Le Croc et le Trident [Cinis]

Leazas, la cité libre, le refuge des réprouvés, le royaume de la tête brûlée, l'empire des malfrats...
Cet endroit a bien des noms, et chacun a son histoire.
Ici, on aime les histoires.
Celle qui qui va être contée aujourd'hui commence comme bien des histoires, à savoir dans un bar.
"Hé! Konata! Rapporte donc un peu de pinard par ici! C'est qu'y fait soif!" gueula le seigneur de la province, avachi dans un canapé, bien éméché, tenant sous son bras une demoiselle de campagne dans un état tout aussi honorable.
En effet, Fargus l'insoumis, régent de Leazas, avait décidé de passer cette soirée à boire. Il n'avait rien à faire, tout le monde ou presque était en mission, sauf Fumiko qui était introuvable et Yuuko qui n'était pas trop portée sur ce genre de réjouissances.
Sous ses dehors joyeux, Fargus s'ennuyait donc fermement, et tentait désespérément d'animer la taverne.
Mais rien.
Pour une fois, Leazas était calme, voire triste, et ses tavernes aussi. C'était une de ces rares soirées où tout le monde se rappelait que le pays était complètement assiégé, et affichait donc une mine basse.
Bon, comme le seigneur était là, on faisait un peu de musique, et on conversait tranquillement au sujet du temps qu'il faisait et des avantages d'une plume sur une lame (une vieille blague du coin).
Mais sinon, rien.
"Mon ami, j'ai peur que tu n'ais pas choisi ton jour avec sagesse." fit la voix de Chaos, la lame de Fargus.
"Dis-moi plutôt un truc que je ne sais pas."
"Si tel est ton plaisir. La fille, là."
Sentant qu'on parlait d'elle, la campagnarde tiqua.
"C'est une Kunoichi."
La campagnarde pâlit.
Ce fut assez pour Fargus.
Un coup de poing surhumain fracassa le nez de la ninja qui vola à travers la salle pour atterir sur ses jambes, avant de foncer de nouveau sur Fargus, une dague sortie de nulle part à la main.
La lame maudite de chaos et le sourire carnassier du guerrier furent les dernières choses qu'elle vit.
"Trop lente. Merci Chaos."
"Je t'en prie."
Le seigneur laissa le temps à son épée de boire le sang de l'assassin, avant de se tourner vers le reste de la salle.
Les clients avaient laissé place une vingtaine de guerriers du duché Korvander infiltrés, sans compter ceux qui étaient sûrement dehors. Le sourire de l'insoumis s'étira. Un défi.
Les Korvander ont toujours été de bons combattants.
Mais alors qu'il allait se lancer vers eux, il nota un visage inconnu à sa droite, dans un autre canapé. Un homme.
"Oy, t'es pas du coin toi. T'es avec eux? Nan, t'as pas une gueule de chien des Korvander. En tout cas, si t'es pas du genre bagarreur, je te conseille de filer. Sinon... (un autre sourire, amical cette fois-ci, joueur même) Je dis pas non à un petit partage" Le ton était détendu, et les soldats en face de lui semblaient s'impatienter, mais tant de nonchalance... ça impressionne. Ce type était-il fou, inconscient, ou réellement aussi puissant que le disait la rumeur?
"Tiens, si ça te dis, on fait un paris. Celui qui en tue le plus paie un verre à l'autre. Partant?"
Les guerriers semblaient s'impatienter, mais aucun n'osait bouger. Leur lames dégainées ne tremblaient cependant absolument pas. Ils attendaient une ouverture.
Et, pour certain, la réponse de l'étranger.

Qu'est-ce que Cinis était venu faire à Léazas ? C'était une bonne question et les réponses étaient multiples. La première est que c'était une cité-état qui prônait la lutte contre l'esclavage et ça ne pouvait qu'avoir un attrait dans les yeux dorés du vétéran sous forme humaine. Une autre des raisons était la réputation du maître des lieux, il passait pour un rebelle qui cherchait avant tout l'amusement dans les plus simples activités : boire, combattre et sans doute se faire donzelle après donzelle. Une mentalité simple que Cinis savait apprécier et malgré sa fuite permanente des combats inutiles, il se savait incapable de résister à l'appel des cors de la guerre s'ils étaient en face de lui.

