Le coup de « Liam » était tel que même avec ses réflexes, elle ne parvint même pas à lever un bras pour se défendre. L’impact la fit tomber sur le sol, et elle gémit de douleur en posant immédiatement une main sur sa joue rougie pour tenter d’en atténuer la douleur. Le coup lui avait fait beaucoup plus mal que ce à quoi elle était habituée, et elle en avait encaissé, des coups, par le passé. Elle tenta tant bien que mal de reculer, mais elle buta contre le lit, et l’homme l’agrippa par la nuque et la souleva de terre pour la plaquer contre un mur. Elle hoqueta, l’air s’échappant de ses poumons. Malgré la brume de son esprit, qui tentait de se convaincre que ce n’était qu’un morpheur, pas le véritable Liam, alors que tous ses sens reconnaissaient l’homme, elle eut le temps de voir sa main s’approcher de son corps, et elle perçut ses intentions. Elle leva des mains faibles pour l’empêcher de poursuivre, mais elle ne parvint à motiver aucun muscle. Elle n’était présentement qu’une femme sans défense et sans force. Peut-être que c’était une précaution magique pour protéger les esclaves des abus des clients, ou alors son cerveau bloquait, assumant qu’elle méritait ces traitements. Les vêtements se déchirèrent sous la force brute de « Liam », et elle se retrouva en sous-vêtements, dans sa nuisette bleue. Elle ne portait pas de vêtements aussi décontractés, normalement, étant quelqu’un de plutôt réservé, mais quand elle n’avait pas à rencontrer Mordred, elle se permettait parfois ce genre de coquetterie, bien cachée sous sa tenue presque militaire. Elle y jeta même un coup d’œil, alors que l’air froid sur ses cuisses nues provoque un frisson sur sa peau lisse.
Il lui hurla ses reproches, la maudissant et lui reprochant d’avoir rompu leurs promesses. Elle voulut se défendre, dire quelque chose, mais la culpabilité lui enserra la poitrine, la contraignant au silence. Elle qui n’était pas femme à pleurer, deux larmes s’échappèrent et glissèrent sur ses joues. Elle regarda l’homme dans les yeux, essayant de trouver chez lui un soupçon de bonté. Liam n’était pas un homme mauvais, mais il pouvait être terrible dans sa colère, et dans les yeux de l’homme, il n’y avait que de la rage; il lui en voulait vraiment. C’est alors qu’elle sentit une main s’aventurer sous la nuisette pour pétrir son sein droit.
« Qu’est-ce que vous faites…? Arrêtez…! »
Assez inhabituel pour elle d’être aussi vulnérable, mais avec tout ce que le morpheur avait capté d’elle, de ses souvenirs, il en avait visiblement hérité la force physique; Liam avait toujours été costaud, malgré sa silhouette. Ainsi plaquée contre le mur, elle n’avait aucune façon de lui opposer une véritable résistance.
« Je n’ai trahi personne… c’est faux… vous savez que j’aurais tout fait pour vous protéger! »
Elle plaqua ensuite ses pieds contre le mur et forca contre la main de son opposant, le repoussant de sa force brute. Elle parvint à le renverser, et passa par-dessus lui, roulant sur son dos, pour ensuite se relever. D’une main, elle cacha sa poitrine, visible au travers de la fine nuisette, ses longs cheveux noirs tombant sur son corps. Mais elle se sentait faible, fatigué. « Est-ce que c’est le morpheur qui… » C’était possible. Ils étaient comme des éponges, et beaucoup de mystères continuaient d’entourer ces êtres surnaturels. Peut-être que leur magie drainaient leur cible pour leur permettre de mieux correspondre à la vision qu’elle avait d’eux. Elle tremblait de faiblesse, et sa jambe droite se déroba sous elle, la forçant à s’agenouiller. Son cou portait encore la marque des doigts de l’homme, tout comme sa joue. Ce n’était pas normal. Elle n’avait jamais été blessée ainsi, des blessures aussi légères n’auraient même pas dû laisser des traces. Était-ce ainsi que les autres se sentaient devant elle? Faibles et démunis? Et Liam, le voyait-elle vraiment plus grand et plus fort qu’elle-même? Oui, assurément. Un oiseau ne ferait jamais fier allure devant un lion, après tout.
