Pendant quelques secondes, en voyant l’atmosphère se déformer brusquement autour d'elle sous l'effet de la chaleur, Stella crut qu'elle allait mourir. Elle se demandait si elle aurait encore plus mal qu'à cet instant. La température qu'on appliquait à la partie la plus délicate de son anatomie augmenta brièvement encore de quelques degré, la faisant cette fois crier de douleur. Mais enfin, l'embrassade meurtrière de Ludya se desserra, et l'extraterrestre tomba sur le côté.
L'adolescente, elle, se recroquevilla sur elle même, les mains plaquées entre ses jambes. En appuyant, elle arrivait à contenir légèrement la souffrance qui refluait par vague jusqu'à son crâne, lui arrachant quelques pleurs. Sa respiration était rapide et saccadée, mais tout le reste de son corps était contracté.
Égoïstement, elle était soulagée que la torture cesse enfin. Sa douleur irait décroissant, maintenant, même si elle en garderait peut-être des séquelles pendant plusieurs semaines, sinon davantage. Pour le moment, elle ne s'en souciait pas vraiment, bien trop heureuse d'être encore en vie. Mais sa satisfaction ne dura pas, lorsque son esprit, après avoir cessé de s’apitoyer sur elle, se rappela qu'il y avait une deuxième victime.
« Je suis désolée… Ludya… pardon, pardon… » parvint-elle à articuler faiblement, les dents serrées.
Sa conscience lui fit oublier momentanément à quel point elle avait mal, et lui permit de ramper jusqu'à l'extraterrestre. Horrifiée, elle comprit que les plaies s'étaient de nouveau ouvertes et que le sang s'était remis à couler. Elle attrapa la tête de Ludya entre ses mains, la maintenant un peu au dessus du sol, et l'amena doucement contre elle.
« Meurs pas, s'il te plaît… meurs pas… pardon… »Elle n'avait plus la force ou les outils pour pratiquer une deuxième opération. Il ne lui restait que la position latérale de sécurité. Pour la première fois de sa vie, elle ressentait du désespoir, et plus de honte qu'elle n'en avait jamais sentie. Elle était destructrice, elle se détestait. Elle aurait voulu être sage et raisonnée comme son frère. Elle sanglota en entendant les mots de l’extraterrestre, qui sonnaient comme des dernières paroles, et son appréhension redoubla encore lorsqu'elle constata que son corps refroidissait. Incapable de se déplacer, elle se serra contre lui tentant de lui faire partager un peu de chaleur.
« C'est moi qui mériterais de mourir… c'est de ma faute, Ludya… je suis tellement désolée… »
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_______________________________________________________« Tu vas pas lui faire du mal, papa. Il nous a sauvé la vie. »Au volant de son quatre-quatre Derways noir, Andréi ne dit rien. Parti à la recherche de ses enfants sur un mauvais pressentiment, il avait croisé son fils alors qu'il repartait en sens inverse. Celui-ci lui avait tout raconté de l'attaque, y compris l'intervention de l'extraterrestre. Peeter savait qu'il était de toute façon presque impossible pour lui de cacher quelque-chose à son agent secret de père. Si ce dernier avait réussi à vivre dans le mensonge la moitié de sa vie, ce n'était pas pour rien.
« C'est là, dans la ruelle. »L'hôte originel du ver noir avait immédiatement décidé d'aller récupérer sa fille. La laisser seule avec un alien pyromane dans le quartier le plus dangereux de toute la ville lui paraissait une idée tellement absurde qu'il reconnaissait bien là son duo d'intenables jumeaux. Il avait déjà essayé de les enfermer dans leur chambre, pourtant, mais aucune serrure ne leur résistait très longtemps… et il n'allait quand même pas les attacher.
La grosse voiture s'arrêta, et l'homme sorti. C'était un européen de deux-mètres, à la musculature de culturiste, habillé à la vas-vite d'un costume de ville. À ces exceptions près, il ressemblait assez à ses enfants. Il avait un visage presque juvénile mais dur. Il vit sa fille immobile, serrée contre un individu bronzé et nu. Méthodiquement, il poussa ce dernier sur le côté, mais rencontra une résistance.
« Occupez-vous de lui. Moi… moi je vais bien. »Andréi ne voulut rien savoir, et manipula délicatement mais fermement le corps pour dégager celui de Stella. Il fronça les sourcils. Peeter, lui, se précipita et s'agenouilla devant l'extraterrestre.
« Papa, il saigne. Faut qu'on l'aide. »Le jumeau remarqua le changement de l'entrejambe de son sauveur et son visage s'assombrit, jusqu'à en devenir méchant. Il jeta un regard assassin et froid à sa sœur et lui cracha :
« Putain mais Stella t'as foutu QUOI ?! »
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_______________________________________________________La pièce avait des murs bleus : une fenêtre, dehors, donnait sur un jardin vert où se dressait un grand érable. D'un petit cube gris posé sur une table de chevet sortait une musique douce,
la onzième sonate pour piano de Mozart. Peeter avait lu que ce morceau améliorait le rétablissement. Le son, malgré l'étrangeté de l'appareil, était excellent. Feutré, il emplissait toute la salle sans pourtant être fort.
Au milieu de la pièce, il y avait un grand lit pour deux personnes, aux draps blancs. Au milieu du lit, il y avait un jeune homme à la peau basanée. On avait glissé sous son cou un édredon également immaculé, sur lequel sa tête reposait tranquillement. Devant-lui, il y avait une armoire coulissante avec un miroir. Celui-ci reflétait le mur du fond, qui était une reproduction géante d'
un tableau de Vladimir Gusev. Il flottait dans l'air une odeur sucrée.
Sous les draps, l'épiderme de l'extraterrestre était impeccable, sans une trace de sang. On avait précautionneusement lavé sa peau avec un savon doux, et on avait retiré tous les grossiers fils de suture. À la place, ce qui avait été des plaies étaient refermées par un peu de colle chirurgicale, et n'étaient plus que des petites lignes un peu rouges, parfaitement propres et qui semblaient déjà à moitié cicatrisées. On avait pas osé lui faire de perfusion, mais après analyse de son sang, on lui avait injecté un antibiotique pour être certain qu'il se remette bien.
Assis sur une chaise, à côté, Peeter lisait un épais ouvrage d'astronomie « Les étoiles à portée de main ». Le jumeau blond était absorbé par sa lecture, mais jetait régulièrement des coups d’œil inquiets vers l'extraterrestre endormi. Il baissait aussi de temps en temps les yeux vers un petit moniteur sur le sol qui sans aucun contact mesurait l'activité cérébrale et cardiaque du Ludya. Il avait dû le modifier un peu pour tenir en compte la parité de l'organe, mais à présent il fonctionnait bien. Rassuré par ce qu'il voyait, l'adolescent se remit à lire.