Cinis soupira, affalé sur le grand canapé, buvant son alcool, observant Fargus d'un oeil attentif. Le grand maître de Léazas, le malfrat en chef en somme, semblait assez fidèle à sa réputation et il devait avouer que cela le réjouissait de voir qu'il ne s'agissait pas d'histoire de soiffards exagérés mettant en exergue un seigneur des bandits comme il en avait tant tués lors de raids territoriaux.

Cinis n'était pas familier de cet endroit mais il s'y sentait bien même si les réjouissances étaient ténus et bien en décalage avec ce qu'il en avait entendu. Cependant, ayant rencontré des troupes d'invasion sur le chemin d'arriver et les ayant littéralement survoler, il pouvait comprendre que parfois, les rires et les chants s'éteignaient au profit d'un silence contemplatif.

Soudain, tout s'accéléra. Fargus frappa une femme que Cinis reconnut comme étant de la caste des assassins au vu des poignards qu'elle employait. Elle se fit vite occire et le chaos commença. Il but nonchalamment son verre en observant la situation se dérouler devant ses yeux. Une attaque d'humains contre un chef et sa lame maudite ? C'était presque comique tant cela sonnait comme un récit fantastique. Cinis se leva lentement, faisant craquer les articulations de sa nuque et souleva sans effort le lourd trident qui était son arme de prédilection. Il entendit le défi de Fargus et, tout en s'entaillant la main, répondit :

"Cela me va mais tu en as déjà deux de retard."

Il sourit face au coup d'oeil incrédule de Fargus et puis se mit en action. Le sang de sa blessure se mua en un fil rouge brillant de magie qui s'enroula autour de la hampe du trident que le Vadras lança avec puissance, empalant un soldat au travers de son armure comme s'il avait s'agit de beurre et explosa le crâne d'un second d'un coup de poing qui était clairement inhumain. On oubliait souvent que, malgré son changement de forme, il restait un étalon de deux mètres cinquante avec des muscles herculéens.

"Je prendrais de la glace avec mon verre, Fargus." dit il insolemment. "Et je bois beaucoup."

L'assemblée les fixait, comme pétrifié mais il savait que cela ne durerait qu'un instant.

"Je prends de la glace avec mon verre, Fargus. Et je bois beaucoup." fit la créature, sous le regard enflammé du seigneur.
Comme toujours, Fargus souriait. Il aimait déjà l'étranger.
Mais il ne comptait pas se faire distancer, et en deux pas rapides, il avait rattrapé la créature, se jetant au coeur des ennemis. Sa lame décrivit un arc sanglant lorsqu'il se balança au milieu des soldats, tuant deux d'entre eux d'un même coup et blessant un troisième dont les réflexes faisaient honneurs à la maison Korvander.
"Ce jeu promet d'être fendard. Essaie de garder le rythme!"
Il finit sa phrase en roulant sous trois lames qui tentaient de l'empaler pour se relever en ceuillant un nouvel adversaire sous le menton avec un uppercut redoutable qui brisa d'abord la machoir de l'homme puis le planta droit dans le plafond. 
Fargus s'était relevé, et faisait face à la porte.
Une quinzaine de soldats l'attendaient dehors.
"Je te laisses ceux à l’intérieur, sauf le mec au plafond, il compte pour moi!" gueula-t-il à l'intention du Vadras à l’intérieur, avant de désarmer un premier assaillant pour lui éclater le crâne contre le mur de la taverne, fissurant celui-ci au passage.
"Et de quatre! Tu suis?"
 

Cinis se mit à rire en voyant Fargus s'escrimer ainsi, roulant et sautant, tranchant et hurlant. Le fil rouge autour de son trident se mit à luire et il ne répondit rien en entendant le compte de Fargus. Quatre ? Dix huit s'il lui laissait ceux à l'extérieur ? Il en restait seize à l'intérieur et le Vadras se dit que l'égalité était inévitable et qu'au point où les choses en étaient, il ferait ça avec classe. Le fil forma un lien entre sa main et le trident et de plusieurs mouvements rapides et fluides, son arme voleta d'ennemis en ennemis tranchant gorges et mains comme s'ils avaient revêtus des haillons et non des armures d'acier. Alors qu'Irmiskigandr venait de se teinter du sang de trois ennemis, les soldats jaillirent dans sa direction, lames en avant. Cela fit sourire le guerrier.