***
« Hum… Oui, tu peux, Shion, mais… je veux bien dormir avec toi cette nuit pour te consoler, mais tu dois savoir que… Je ne suis jamais seule dans ma chambre… Bien sûr, tu pourras dormir dans mon lit, mais… Je ne voudrais pas que tu sois choquée par ce que tu verras… Encore qu’il n’y ait rien qui ne soit vraiment choquant dans ma chambre… »
Elle n’était pas bien instruite dans le domaine, mais elle parvenait sans trop de mal à comprendre ce que Melinda essayait de lui faire comprendre. Elle avait des compagnes de chambre, en ce moment. La jeune esclave hocha donc timidement de la tête, consciente qu’elle ne pouvait évidemment pas demander raisonnablement à sa maîtresse de vider les locaux pour qu’elle puisse dormir sur ses deux oreilles, ne comprenant pas que Mélinda aurait probablement fait une petite exception juste pour cette fois-ci. Sachant qu’elle ne pouvait pas éternellement garder sa maîtresse pour elle-seule, elle prit tout de même le temps de l’observer. Assurément, Mélinda était jolie, soignée, mais quelque chose chez elle imposait une peur indescriptible, un sentiment de danger imminent qu’elle ne parvenait pas à comprendre. Aurait-elle eu quelques connaissances magiques qu’elle aurait compris que Mélinda était effectivement redoutable, autant en tant que femme importante d’Ashnard, mais aussi en tant que prédatrice, et pas seulement racialement parlant; elle avait en elle une chose que Shion redoutait particulièrement, c’est-à-dire de la masculinité. Les sens magiques de la jeune femme, en raison des récents événements, considéraient cette masculinité comme un danger potentiel, car c’était ainsi que Shion le verrait elle-même si elle était consciente.
Au bout de quelques minutes, une des esclaves de l’établissement vint la chercher, affirmant à Melinda qu’une seule garde serait placée devant la porte de la jeune et nouvelle esclave pour assurer sa sécurité, elle-même n’ayant aucun moyen d’entrer sans l’autorisation de la demoiselle. Hésitante à suivre l’étrangère, elle accepta de se soumettre sans émettre ses craintes, décidant qu’elle avait assez abusée des bonnes intentions de Mélinda. Elle s’approcha donc de sa « collègue », non sans jeter un dernier regard vers la maîtresse des lieux, et si ses lèvres s’entrouvrirent pour dire quelque chose, elle ravala ses paroles et s’éclipsa avec l’autre esclave.
Au bout d’une petite dizaine de minutes, la servante de Melinda s’arrêta fermement devant la petite Shion, devant une porte gardée par une femme de petite stature. L’autre esclave se tourna vers Shion et la toisa d’un regard qui fit frémir la jeune femme de peur; elle était en colère contre elle, mais pourquoi?
« C’est ta chambre. C’est rare que Melinda fasse de telles faveurs à une nouvelle. Estime-toi chanceuse, pucelle. »
La Garde ouvrit la porte en silence, et l’esclave agrippa le bras de Shion, qui lâcha un cri d’horreur et de surprise à ce contact, des images apparaissant soudainement dans son esprit lui rappelant les maltraitances des hommes de tantôt. Elle se débattit, essayant de se défaire de la prise de sa semblable, mais celle-ci se contenta de l’envoyer brutalement derrière la porte de la chambre. Trébuchant dans la couverture qui lui avait été prêtée sous la violence de cette femme, la demoiselle à la peau de neige s’effondra, échappant le seul morceau de tissu qui protégeait encore sa pudeur dans sa chute, s’étalant de tout son long sur le sol avec violence, alors que de violents spasmes dû à sa terreur la prenaient sauvagement. Sa respiration s’accéléra, tout comme son pouls, qui battait si fort à ses tempes qu’elle avait l’impression que son cœur allait la lâcher. Elle tenta de bouger les bras pour se relever, mais son corps refusait de lui obéir, complètement tétanisée par son trouble mental. Elle parvint néanmoins à bouger la tête et dirigea son regard vers la porte, qui commençait déjà à se refermer derrière elle. Celle qui l’avait poussée à l’intérieur s’était déjà retournée et s’éloigna. Dans le couloir, elle l’entendit néanmoins parler.
