«
Et bien, tu vois, Juliette, c’est quand même mieux que de rester enfermée dans sa chambre pour étudier la magie, non ?! Tu ne trouves pas la vue spectaculaire, peut-être ? »
Pour seule réponse, Juliette hocha la tête de haut en bas, avec un léger sourire sur les lèvres. Oui… C’était une vue qu’on ne voyait pas à la capitale. Ashnard était entourée d’un épais désert rocailleux et ensablé. Or, à Nexus, on se trouvait au bord de la mer, et, quand Juliette était retournée à l’auberge,
Serafine, l’une de ses collègues, s’était empressée de venir la cueillir pour lui dire qu’elles allaient faire un tout le long d’une falaise. Prétextant ses livres, Juliette avait refusé, mais Serafine avait insisté, en lui disant que, si elles étaient à Nexus, c’était bien pour faire un peu de tourisme… Et, comme Juliette était ébranlée par sa rencontre avec Hécate, elle avait accepté, y voyant là un moyen de se détendre, et de penser à autre chose.
Serafine était son amie depuis plusieurs années. Elles s’étaient rencontrées ensemble à l’académie, mais Serafine, elle, n’était pas une enchanteresse. Elle était une magicienne à l’ancienne, avec la création de sorts magiques. Elle portait sur son corps des tatouages magiques, qui s’illuminaient au fur et à mesure qu’elle faisait de la magie. Les tatouages, de fait, étaient un grand classique dans l’apprentissage de la magie chez beaucoup de cultures. Serafine était originaire d’un clan tropical ashnardien, et avait, dès son plus jeune âge, manifesté des talents magiques. Le clan avait payé ses études, finançant le voyage vers la capitale impériale. Impétueuse et curieuse de tout, et déterminée, Serafine ne reculait devant rien. Elle était un peu le comportement opposé de Juliette, une jeune fleur timide et délicate. Même Serafine ne savait pas que Juliette avait une Maîtresse. Elle n’avait pas osé lui dire, même si elle sentait que, plus le temps passait, et plus elle lâcherait la mèche… Car elle lui avait dit que sa maître de stage, Madame Cryptinna (de justesse, elle ne l’avait pas appelé «
Maîtresse » !) était une femme merveilleuse.
«
Le mien est un vieux croulant qui a la vue qui baisse, et dont le seul souci est de me mettre une main au cul quand je passe trop près de lui ! »
La destinée de Serafine était de retourner auprès de son clan, afin de devenir la magicienne officielle de la tribu. Elle ne se faisait donc pas trop de souci pour son avancement professionnel, même si Juliette espérait bien la revoir plus tard. En attendant, elles observaient la mer, sentaient le vent remuer dans leurs cheveux, glissant le long de leurs corps, les faisant frissonner avec délice. Elles observèrent les bateaux sortant du vaste port, les multiples phares se dressant le long de la mer. Nexus était une ville immense, avec de multiples docks, des quais s’étalant sur des centaines de kilomètres, séparés ici et là par des falaises et par des forts militaires. La grande ennemie d’Ashnard était effectivement une cité très puissante, et, en la voyant, Juliette comprenait pourquoi les Impériaux voulaient mettre la main dessus. En un sens, elle était chanceuse de pouvoir s’y rendre. La guerre n’était toujours pas terminée, même si Juliette, en tant que petite idéaliste, la trouvait absurde.
Elles continuèrent à observer la mer, puis rebroussèrent ensuite chemin. La journée commençait à se terminer, et Juliette était sûre que Décatis était maintenant arrivée…
*
Elle m’a probablement laissé un message…*
Elles se retrouvèrent donc dans l’auberge.
«
Tu sais qu’il existe un harem dans cette auberge ? »
Devant cette question, totalement inattendue, Juliette se mit à rougir, et se mordilla les lèvres.
«
Pourquoi tu me dis ça ? -
Oh, juste comme ça, pour ta plus complète information… »
Serafine avait sur les lèvres un sourire moqueur, des plus amusés, comme si elle savait très bien l’effet que sa petite phrase provoquerait chez Juliette. Cette dernière soupira, et suivit la femme vers l’un des salons. L’auberge du Coucher de Lune était très grande, et il y avait donc plusieurs salles où les clients se rejoignaient, que ce soit ceux ayant loué une chambre, ou juste des gens venant de la ville. Juliette avançait donc, mains dans le dos, une cape noire avec capuche recouvrant son corps, permettant toutefois de voir sa belle robe blanche. Elle rougissait à chaque fois qu’un client (ou une cliente) la regardait, baissant les yeux. Serafine avait fini s’asseoir près d’une table en bois. Juliette regarda l’aubergiste, et avança vers le comptoir, afin de savoir si un message n’avait pas été délivré à son intention.
Perdue dans ses pensées, elle ne vit pas la forme arriver sur sa droite, et heurta une paire de poitrine. Juliette sursauta et glissa sur sa cape.
«
Aaaah !! »
La courageuse femme tomba sur les fesses, sa capuche se retirant d’un coup, et, en clignant les yeux, elle vit, devant elle, une femme dans une longue robe rouge. Ses yeux filèrent de ses jambes jusqu’à sa tête, son visage exprimant peu à peu une surprise croissante… Jusqu’à ce que son regard croise celui de Décatis, et que Juliette ne se mette à rougir.
«
Maî… Maîtresse ?! » murmura-t-elle, sous l’effet de la surprise.
Et, bien évidemment, elle se mit à rougir comme une pivoine.