"Quelle tristesse de voir que les embuscades finissent dans un tel désordre chez des soldats compétents."

Il évita les lames d'un cheveu à une vitesse clairement surhumaine et vint briser la nuque de deux assaillants de deux coups de pieds dévastateurs dans un bruit très glauque. Et de sept. Il ramena le trident dans sa main et fit face aux onze guerriers restants avec un petit sourire.

"J'en suis à sept, Fargus. Je prends mon alcool dans une pinte pas un verre."

Les onzes ennemis s'étaient organisés mais lorsque Cinis plongea dans la mêlée, ce fut le chaos. Un poing qui traversa qui déforma une armure. Un trident empalant nuque et corps de deux autres infortunés. Pommes d'Adam enfoncée par des coups de paume terribles. Il n'eut pas longtemps à attendre avant qu'il n'en reste qu'un. Tremblant mais dressant sa lame vaillamment vers le Vadras. Le polymorphe s'inclina en signe de respect et lança de toutes ses forces sa terrible arme de mort. Planté comme un insecte contre le mur, perdant son sang, il se mit à gémir.

Cinis soupira en se rappelant ce qu'il n'aimait pas dans les batailles et acheva d'un coup de sa miséricorde le pauvre soldat. Mais ne laissant pas la mauvaise humeur le prendre, il déclara simplement.

"Dix huit et fin. Alors Fargus, à la traîne ?"

Les rues de Leazas ont toujours donné lieu à des spectacles étranges.
Aujourd'hui, une tempête d'acier se déchaînait devant une taverne, tranchant les malheureux soldats qui tentaient d'enrayer sa progression.
Fargus s'était transformé en véritable ouragan de mort, Chaos buvant avec délectation le sang des agents Korvander. Les rires de l'homme et du démon enfermé se sychronisèrent, résonnant dans la ville alors que le corps du Seigneur tournoyait sur un rythme saccadé, comme dansant une gigue barbare et sanglante. Chaque fois que son pied touchait le sol, une nouveau guerrier tombait, sa gorge, sa poitrine ou son ventre transformé en véritable fontaine sanglante. Celui qui se retournait pour fuir était interrompu par le malfrat, décapité par derrière et l'idiot qui attaquait voyait son épée se briser en même temps que sa colonne vertébrale.

"Dix huit et fin. Alors Fargus, à la traîne ?" entendit-il Cinis gueuler depuis le bar.

Il ne restait plus à présent que ceux qui, réduits à l'impuissance par la peur du dément moqueur à la lame maudite, tremblaient, implorant le pardon. Ils étaient trois, et le regard d'acier souillé du roi des fous se posa sur eux.

"Je ne frapperrais pas un ennemi qui se rend" fit-il d'une voix macabre, usant d'un ton impérieux et ressemblant à un Roi, pour la première fois depuis le début de la journée. "Et un choix. Vous pouvez retourner voir la Princesse des Catins et lui raconter ce qui s'est passé ici, en guise d'avertissement. Mais il y a une autre solution. Vous pouvez aussi racheter votre crime auprès de Leazas et joindre notre armée. Vous vous battriez enfin pour une cause noble, celle du peuple, la seule qui vaille. Je vous laisse le choix."

Deux des trois soldat se jetèrent à ses pieds, implorant son pardon, puis coururent vers la sortie de la ville affolés.
Le troisième resta cependant et cessa de trembler. Fargus se rendit compte que ce n'était pas un mais une troisième. Il étudia donc la femme, plutôt petite, mais au visage fin et à la stature noble entouré de longs cheveux noirs en ailes de corbeau. Elle s'agenouilla, mais avec plus de composition que ses anciens compagnons. Elle parla ensuite d'une voix calme, déterminée.

"Je refuse de me retrouver à nouveau faible sous vos yeux. Si votre altesse l'accepte, ce serait pour moi un honneur d’affûter ma lame sous vos ordres et de devenir plus forte pour la gloire de ce pays. J'ai une dette envers vous."

En temps normal, Fargus aurait pris avantage de sa position, mais il n'avait pas envie d'insulter la demoiselle.

