Il était la fin de l'après-midi. Le soleil se couchait doucement à l'horizon, embrasant de ses rayons rougeoyant les formes anguleuses de la zone industrielle. Dans un vieux hall abandonné depuis de longues années et condamné de toutes part, il fallait être une souris ou un oiseau pour se glisser entre les interstice trop petits des lourdes planches qui barraient les rares fenêtre que le propriétaire n'avait pas ait murer pour éviter les squatteurs. La politique s'était révélée efficace puisque l'endroit était à l'abandon et inoccupé.
L'intérieur était une simple zone vide au sol de béton nu, parsemé ça et là de piliers en fer rougis par la rouille soutenant la charpente métallique du toit. De gros tuyaux eux aussi couverts de rouille ainsi que des poutrelles ne valant guère mieux soutenaient les installations qui avaient jadis abrité une usine bourdonnante d'activité, aujourd'hui cadavre d'un géant mort, oublié, endormi.
L'endroit était aussi un lieu parfait pour autre chose de bien moins conventionnel : ici personne ne remarquerais les symboles tracés au sol et recouverts d'une fine couche de béton neuf les masquant aux regards. Ici, personne ne soupçonnerai ce que Tessia avait créé.
Ici personne ne soupçonnerai qu'il y avait un porte de téléportation lui permettant de rendre visite à ses sœurs en enfer. Ou pour aller ailleurs en fait.
Tessia pouvait sans autre se téléporter sur des distances pouvant atteindre les cent cinquante kilomètres mais il y avait une marge d'erreur et même en connaissant parfaitement où elle voulait aller, il suffisait qu'un crétin y mette une chaise pour qu'elle soit expédiée avec pertes et fracas dans un lieu aléatoire proche. Elle ne comptait plus le nombre de fois où, à ses débuts, elle avait fini dans l'appartement du dessus ou du dessous à cause d'un objet déplacé ou d'un souvenir flou.
Maintenant elle utilisait des portails pour couvrir les grande distances et ne se servait plus de ses téléportations que vers des zones spécifiquement choisies ou vers des cibles qu'elle pouvait voir au préalable.
Cependant, quand son vaisseau charnel émergea de la porte en cette fin d'après-midi dans un craquement sec dû au changement de pression entre l'air chaud, humide et surchargé de souffre des enfers et l'atmosphère froide et sèche de l’entrepôt, Tessia eut la surprise en remettant ses lunettes de voir qu'elle n'était pas seule dans la pièce. Portant son pull en laine bleu deux-tons et sa jupe claire, la succube se tourna pour regarder la nouvelle venue d'un air intriguée.
Elle ignorait depuis combien de temps elle se trouvait là, mais la démone la trouva plutôt jolie avec ses beaux yeux bleus et ses lèvres pleines. Ses vêtements étaient choisis avec soin, cela se voyait, pour la rendre séduisante, voir sexy, mais pas vulgaires pour deux clous.
M'a-t-elle vu ? Se demanda la succube avant d'hausser mentalement les épaules.
Après tout, si elle voulait raconter à qui voulait bien l'entendre qu'elle avait vu une femme apparaître dans un entrepôt vide et dont elle devait probablement avoir fracturé la porte pour entrer, c'était son problème. On la prendrais pour une folle, elle serait suivie par un psy et Tessia ne s'en porterait pas plus mal.
Lui adressant un signe de tête pour lui dire au-revoir, Tessia procéda à une autre téléportation beaucoup plus courte pour rejoindre l'extérieur du bâtiment et parti d'un pas calme en direction de sa voiture parquée non loin.