Trevelyan n’était pas un simple chasseur idiot et imbécile, qui se lançait à la traque d’êtres surnaturels sans réfléchir. Il s’était longuement renseigné sur les fées, et il savait qu’elles étaient de plusieurs types. Peu farouches, certaines se terraient dans les profondeurs des forêts, refusant tout contact avec les humains, qu’elles voyaient comme des personnes dangereuses, ou ne se rapprochant guère que des jeunes enfants. Ces fées étaient souvent des fées espiègles, jeunes au sein de leur race, et qui préféraient aller voir des enfants, en pensant qu’ils ne leur feraient jamais de mal. Inversement, il existait aussi d’autres fées qui n’hésitaient pas à mettre au service d’une communauté leur potentiel magique. Trevelyan avait donc commencé par aller à Lonbraunt, avant même la traque. Il s’était rendu dans les régions environnantes, avec ses meilleurs éléments, des espions, et avait ainsi appris qu’il existait une fée, allant voir certaines communautés, essentiellement celle de Lonbraunt. C’est ainsi qu’il avait concentré sa traque à Lonbraunt, tout en sachant que la femme se réfugierait dans la forêt.
Loktar avait servi à l’armée d’Ashnard il y a longtemps, et avait suivi une formation à l’Académie militaire impériale, académie qui avait fait de lui un soldat talentueux, avec des pouvoirs magiques latents… Il s’en était servi pour devenir un éclaireur et un pisteur, partant en avant pour planifier la route des grands régiments et garnisons impériales. Une activité assurément noble et importante, mais avec une paye décevante, et des risques trop importants. Trevelyan n’était pas un couard, mais, quand il avait participé à une guerre contre Nexus, au siège d’un superfort, l’enchaînement interminable de milliers de morts face à des murs gigantesques et colossaux, les batailles durant des jours, où les vivants finissaient par piétiner les morts pour avancer, Trevelyan avait compris que sa place n’était pas ici. Il avait tenu son engagement militaire, ne l’avait pas renouvelé, et avait rejoint le privé, afin de mettre à profit ses compétences de chasseur et d’éclaireur. Il était ainsi devenu un Traqueur, et c’était en tant que tel qu’il avait fini par être embauché par une guilde ashnardienne spécialisée dans l’esclavage. Pendant des années, il avait traqué et capturé des esclaves en fuite, puis, progressivement, avait développé et diversifié son activité, au fur et à mesure qu’il faisait preuve de ses talents auprès de son employeur. De tels talents allaient lui servir en ce moment, et il les utilisait pour traquer cette fée.
Il sentait sa puissance, sa présence, imprégnant la forêt… Mais même lui n’était pas assez fort pour pister cette fée, et c’était pour ça que son employeur avait mis avec eux une femme connue pour pister des cibles, une Ranger,
Djöll, une succulente et dangereuse Drow. Trevelyan n’aimait pas trop l’idée de faire venir une étrangère dans son groupe, dans sa formation, mais l’employeur avait estimé que c’était le seul moyen de mettre sur la piste de la fée cette dernière. Djöll venait d’une puissante cité drow de l’Underworld, qui appartenait à l’Empire d’Ashnard. Trevelyan avait vu que Djöll était une femme solitaire, mais avait surtout senti l’excitation de ses hommes devant cette femme. Belle et sensuelle, comme une Drow se devait de l’être, faisant tourner les têtes des hommes… Au grand dam de Trevelyan, qui craignait de voir ces derniers oublier leurs missions, et se mettre à faire des actes qu’ils regretteraient assurément par la suite… Comme tenter de la baiser. Le pire était toujours à craindre quand les hormones se mettaient à parler.
«
Je l’ai senti… Elle est dans la forêt. »
Les braconniers étaient divisés en plusieurs équipes, et Trevelyan se tenait, avec Djöll et plusieurs hommes, près de belles cascades, devant un petit lac. Elle était assise en tailleur devant ce lac, méditant, s’imprégnant de l’esprit de la forêt, afin de sentir cette fée. Djöll était certes une Drow, mais seulement d’une moitié : sa mère était une dryade, et son père un Drow. Grâce à ce côté dryade, elle se sentait relativement à l’aise dans une forêt. La femme se releva lentement, puis Trevelyan hocha la tête, satisfait.
«
Alors, allons-y sans tarder… »
Trevelyan se méfiait des grandes forêts comme celle-ci, craignant que des loups ou des arbres tentaculaires ne les attaquent sans prévenir. La prudence était de mise, et il s’avança donc, rapidement, sur les pas de la Drow, ne pouvant s’empêcher, malgré lui, de loucher sur la vue rebondissante et délicieusement agréable de son postérieur. Il fallait bien savoir se faire plaisir dans la vie ! S’écartant des sentiers, Djöll s’enfonça dans les profondeurs de la forêt, auprès d’immenses arbres centenaires. Les branches fouettaient leurs visages, et Trevelyan continuait à suivre, jusqu’à atteindre la zone recherchée.
Depuis un petit promontoire rocheux en hauteur, ils voyaient, plus loin, un arbre… Avec un trou au milieu. Le genre d’endroits où les hiboux se nichaient.
«
Elle est là-dedans, murmura Djöll.
-
Vous en êtes sûre ? »
Pour toute réponse, Djöll tourna la tête vers lui, fronçant les sourcils comme si elle se demandait si elle n’allait pas le tuer tout de suite. Capturer un être si rapide et si petit ne serait pas une mince affaire, mais, si elle était bloquée dans ce trou, il avait une idée. Il fit signe à l’un de ses hommes de s’approcher. C’était un fin archer, un ancien chasseur provincial qui abattait des biches et des daims. L’homme déploya son arc, le bout de la flèche tenant un petit filet, et il tira juste au-dessus du trou. La flèche se nicha contre l’écorce de l’arbre dans un *
SCHTAC !* sonore, puis le filet en contrebas se déploya d’un seul coup, venant s’accrocher à d’autres parties de l’arbre, obstruant le trou. Les mailles du filet étaient très étroites, ne pouvant laisser passer que de petites mouches, et Trevelyan et ses hommes se dépêchèrent de descendre, afin de se rapprocher du trou, sans s’embarrasser de rester silencieux.
Les observant, en restant dissimulée dans l’ombre, Samara attendait son tour. Pour l’heure, tout se déroulait comme prévu !