rien, le suédois lança :

« Tu sais ce qu'on dit ? Que les mecs avec des gros muscles ont un truc à compenser… »

Il tourna légèrement la tête pour apercevoir son camarade, séparé de lui par environ trois mètres. Kåre, lui, ne s'était jamais réellement calmé, et la perspective de pouvoir jeter quelques coups d’œil au corps du sportif achevait de l'exciter. Mais genre, pourquoi je me contenterais de juste regarder ? formula son esprit bouillant, il est sympa, 'dois y avoir des choses plus amusantes à faire.

« T'es encore poussé vers le haut ? Tu veux parier quoi que niveau taille ma queue met la misère à la tienne ? Un gage, ça te va ? » fit l'adolescent, toujours badin.

Un classique pour des footballeurs que de comparer la taille de leur engin dans les vestiaires. Sauf que Kåre en avait un peu davantage dans les idées. S'il n'était pas certain de triompher (même si, à en croire les légendes qui courraient sur les japonais, lui et ses plus que corrects dix-sept centimètres avaient de bonnes chances), il pourrait toujours tourner le gage en ce qui l'arrangeait.

Takeru ricana d'un air plutôt gêné à la pique de son ami, avant de s'en séparer le temps d'aller récupérer ses affaires. Il préparait toujours dans le hangar réservé à l'équipement un sac avec le matériel nécessaire pour une bonne douche, par peur que les filles ne fouillent dedans s'il osait commettre l'erreur de le laisser dans les gradins. Bien évidemment, sa cachette était découverte depuis longtemps, et parfois quelques repas accompagnés de lettres d'amour figuraient à côté. Aucune aujourd'hui.

De toute manière, alors même qu'il empoignait le nécessaire de toilette, savon et vêtements compris, ses pensées dérivaient sur la précédente réaction de son camarade. Peut-être n'aurait-il pas du l'attaquer en rigolant là dessus, cela aurait pu le mettre mal à l'aise ? Mais d'un autre côté, sa propre virilité lui faisait tourner la tête, et les filles n'en étaient cette fois-ci pas la cause. Pendant un court instant, il hésita presque à soulager ses pulsions sur place, mais sa conscience le rappela à l'ordre et il s'empressa de rejoindre les douches, des idées plein la tête.

Kare l'attendait en lui ouvrant la porte. Les dames d'abord ? Ahah, 'foiré ! répondit-il en rigolant légèrement comme à son habitude.

Arrivé au vestiaire, Takeru tenta de se changer les esprits en rangeant soigneusement les vêtements sales et ceux qu'il allait porter, puis se déshabilla tout aussi naturellement, habitué à être généralement seul et ne faisant pas plus attention que cela à sa nouvelle recrue qui se changeait juste derrière lui.

Lorsque Kare s'affairait à se déshabiller, il ne manquait pas non plus de zyeuter par dessus son épaule pour voir ou en était l'autre dans son excitation. Etait-il redescendu d'un cran, ou bien était-ce véritablement dirigé vers lui ? Tama du rapidement s'enrouler de sa serviette pour ne pas trahir la sienne, tandis que le suédois répliquait.

Hey, j'ai rien à compenser, Sprinter, j'suis parfait partout moi, hein !

Prenant exagérément la pose pour rigoler, Tama fit mine de gonfler ses bras pour faire le malin, écoutant toutefois attentivement son défi. Le ton employé par le suédois avait visiblement touché le sportif, et la gêne passait rapidement à un comportement plus joueur, jovial de franche camaraderie, tandis qu'en ricanant l'athlète libérait sa serviette avec un grand sourire aux lèvres, moqueur :

Héhé, fais gaffe, malheur aux vaincus hein !

L'amusement tourna vite lorsque 16 centimètres de virilité s'agitèrent devant Kare, ce qui malgré le gabarit du porteur n'était visiblement pas assez pour le battre. Malgré la différence visiblement peu élevée, il était flagrant que l'européen avait quelque chose de plus, et que le pari tournait en défaveur de celui qui l'avait relevé.

Hey, j'suis pas non plus au top de ma forme, hein, j'ai attendu dans le froid tout à l'heure, y'a eu une petite brise...

