Vian jubilait. Bien loin de vexer l'esprit follet par leur impudence, les propos d'Hirondelle le ravirent au plus au point. De la colère, de l'indignation, du refus, enfin, il réussissait à susciter quelque-chose ! Ni le julida aux dizaine de pattes, ni le crapaud à la bave immonde, ni l'étreinte de l'araignée n'étaient parvenus à faire réagir émotionnellement l'intruse ; pas même la brève mais violente torture qu'il lui avait fait subir. Toutes ses tentatives s'étaient soldées par des échecs. Mais après tous ces efforts, il avait finalement trouvé la corde sensible. Il ne lui restait plus qu'à l'exploiter, et à voir jusqu'où le courroux de sa jeune prisonnière pouvait aller.
– J'ai assimilé les règles de ton jeu. J'ai donné un ordre et tu as refusé de le respecter. C'est une faute, et étant ton maître, je suis en droit de te punir comme tu sembles me supplier de le faire, de la manière qui me plaira. J'ai choisi. J'ai choisi de mettre en défaut tes dernières paroles. Personne ne naît avec la volonté d'être un homme ou une femme, ceci est juste.
L'esprit follet marqua une pause. Il préparait ses mots, cherchant à être violent et solennel. Il savait que les humains étaient plus enclins à recevoir des ordres de ceux qu'ils considéraient comme à la fois impressionnants et sûr d'eux. Sa voix perdit plusieurs ton, devenant beaucoup plus grave ; un léger écho accompagnait ses paroles, lui donnant la profondeur d'un sermon.
– Mais l'acceptation de son corps pour ce qu'il est constitue la première des leçons qu'un être de chair comme toi devrait apprendre. Nier sa nature est la plus odieuse et déliquescente des façons de se mentir à soi-même. La corruption de l'esprit ne change en rien ce qui est intrinsèque à l'enveloppe. L'erreur a décomposé la charogne de tes croyances mais ta véritable origine est hermétique à sa pourriture. Cette hypocrisie pitoyable doit cesser. N'ai crainte, je vais t'y aider.
Il la regardait d'un air sévère, ses yeux bruns braqués dans les siens. Vian parut se concentrer seulement une seconde… et une énième fois, l'épiderme d'Hirondelle scintilla. Le premier changement notable fut sa poitrine. Les petits seins reculèrent et s'élargirent, formant le torse plat d'un jeune homme, toujours aussi délicat, mais donc les pectoraux qu'on pouvait distinguer sous la peau étaient indéniablement masculins. Toutes ses plaies, y compris ses blessures aux jambes, disparurent sans laisser de trace autre que de légers fourmillements.
Ses hanches ne bougèrent pas, mais son sexe, en revanche, grossit beaucoup. La minuscule verge avait quintuplé de longueur, et presque triplé de largeur, sans même se trouver en érection. Les testicules avaient également gonflé, mais cela se voyait un peu moins… car la zone pubienne et tout l'intérieur de ses cuisses se couvrirent d'une toison noire et légèrement bouclée. Ses aisselles, ses avants-bras et le bas de son ventre furent victime du même phénomène, laissant un liserais de poils remonter de son entrejambe à son nombril. Cette pilosité était d'une densité parfaitement normale pour un homme de son âge, mais le teint très pâle de sa peau la faisait particulièrement ressortir.
Finalement, l'esprit follet agita le bras, et Hirondelle put sentir un très léger poids appuyer sur ses oreilles. Sa tête venait de s'orner d'une couronne de lierre, qui formait un cercle tout autour de son crâne. Les tiges sinueuses de la plante grimpante enchevêtrèrent sa chevelure trempée, s'y agrippant fermement. Le métamorphe s'autorisa même la fantaisie d'y laisser pousser une belle fleur blanche, aux pétales simples, proche de sa tempe gauche.
– Alors, comment se sent-on, beau prince ? s'amusa Vian.
Son expression était redevenue plus joueuse, son visage plus jeune. Il souriait, l'air particulièrement content de lui.