"Quel est ton nom, guerrière?"
"Si cela vous sied, maître, j'aimerais que vous m'en donniez un. J'étais autrefois Eliane. Mais Eliane était faible." répondit-elle.
"Ton humilité t'honore. Ton nom sera donc Nana."
"De tels mots son gachés avec une personne telle que moi... Mais... Sans-Nom? Ou du-moins, n'est-ce pas ce que cela veut dire dans votre dialecte? Un bon nom. Grand Merci. Je ne pourrais jamais vous rendre cet honneur."

La fille se méprenait quelque peu sur les intentions de la tête brûlée, mais encore une fois, il ne releva pas.

"Bien. Il y a une auberge au bout de la rue. Prends ce sceau, c'est le miens, et demande à être logée et nourrie aux frais du château. Je te veux demain matin au levé du soleil, prête au combat devant la grande porte."
"Oui seigneur. Mille Mercis." dit-elle simplement, avant de prendre congé et le sceau de Fargus.
Celui-ci se tourna ensuite vers Cinis.

"Y en avaient vingt ici, trois sont partis, ça fait dix-sept, plus celui dans la taverne, ça fait dix-huit. Egalité."

Et le combattant ajoutant, retrouvant un sourire carnassier. "Mais j'vais être beau joueur."
Il passa à nouveau le seuil de l'établissement pour appeler la serveuse. "Gamine! Sort tes tonneaux, c'est sur le budget du château!" Puis, revenant au Vadras avec un air de défi, "On va se départager autrement..."
Les tonneaux furent bientôt là et la terranide posa sur le bar deux chopes pleines, l'air déjà exaspérée à l'idée de devoir raccompagner son seigneur ET un homme-cheval au château.

Le sang de Cinis avait cessé de bouillonner et il soupira en voyant le massacre facile qu'il avait causé. Usant de sa magie Vadras, il décida de rendre leur mort moins... ridiculement écœurante. Alignant les corps contre le mur du fond, remettant les têtes décapités entre les mains de leurs infortunés possesseurs, il s'agenouilla et marqua chaque cadavre d'une croix de sang sur la joue afin que leurs âmes trouvent la paix dans leur Paradis.

Cinis était une sorte d'ouragan hypocrite. Né pour se battre, voué à se battre, il refusait cependant de n'être que cela, un être ignoble de luxure, de combat et de sang. Il y avait de la beauté dans le calme et dans des sentiments plus doux et même si sa nature le forçait à être cette créature par moment, il savait être plus "humain". Il entendit Fargus faire preuve de clémence à l'extérieur et il se contenta de sourire. Un bon commandant savait que l'alliance de force et de clémence était l'arme la plus redoutable. Suffisamment craint pour éviter les rébellions et pas suffisamment pour générer des comportements suicidaires.

Cinis attendit patiemment dans le bar, remettant debout les chaises qui avaient eu la chance de survivre à son maelström de puissance. Il était visible depuis la porte et il remarqua que Fargus semblait discuter avec une femme à genoux. Il soupira en pensant qu'il allait encore vouloir la prendre dans ses quartiers. C'était le genre du personnage.

Lorsqu'il revint et lui proposa de régler leur "différend" avec une compétition de boisson. Il se mit à rire et dit de façon volontairement provocante :

"Tu as déjà décidé d'abandonner alors ? Il n'y a aucune chance que tu arrives à me vaincre, moi, à un concours d'endurance. Le premier dans le coma est le perdant !"

Sur ces mots, il but d'une traite sa pinte, sentant le liquide ambrée coulé dans sa gorge et faire frissonner tout son corps de sa fraîcheur alcoolisé puis reposa sa pinte avec bruit sur la table. Fargus promettait d'être une personne intéressante...

Konata, la serveuse que tout avait abandonné, se retrouva ainsi face à deux hommes qui vidaient pinte sur pinte.
Depuis une heure, la terranide aux larges oreilles de souris remplissait les choppes du vadras et de son seigneur. Elle n'osait même pas se payer le luxe d'un regard désapprobateur.
Ils en étaient au septième tonneau.
Fargus avait au départ son habituel sourire de requin prêt à dévorer le monde entier, mais à présent, son teint était rougeaud et sa langue s’emmêlait alors qu'il provoquait l'homme-cheval.
Et la bière coulait, coulait, coulait...
Craignant pour son boulot, Konata n'eut d'autre choix que d'user de ruse afin de les faire sortir.

Au bout du 8eme tonneau, la serveuse jeta donc les deux chopes qu'elle venait de remplir hors de la taverne, suivies bien vite par les deux soiffards qui, plus qu'éméchés, titubèrent après elles.