Embêté à l'idée de perdre, Takeru tenta vainement une gymnastique de son membre viril, cherchant à gagner une petite avancée qui lui arracherait la victoire de peu, mais se contenta de feindre l'ignorance en se détournant pour empoigner son savon et sa serviette, se dirigeant vers la douche d'une démarche pleine de contrariété.

Il était pourtant resté parfaitement dur pendant tout le passage, et il semblait évident qu'aucune fille n'avait cette fois pu déclencher une telle réaction, aussi s'adressa-t-il au suédois alors que l'eau commençait à couler, et que lui reculait pour ne pas commencer par un jet trop froid.

Je m'y connais pas trop en Ford, ou en voitures, mais l'eau est pas trop froide. Faudrait refaire les mesures, là, et puis c'était quoi le gage de toute manière, hein ?

Doucement, le sportif attendit son complice en se plaçant enfin sous le jet d'eau, appréciant à nouveau la sensation d'un corps sain tandis que le précieux liquide ruisselait sur les courbes de ses muscles, et que son narcissisme reprenait le dessus le temps d'une douche pour en apprécier chaque contour. Il ne parlait plus à son ami européen qui n'allait pas tarder à le rejoindre, et se contentait d'admirer sa peau en soupirant doucement, priant discrètement pour que la fureur animant sa verge douloureusement redescende un peu avant d'être démasquée...

Le ton assuré de Takeru manqua de faire perdre confiance à Kåre, qui était déjà en train de retravailler, dans sa tête, un stratagème pour arriver quand même à ses objectifs. Toutefois, en matière de dimension, il sembla que les japonais étaient destinés à rester définitivement derrière les suédois. C'est avec un sourire rusé que l'adolescent se retourna pour faire face à son camarade, et lui révéler le sexe qui lui assurait, d'assez peu, mais qui lui assurait quand même, la victoire. Comme ses aisselles, ses cuisses et son pubis était couvert d'un duvet blond. Sa verge, elle, non-circoncise et un peu plus foncée que le reste de son corps en raison du sang qui la gonflait, était longue sans être cependant très large.

Il ne se priva pas non-plus, sous-couvert du concours improvisé, de détailler l'instrument du jeune sportif. Pour un asiatique, difficile de trouver mieux… y'aurait moyen d'en faire quelque-chose, elle a du potentiel se dit-il à lui-même, sur le ton du commentaire de foot.  Malheureusement, le spectacle fut de courte durée, car celui-ci se rendit vite compte qu'il n'était pas de taille.

« Dommage… pour toi ! » s'exclama ravi le suédois en se dirigeant, nu, vers un des lavabos, où il aspira quelques gorgées d'eau.

En vérité, il n'avait même pas songé à apporter de gel-douche. Celui-ci était resté dans un autre sac de sport hors de prix qu'il avait chez-lui. Il ne s'en inquiéta pas : ce n'était qu'une infime occasion supplémentaire d'augmenter la promiscuité entre les deux étudiants.

« Super, j'arrive » lança-t-il. « Par contre, j'ai pas de savon. Tu me fileras le tien ? »

Si Takeru pensait s’acquitter de son gage avec ce prêt, il était loin du compte. Néanmoins, il n'était visiblement pas proche non-plus d'abandonner l'idée du concours, qui devait certainement le blesser dans sa virilité. À moins que ce ne soit autre chose ? Kåre sentait la chaleur lui monter à la tête… et cette chaleur là n'avait rien à voir avec la température ambiante, d'ailleurs rafraîchie par l'eau qui se mit à couler sur sa peau dès qu'il pressa le bouton. Contrairement à la décision qu'il avait prise de rester à l'écart sur les bancs, il avait choisi l'emplacement de douche juste à côté de celui de son camarade.

« On refait les mesures quand tu veux… » annonça l'adolescent en se tournant vers le jeune japonais.

C'est bon, je l'ai à coup sûr. Une main sur son épaule, il l'incita de même à lui faire face. Dans cette position, leurs sexes tout deux pleinement gorgés de sang n'étaient distants que d'une demi-dizaine de centimètres, et la légère différence manifeste. Kåre esquissa un nouveau sourire, plus grand et plus satisfait encore, alors qu'il écartait les bras, semblant dire « désolé ». Un instant songeur, il mima la recherche d'une idée.

