Les invités écoutèrent Vivec leur parler de la création de sa ville, et crurent comprendre que c’était lié à une embrouille entre Dieux. En tout cas, c’est ce qu’Oberyn se dit quand Vivec lui parla d’un autre Dieu qu’il aurait invoqué afin de le combattre pour se reconstruire... En réalité, Oberyn sentait la migraine pointer. La « réponse courte » de Vivec l’avait déjà plongé dans l’incompréhension la plus totale, et la longue ne fit que complexifier davantage les choses. Oberyn était en effet un homme plutôt simple, aux goûts simples, et qui aimait les choses claires et limpides. Le fait que le dragon d’Or soit un fils de Batrok, l’un des Dieux de l’Ordre, par opposition aux Dieux du Chaos, é »tait déjà un peu trop pour lui... Alors, là, il nageait totalement, et conclut silencieusement le discours de Vivec en se disant que son tord-boyaux était plutôt pas mal.
Sivic, elle, comprit que Vivec n’avait pas d’intentions hostiles, et qu’il était, comme tous les Dieux, arrogant et présomptueux. Le seul vrai Dieu... Existait-il seulement des divinités qui ne se présentent pas comme des contrefaçons d’autres Dieux ? Tous les Dieux se prétendaient vrais, uniques, omnipotents, invincibles, et immortels. Le seul Dieu unique était celui de l’Ordre Immaculé, et l’Ordre avait les moyens de faire valoir son point de vue. L’opposition entre les Dieux n’était rien de plus que la classique opposition entre les États, si ce n’est que, au lieu de s’entretuer par patriotisme, les hommes s’entredéchiraient pour la foi. Chacun tenait sa boutique. Sivic avait, sur toutes ces questions, un point de vue relativement cynique. Elle était devenue Commandeur parce que ça payait bien, qu’elle avait un bon équipement, et une liberté assez forte, mais ce n’était pas pour autant qu’elle n’était pas lucide. Elle appréciait Sylvandell, qui était une région charmante et plutôt agréable, mais elle savait aussi que, que ce soit Nexus ou Ashnard, l’herbe n’était pas plus verte ailleurs... Sauf peut-être à Herzeleid, mais c’était là un cas particulier.
Vivec termina en posant plusieurs questions :
« En particulier, je suis intéressé par le marché d’esclaves en ce mondes, et je vous serais reconnaissant si vous pouviez me dire comment celui-ci fonctionne. Enfin, je suis curieux quant à vos dragons : possèdent-ils le Thu’um, le puissant langage draconique ? »
Le Thu’um... Voilà qui parlait davantage à Oberyn. C’était une magie spéciale, minoritaire, qui était celle des dragons. Elle s’exprimait par le biais de Cris tonitruants libérant un sort magique. Certains dragons intelligents et évolués pouvaient l’utiliser, et, au niveau des humains, seuls certains d’entre eux pouvaient le faire : les fameux Dovahkiin. La légende disait que les Dovahkiin étaient les descendants d’élus qui avaient été choisis par une Déesse, jadis, pour affronter les dragons. Ce fut Oberyn qui répondit, s’y connaissant un peu mieux que Sivic :
« Sylvandell est un royaume guerrier, affilié à l’Empire d’Ashnard, et nous avons donc un important commerce d’esclaves. Ce sont parfois des prisonniers de guerre, parfois des gens qui s’asservissent eux-mêmes pour payer leurs traites... Il y a aussi des guildes d’esclavage qui forment et dressent des esclaves, et ce pour de nombreux usages : domestiques, fermiers, manutentionnaires...
- ...Et prostitués, acheva Sivic.
- Et prostitués, reprit silencieusement Oberyn. Si ce sont des esclaves que vous voulez, Sylvandell peut vous en fournir, ou Ashnard, directement... Nos esclaves sont des prisonniers de guerre que nous revendons généralement aux Ashnardiens, à Hautegriffe. »
Hautegriffe était une cité ashnardienne proche, qui abritait même un fort militaire. C’était la plus importante ville de la région, plus grande encore que Sylvandell, et qui venait parfois en aide aux Sylvandins quand ces derniers avaient besoin de renforts militaires... Notamment à l’époque de Mälrunn.
« Concernant le Thu’um... Nos dragons sont d’extraction ancienne, et certains maîtrisent donc les Cris. C’est notamment le cas de Leviathan, le dragon du Roi, Tywill Korvander. En revanche, ces dragons-là ne sont pas à vendre. »
Un léger sourire avait éclairé le visage d’Oberyn, comme pour montrer qu’il plaisantait. Certains avaient déjà voulu acheter les dragons, et les rares qui avaient réellement tenté de le faire avaient fini dans l’estomac des susnommés. Les dragons dorés étaient sauvages, indomptables, et ne suivaient les Sylvandins que parce que leur dirigeant était l’un des héritiers d’Erwan Korvander.
« Bref, si vous voulez un partenariat commercial, il me semble que ça ne devrait pas poser trop de problèmes... Et, tant que j’y suis, votre... Euh... Sujamma est pas mal. »