"Pourqueua qu'elle fait ça?!" rota presque le maître des lieux en ramassant la chope de bière étalée au sol, avant de se retourner pour trouver la porte de l'établissement fermée, plusieurs bruits derrière lui indiquant clairement qu'elle était barricadée.

"Rhôôôô..."

Il laissa tomber son bras par dessus les épaules de son nouveau compagnon et lui dit d'un air attristé:

"Bon... On v... Va pas rester là dehors, hein? Allez, viens, on va pioncer au châtieau, et on règle ça d-demain... D'accord?"

Cinis avait rarement été saoul dans sa vie. Et c'était l'un de ses moments. Fargus était un monstre d'endurance, il devait l'admettre et au bout de sept tonneaux, le Vadras devait admettre qu'il commençait à voir les murs tanguer et les couleurs scintiller. Il n'entendait même plus distinctement Fargus le provoquer tant son crâne pesait une tonne. Il ne sut jamais vraiment comment il avait pour se retrouver dehors avec Fargus, il se souvenait simplement de voir une chope passée dehors et eux deux la poursuivant comme des chiens stupides.

Une fois dehors, Fargus lui dit de venir dormir au palais et il se rendit compte que dans leur état, cela promettait d'être un voyage particulièrement douloureux. Il acquiesça en dodelinant de la tête et ils se dirigèrent tous les deux vers le palais, le pas traînant et la démarche titubante. Il ne sut combien de temps ils marchèrent mais après ce qui semblait avoir été une éternité, ils furent devant les portes du palais.

Fargus roupillait à moitié pendu à son épaule et il frappa à la porte à répétition en tapotant la joue de Fargus.

"Il va falloir qu'tu fasses ton boulot d'roi... Pa'ce que là, j'peux pas m'pointer com'ça."

Il était sûr d'avoir une épouvantable migraine le lendemain.

Plus loin, les soldats jouaient aux cartes.
Les yeux rivés sur les cartes, les quatre anciens malfrats disputaient (c'est le mot) une petite partie de belote.
Les cartons s'abattaient en rythme, les regards passant du tas central, au partenaires, puis aux jeux, puis de nouveau sur le tas, faisant parfois un petit détour par les cigarettes (directement issues de la production du château) ou les tasses de saké sur la table. La tension était palpable tout comme la fumée qui rampait au plafond, c'était la troisième partie, et elle était serrée.
Les deux couples venaient de deux bades rivales avant l'armée, et les vieilles rancoeurs ont la vie dure.

Puis on toqua à la porte.

Le silence se fit encore plus pesant.

Ce fut Shell des Pillards Argentés qui le brisa, sans quitter son jeu des yeux.
"Un pari. Celui qui gagne remporte la partie"
"Gamine, j'aime bien ton style. Je parie que c'est Fumiko qui fait une blague." lui répondit Narker des Loups Noirs.
"Celle où elle apparaît d'en haut pour faire bouh?"
"Celle-là, ouais" fit le vétéran bandit en tirant une bouffée sur son cigare, camouflant derrière un écran de fumé la grimace provoquée par le souvenir de la fois où il l'avait lui même subit, manquant la crise cardiaque. C'est dingue ce que cette fille peut faire avec du maquillage.

Le partenaire de Shell, Mag, la regarda longuement dans les yeux avant d’acquiescer.

"On pense que c'est le roi."
"Bourré rentrant d'une taverne? Pas à cette heure, c'est trop tôt."
"Peur de perdre?" s'enquit l'argentée
"Pas une seule seconde."
"Qui y va?" demanda le quatrième bandit.
"Toi." firent en coeur les autres.

L'infortuné se leva donc d'un air boudeur, avant de se diriger vers la grande porte, abandonnant le poste de garde où il était pour traverser les remparts. Les coups n'avaient pas cessé.
Angoissé à l'idée de se retrouver face à un autre des masques horribles de la Kunoichi en chef du château, il ferma les yeux en ouvrant la porte.
Ce qui le fit tomber fut l'haleine puant l'alcool de son seigneur lorsque celui-ci lui fit:
"Salut."

