Un pégase céruléen aux ailes de chauves-souris et qui... Quoi ? Myu’ fronça légèrement les sourcils, devant bien admettre que, celle-ci, elle ne s’y attendait pas. Était-elle en train d’être emballée par un cheval ? Elle s’attendait plutôt à ce qu’il lui apprenne qu’il était d’une autre race anthropomorphique. Myumi avait rencontré des nekos à Mishima. Ils se faisaient passer pour des lycéens, mais, avec un peu d’entraînement, il était facile de les remarquer. Ils avaient toujours quelque chose sur la tête, afin de dissimuler leurs oreilles. Elle n’avait jamais compris pourquoi ils désiraient tant aller au lycée, alors qu’ils avaient tant de chance de se faire surprendre. Était-ce là un fantasme émanant de leurs maîtres ? Fréquemment, les nekos étaient des esclaves. Myumi trouvait ça horrible, que l’esclavage puisse encore exister. Certes, elle savait qu’il en existait encore, sur Terre, des versions modernes, mais, légalement, cette abomination était proscrite. Myu’ n’était évidemment pas contre l’idée de domination sexuelle, mais, pour elle, ça n’avait tout simplement rien à voir avec cette aberration qu’était l’esclavage. Son esprit commençait à vagabonder, et elle le ramena à la situation présente. Un pégase, donc... Elle n’avait pas l’impression qu’il plaisantait. De plus, il savait qu’elle était une succube...
*Demie-succube, en réalité* précisa mentalement Myumi, pour elle-même.
Seule sa mère était succube, pas son père, et elle avait hérité des deux à la fois. Contrairement à sa mère, Myu’ ne pouvait pas se transformer en une démone sensuelle à la peau rouge, ni commander aux démons, mais elle avait l’appétit sexuel insatiable des succubes... Ainsi qu’un autre héritage masculin. Elle ne disait rien, tandis que l’homme lui expliquait être un étalon du cul (normal, pour un cheval !), et qu’il cherchait une véritable amante, douée et performante, pour satisfaire ses envies. Cette assurance aurait énormément amusé sa mère, et Erelda lui aurait sans doute rappelé que les succubes sont des trésors aux mortels interdits, et que vouloir bénéficier de leurs services était une arme à double tranchant. Si on ne parvenait pas à satisfaire la succube, elle vous ravivait votre âme. Fort heureusement, Myu’ n’était que demie-succube, et n’était pas assujettie à cette règle.
Comme pour lui prouver qu’il était doué, l’homme l’embrassa. Myumi plissa légèrement les yeux, entrouvrant les lèvres, et répondit à ce baiser, sans aucune réelle intention. La caméra filmait le dos de Myumi, mais il était impossible de se méprendre sur ce qu’ils étaient en train de faire. Avoir un public ne dérangeait toutefois nullement Myu’, au contraire. La perversion était l’art des succubes, et l’exhibitionnisme en était l’une des plus belles expressions. Comme s’il y pensait lui aussi, Takeda, en rompant le baiser, désigna la caméra :
« Vous comprenez cependant que je ne peux pas vous laisser faire un show devant les caméras ? Ce n'est pas que je n'apprécie pas cela mais ma forme véritable marque trop les esprits pour que je sois pris sous mon mauvais profil par des humains agaçants de curiosité. Vos fans risqueraient d'être terriblement jaloux. »
Myu’ se redressa un peu, et tourna la tête. Elle avait encore sur les lèvres le goût de la salive de Takeda-san, qui, à son goût, faisait très humaine. La caméra était effectivement là, spectateur impassible, discret, et infatigable. Elle sourit ensuite.
« Monsieur est un timide, donc... Très bien... Il n’y a pas de caméra dans mon bureau. »
Elle ne releva pas la mention sur ses « fans »... Parfois, il valait mieux ne pas en dire trop. Myumi s’écarta donc, et s’avança dans le couloir, laissant à Takeda-san le soin de la suivre. Ils pénétrèrent ainsi dans son bureau, et Myu’ referma la porte derrière elle. Son bureau était semblable à n’importe quel bureau. Il y avait plusieurs chaises, un bureau, des fenêtres permettant de voir l’intérieur du lycée Mishima, avec les cours de sport, et plusieurs armoires, certaines abritant les petits trésors de Myumi Ichtora.
« Puisque vous n’êtes pas vraiment humain, je suppose que votre véritable nom n’est pas Takeda, n’est-ce pas ? Qu’êtes-vous donc ? Un démon ? Un rescapé de la mythologie grecque ? Ou... Encore autre chose ? »
Bien qu’elle soit japonaise, Myumi avait lu l’Iliade dans son enfance, car Erelda lui avait dit que le poème d’Homère s’inspirait de la réalité. Or, il était toujours important de se renseigner, car, d’après Erelda, les Dieux grecs avaient encore une certaine influence dans le monde, particulièrement à Seikusu.