« Un gage, ouais, mhhh… malheur aux vaincus, hein… » mais en réalité, l'idée était déjà toute trouvée : « T'as déjà sucé un mec ? »

Son ton était à peine sérieux, toutefois, dans les yeux verts du suédois se lisaient une excitation qui n'avait rien de simulée. Son cœur avait brusquement accéléré, alors qu'une tension au niveau des épaules l'obligea à quelques mouvements du haut du buste. Au pire, je peux toujours faire genre c'était une sale blague se rassura-t-il. Avec de la badinerie dans la voix, il justifia quand même assez son acte pour que le gage puisse être raisonnablement considéré par le perdant.

« Hey, allez quoi, j'suis chaud ! Puis… si tu me laisses venir dans ta bouche… je pourrais peut-être être sympa, après. »

Kåre riait toujours, mais sa main s'avançait légèrement pour venir frôler l'entrejambe du sportif. Soit je me fais remballer, soit c'est le début des choses sérieuses pensa le suédois, la tension montant dans ses veines alors que son regard émeraude ne quittait pas celui de Takeru.

Takeru grommela légèrement alors que son partenaire insistait sur sa victoire flagrante lors de leurs comparaisons, mais il semblait alors bien inutile de réaliser quelques mesures supplémentaires. Takeru ne gagnait simplement pas sur ce coup là, et le gagnant qui était en lui se faisait extrêmement mauvais perdant. Il n'y avait aucune raison qu'il perde un tel match avec cet européen, et de toute manière toute sa carrure était bien supérieure à la sienne : c'était tout simplement injuste.

Sentant la main du suédois sur son épaule, Tama fit doucement volte face, présentant sans gêne son corps entièrement nu ruisselant d'eau à la vue de l'autre jeune homme. Leurs membres étaient tous deux fièrement dressés, comme un ultime affront du vainqueur, avec tout juste quelques centimètres les séparant d'un point de non retour.

Frissonnant alors que l'autre l'effleurait, Takeru semblait être privé de mots pour lui répondre, un léger rougissement en permanence sur le visage tandis qu'ils observait le mandrin qu'on lui proposait de sucer. Il n'avait jamais fait de fellations à un homme, et n'en avait pourtant jamais reçu non plus. D'ordinaire, il aurait pris ça pour une blague de vestiaire, mais la tension dans l'air laissait bien comprendre que leurs affaires allaient devenir sérieuses. Deux jeunes hommes, excités, seuls et nus, il n'y avait pas grand nombre de possibilités pour un échappatoire.

Fronçant les sourcils, Takeru se laissa doucement aller sur ses genoux, ne se permettant même pas de répondre à sa victorieuse recrue. Il faisait désormais face au membre d'un autre homme de son âge, et ce pour la première fois. Il n'avait encore jamais prévu un tel dénouement dans cette rencontre, et il ne savait pas vraiment non plus par ou commencer, aussi se contenta-t-il de le prendre en main délicatement, du bout des doigts, pour venir le masturber en douceur, broyant du noir dans son fort intérieur en repensant à cette flagrante défaite.

Ses doigts s'appliquaient sur la base du gland, partie sensible, venant ramener un peu de la peau du chibre bandé vers son bout, repoussant le moment où les choses commençeraient vraiment. Il remuait plus ou moins vite selon ses pensées, mais l'excitation qui l'avait soumis à genoux avait vite fait de l'empêcher de réfléchir, alors même que sa bouche s'entrouvrait pour se rapprocher de l'appendice rougit par le sang et l'excitation.

Une langue timide vint s'appliquer dessus, râpant légèrement à son passage avant de se faire plus douce en glissant autour. L'odeur de sueur sportive ne semblait pas déranger plus que cela Tama, d'autant que le goût ne lui déplaisait pas forcément. Sa tête, embrumée, n'arrangeait rien, et les préliminaires ne semblaient qu'un début à la nouvelle amitié des deux athlètes.

Lorsqu'un simple tour de langue ne fut plus suffisant, il glissa sa main sur la base du sexe de Kare et commença à aspirant son gland entre ses lèvres, offrant un fourreau de chair pour s'en occuper avec sa langue, continuant de glisser lentement autour en négligeant toutefois sa hampe, se contentant de le maintenir dans sa bouche en commençant de très légers mouvements de la tête.

Il aurait bien continué de grommeler, mais la bouche pleine c'aurait été malpoli...