Se relevant difficilement, il constata que les Argentés avaient gagné, puis que son roi était accompagné par une créature étrange, mi-humaine, mi-cheval.
Il pâlit.
"Chuuuuuut... Pâlit pas si fort on va t'entendre, héhé... Bon... T'va conduire ce grand type à une chambre et pis appeler une gentille fille pour qu'elle m'accompagne à la mienne, d'accord?"

Devenant complètement blanc, le regard toujours bloqué sur la créature, il hocha faiblement la tête. Il courut chercher Shell, annonçant au passage la victoire des pillards. La guerrière allant allant être forcée de passer la nuit avec le boss, il avait au moins une petite vengeance.
Puis il accompagna la créature torchée jusqu'à une chambre d'invité simple, la laissant tomber dans le lit avant de refermer la porte coulissante sur elle, toujours incrédule.

Il partit à travers les couloirs en courant.
"Quand les potes vont voir ça..."

De son coté, Fargus ronflait déjà, serrant la guerrière nue contre lui.

Cinis avait le regard dans le vague, perdu dans les brumes de l'alcool comme il l'avait rarement été, il se perdit dans des souvenirs un peu étranges, déformés par le mélange de l'alcool et du reflux d'adrénaline. Il savait ce mélange mauvais mais lui qui était d'habitude si endurant quand on parlait d'alcool était tombé plus tôt qu'il ne l'aurait cru. Était-ce cette camaraderie un peu basique qui l'avait rendu ainsi ? Ce sentiment de retour aux sources ? Il n'en savait rien et y penser lui faisait un mal de chien.

Il y eut une sorte de discussion avec un des gardes du palais. Il avait entendu des gars rire au travers de la porte et l'heureux portier eu la chance de rester bouche-bée devant sa forme naturelle qu'il prenait généralement sur Terra même si sa forme humaine était plus facile à accepter pour les gens qu'il côtoyait en général. Il fut porté jusqu'à sa chambre et sur un lit sur lequel il s'écroula de toute sa masse, faisant grincer le chambranle. Les draps étaient doux et il semblait propre... Il s'endormit rapidement et profita d'un sommeil sans rêve.

Il sentait qu'il allait se réveiller le lendemain matin avec une gueule de bois monstre. Et c'est ce qui arriva. Il ne savait pas quel heure, il était mais sa tête tournait et tournait avant de se stabiliser après plusieurs minutes d'immobilité totale. Il put se mettre lourdement en position assise, employant sa magie pour faire disparaître les maux de tête... Il avait encore ce pouvoir malgré son état...

Il s'étira et s'allongea à nouveau sur son lit, son trident contre le mur du fond, et attendit la suite des événements.

Une ombre s'étire dans le château encore endormi.
Leazas est toujours calme au mâtin. L'agitation vient après, quand tout le monde à cuvé.
Mais il y a toujours ce murmure aux pâtes de velours qui arpente les toit au petit mâtin, ses petits gloussements remplaçant le chant du coq.

"Nin-nin"

Fumiko aimait ces promenades solitaires. La ville semblait bailler avec langueur dans la lumière paresseuse du petit matin.

Quelques assassins se promenaient parfois à cette heure là, profitant de "la flemme bien connue des Leaziens" pour tenter une attaque discrète du castel. On retrouvait leurs corps égorgés à la grande porte, avec un petit mot: "Désolé pour les déchets, je sais plus où les mettre <3"

Vraiment, Fumiko s'amusait.

Puis elle se rappela du bruit de l'année dernière, et de Fargus, qui n'était pas rentré seul.
Et même plutôt bien accompagné.
Un nouveau guerrier était en ville, et si il avait bu avec le seigneur, sa gueule de bois devait être monstrueuse.

Elle se glissa donc vers la chambre des invités.

L'étrange créature qui l'occupait était allongée, bras croisés derrière la tête. Elle avait dù déjà se réveiller avant de se rendre compte qu'elle portait un casque en plomb et qu'à défaut de mourir, se  rendormir serait sans doute la meilleure décision.
Cependant, ce qui heurta la ninja, ce ne fut pas tant que l'équidé soit encore vivant (ce qui du reste était tout de même un exploit, l'alcool de Leazas n'étant pas des plus doux) mais qu'il soit, eh bien, aussi complètement animal. Les terranides n'avaient que quelques attributs animaux, d'habitude. Cet homme l'était intégralement.
Mais Fumiko se concentra rapidement sur autre chose. C'était le matin, et elle avait faim.
Ce genre de faim.
Et étant tout de même une terranide normale, elle fit très vite le rapprochement entre la nature de l'arrivant et ses attributs reproductifs, dirons-nous.
Elle entreprit de retirer sa couverture avec une extrême délicatesse, profitant de son état pour ne pas se faire remarquer.
Tout discrétion s'envola cependant lorsqu'elle prit l'imposant membre en main pour le caresser de ses doigts experts, tout en embrassant son bout, le rose lui montant aux joues.
La kunoichi allait bien s'amuser...