« Sérieusement, je parie qu’elle a provoqué tout ça pour avoir sa chambre. Salope opportuniste, la Maîtresse aurait mieux fait de la laisser croupir là d’où elle vient. Elle ne doit ça qu’à sa virginité et à ses petits airs. La maîtresse a vraiment un faible pour les fillettes sans défense. »
La porte se referma finalement, et plus aucun son de l’extérieur ne lui vint. Une minute, peut-être deux, passa avant que les muscles de Shion n’acceptent de lui obéir, et elle se releva, difficilement, sur ses coudes pour se mettre en position assise. La vue embrouillée par les larmes, elle se retint d’éclater en sanglots, malgré son esprit troublé. Elle qui était pourtant habituée à des mauvais traitements, elle se retrouvait vulnérable et incapable de contrôler ses élans émotionnels. C’était peut-être les effets de son viol, ou simplement parce qu’elle était hors de sa zone de confort, sans le moindre repère à lequel se raccrocher. Mais elle ne voulait pas se laisser abattre. Si sa vie devait être difficile, ce n’était pas avec des larmes qu’elle l’améliorerait. Plutôt que de recommencer à se morfondre, elle se releva enfin sur ses pieds, malgré son fragile équilibre, et examina les environs, les bras ramenés contre sa poitrine pour se réchauffer. Cette vilaine femme ne lui avait même pas laissé sa couverture.
Par chance, ceux ou celles qui avaient préparé la chambre lui avaient laissé une jolie petite robe de chambre en coton, là, bien en évidence, sur le lit. Elle hésita un moment, puis elle se rapprocha de sa nouvelle couche pour s’emparer de l’habit et l’enfila rapidement, comme si elle craignait qu’on ne tente de le lui retirer, et une fois vêtue, elle se sentit davantage détendue. Ce n’était pas des vêtements convenables pour se présenter devant qui que ce soit, mais au moins, pour cette nuit, elle n’aurait pas à dormir nue. Surprise par cette propre réflexion, elle tenta de retirer ses vêtements pour se mettre à l’aise pour le repos, mais ses mains refusèrent de lui obéir, n’arrivant même pas à se contraindre elle-même à retirer la ceinture qui la gardait chaste. Pantelante après sa tentative, elle poussa un long soupir.
« Il faudra pourtant que je le fasse tôt ou tard… je ne peux pas rester toujours habillée…! » songea-t-elle à mi-voix, presque découragée par sa propre lâcheté.
Finalement, trop fatiguée pour continuer à se débattre avec ses hantises mentales, elle se laissa simplement tomber sur le lit et s’empara d’un oreiller, qu’elle serra alors contre sa poitrine, un autre placé sous sa tête. Elle n’avait jamais eu de lit aussi grand, c’était la toute première fois… et pourtant, elle ne parvenait pas à s’en réjouir. Sa nouvelle situation, l’agression de la veille, la jalousie de l’esclave de tantôt… tout cela suffisait à lui ruiner les rares bonnes choses qui lui étaient arrivé cette dernière petite heure. Passant sa langue sur ses lèvres pour les humecter, elle y détecta alors le goût de celles de Melinda. Le visage de sa maîtresse lui apparut alors, et elle rougit timidement en resserrant l’oreiller contre sa poitrine. Peut-être involontairement, ou par désir de se rassurer, elle promena sa langue sur ses lèvres rosées pour y trouver le goût des lèvres de Melinda, y trouvant un certain réconfort. Pas assez pour s’endormir, mais juste assez pour qu’elle cesse de trembler.