- Si tu perds, tu vas aux Enfers !
Ce genre de défis stupides, Oneiros les adorait. Quand il se retrouvait chez Dionysos, le jeune dieu n'avait pas son pareil pour boire et jouer. Des vices que personne ne pourrait jamais lui pardonner, selon sa mère. Lui vivait très bien ainsi. Boire, il s'y était habitué petit à petit, et pouvait désormais se targuer de très bien tenir l'alcool. Dionysos était un très bon professeur, sur ce point. Il ne comptait plus les fois où ce dieu lui avait fait redécouvrir les plaisirs de la boisson. Jouer, c'était son péché mignon. Il ne pouvait pas s'en empêcher. Perdre, par contre …
- Oneiros, tu as perdu.
- Dis pas de conneries.
- Mh. Mh. Mmmh.
La petite prêtresse face à laquelle il jouait ricana. Il la regarda ranger les dès, et poser ses coudes sur la table. C'était une belle journée, et beaucoup de prêtresses rongées par l'ennui s'étaient réfugiées ici. Dionysos avait comme réputation d'être un maître de maison excellent. Il fournissait à boire, à manger, de quoi jouer, tout et n'importe quoi. Il y avait toujours de l'agitation, comme si personne ne dormait jamais, ici. Quand on lui parlait mariage, responsabilités, enfants, il venait chez Dionysos et se remplissait le crâne de substances. C'était foutrement bon.
- T'as perdu, répéta t'elle
- J'dois faire quoi, alors ? Comme la dernière fois ? J'en ai marre de devoir descendre sur Terre à chaque fois, riposta le jeune dieu.
- Tu vas aux Enfers, j'ai dit.
- C'est une blague ?
La petit blonde le dévisagea, les sourcils arqués. Non, ça n'en était pas une.
- Tu vas me ramener un bijou qui appartient à Hadés.
Oneiros écarquilla les yeux. Hadés, fallait pas trop le chercher. Quand Héra et lui s'entendaient bien, il pouvait se permettre toutes les conneries, mais un froid s'était installé entre eux, récemment. Depuis, il évitait de faire trop le con. 'fin, là, il n'avait pas vraiment le choix. Sans un mot, tout sourire, le jeune dieu quitta les lieux, se dirigeant d'un pas assuré vers les Enfers. Oh, il aurait bien fait demi-tour, histoire de voler un bijou quelque part et de prétendre qu'il venait de chez Hadés. Mais Oneirsos avait sa petite fierté. Il esquiva les regards, quittant à pas de loups Olympe.
Direction les Enfers.
Sur le chemin, il brouilla l'esprit de quelques créatures plus ou moins vivantes, afin de passer inaperçu. Il connaissait la route sur le bout des doigts. Avancer ici, tourner là, éviter les gardes, surveiller ses arrières. Même s'il n'avait pas emprunté cette route depuis un moment, il avançait à l'instinct. Il n'avait de cesse de se dire qu'il n'avait pas vu Hadés depuis longtemps, qu'il se prendrait sûrement une belle raclée si on le trouvait, mais il n'avait pas peur. Jamais. Oh non. L'adrénaline ne l'angoissait pas, elle l'amusait. C'est sur ces belles pensées qu'il s'introduisit, finalement sans trop de problèmes, chez Hadés. Depuis qu'il maîtrisait l'hypnose, Oneiros n'avait plus peur de rien. Un regard, et il avait le contrôle. Enfin, pas sur les dieux, mais tous les autres, oui.
- J'suis toujours là, j'ai pas bougé. 'Pouvez allez faire vot' rapport à mon père.
Le jeune dieu cessa de marcher. Il y avait quelqu'un ? Il aurait préféré que la pièce soit vide, quitte à piquer un bijou. Depuis quand le dieu des morts avait-il de la compagnie ? Hadés avait toujours été un solitaire. Piqué par la curiosité, il fit un pas, puis un autre, afin de mettre un visage sur cette voix. Elle avait parlé d'un « père », mot qui tournait dans sa tête. Olympe et ses histoires habituelles de paternité … C'était tout un débat.
Et il la vit. Enfin, il vit ses cheveux, enflammés, la balle gluante qui flottait dans les airs, le livre épais et poussiéreux, et tout un corps qu'il n'avait jamais vu. Il ne parvenait pas à faire le lien entre elle et Hadés. Que faisait-elle là ? Depuis combien de temps était-elle là ? Pourquoi ? Il n'avait jamais entendu parler d'elle, et pourtant il avait d'excellents contacts. Un brin mafieux, ce môme, oui, certes.
- Qui es-tu ?
Le ton n'était pas agressif, loin de là, il était juste … curieux, amusé. Oneiros venait d'entrer dans la pièce, vêtu d'une de ses toges habituelles, très blanche, très pure, qui tranchait avec sa petite gueule de gosse insolent.