Cinis observait silencieusement le plafond de sa chambre. Il y faisait chaud et les draps caressaient sa fourrure céruléenne comme de la soie et c'était une des rares choses qui venaient apaiser les élans douloureux qui torturaient son pauvre crâne. Vraiment, comment avait-il pu boire suffisamment pour se démolir à ce point ? Il tenta de lever une main qui semblait peser plusieurs tonnes pour la passer lentement sur son visage grimaçant de douleur.

Il avait l'impression que des milliers de petits démons frappaient les parois de son crâne avec des marteaux, des béliers et autres massues. La pression dans son crâne était tenable pour un étalon de sa stature mais il n'allait pas pouvoir marcher pour le moment. Sa langue était pâteuse et collait dans son palais comme si elle était faite de terre. Il avait envie de se reposer et presque de se rendormir. Par dieu, Fargus était vraiment du genre crétin quand il buvait... lui aussi pensa-t-il en souriant difficilement.

Il sentait également pression énorme entre ses jambes alors que son coeur battant remplissait son membre gigantesque pour lui offrir son érection matinale dans toute sa gloire et cela le fit grogner désagréablement. Il n'avait pas besoin de cela en plus de tout le reste... Cinis ne se souvenait pas de la dernière fois qu'il avait été saoul et quelque part c'était un peu triste. Il tenait maintenant trop bien l'alcool. Mais cette satanée érection ne venait que le rendre plus groguis encore !

Soudainement, il sentit un toucher délicat sur son membre qui, réaction animale, se durcifia violemment, atteignant sa taille maximale comme suppliant qu'on s'occupe plus encore de lui afin de se soulager... Son esprit engourdie par sa gueule de bois phénoménale, ce sont ses instincts primaires qui prirent le dessus, modelant son corps, plus étalon que Cinis le guerrier Vadras, le courtois et puissant. Tentant de relever la tête pour voir qui pouvait lui sauver la vie en emplissant son cerveau de douces vagues de plaisir et qui que ce soit, elle ne se doutait pas que même dans son état, il était insatiable. Il articula difficilement :

"A qui ai-je l'honneur ?"

L'étalon devait aimer le travail de Fumiko, sa phrase étant étranglée par des gémissements de plaisir.
La ninja adorait ça, et avant de lui répondre, elle tenait à se présenter d'une façon plus démonstrative.

Après avoir léché les moindres recoins du membre de son partenaire, elle le fixa de son regard malicieux en posant ses lèvres sur le gland aplati, puis lui fit un clin d'oeil alors qu'elle commençait à l'engloutir dans toute sa longueur. Les arts  ninja lui permettaient toutes sortes d'acrobaties, dont celle-ci. Avalant millimètre par millimètre l'imposante verge sans tousser, se penchant sur l'homme en remuant sa queue féline et massant ses testicules de ses doigts fins, elle ne s'arrêta que lorsqu'elle toucha le fond de sa gorge avant de remonter avec tout autant de douceur, sans la moindre précipitation. Par cette manœuvre, elle repérait chacune des lignes de Chi dans le corps de l'homme, et ses doigts sur la peau sensible des bourses du mâle les réarrangeait, commençant tout doucement à augmenter sa sensibilité.
D'ordinaire, seul Fargus survivait à un tel traitement sans finir vidé de toute semence au final (et surtout de toute vie). Mais si cet homme arrivait à suivre le seigneur dans ses beuveries...
Sa bouche finit par quitter la chair de l'homme, son membre toujours entre ses doigts experts qui le caressaient avec une précision redoutable, ayant déjà trouvé ses points les plus sensibles, et elle lui murmura, toujours agenouillée entre ses jambes:

"Je suis Fumiko, le soupir de Soie, et la maîtresse Ninja de ce château... Et toi?"