Le Messager accorde à la pauvre magicienne un regard doux. Il regrette de la voir souffrir ainsi. Toutefois, les cris qu'elle pousse sont pour lui assez aphrodisiaques. Il y a beaucoup de personnalités dans les cris ; et cette personnalité là, il en a déjà dévoré une partie, avant d'être interrompu brutalement. L'exploration suspendue ne lui a laissé qu'un sentiment d'inachevé, et un lot de fantasmes presque adolescents.
L’appétit de la plante n'est à ce moment peut-être pas aussi forte que celui du garçon, qui observe avec une certaine fébrilité mêlée d'excitation ce corps si désirable malmené, tordu, compressé dans les airs par les tentacules impitoyables. Ses joues écarlates ne sont plus le seul symptôme de son excitation : ses yeux brillent, son épiderme se hérisse, et bien d'autres choses. Le végétal lui paraît être très amical. Il semble chercher à lui montrer ce que l'enveloppe de la sorcière possède à la fois de plus secret et de plus attrayant. Sa poitrine rougie et gonflée par la pression des appendices, ses jambes paralysées par les lianes, qui font entrevoir une intimité charmante et timide...
La nudité féminine offerte à son regard lui fait imaginer des situations toutes terriblement alléchantes, et toutes sans exceptions, comportent une dimension sexuelle. La plupart, en temps normal, lui sembleraient impossibles, confiner aux frontières de son esprit rêveur. Pourtant, l'anomalie magique ouvre une multitude de perspectives nouvelles. Les gémissements de la suppliciées dont il oublie l'origine paraissent altérer son jugement et le plonger dans un état de désir qui l'ankylose complètement.
Puis un tentacule, animé d'un comportement étrange, agit plus audacieusement que les autres, semblant s'accorder aux fantasmes du jeune homme. Qu'il serait agréable, songe-t-il, de le voir, si proche, pénétrer la chair rose avec une violence n'ayant rien d'humaine.
Quelques instants avant que cela n'arrive, l'appendice est tranché sur un demi-mètre, n'offrant pas plus de résistance à la morsure de la lame noire que l'air n'en aurait lui-même opposé.
Une sève jaune et épaisse, jaillissant de la plaie, éclabousse brusquement la magicienne. À mesure que la liane mutilée perd de sa puissance et commence à vriller, c'est la pièce tout entière qui est aspergée par le liquide chaud et malodorant de l’hémorragie. Le Messager reçoit quelques jets sur sa tunique, et regarde les tâches avec un certain émoi, comme s'il s'agissait là de quelque-chose d'important. La partie séparée de la plante, elle, tombe sur le sol, où elle continue à remuer de nombreuses secondes. Quant aux autres appendices, ils sont brièvement hébétés : peut-être le végétal fait-il l'expérience de la douleur ?
Chirix réfléchit et sourit, euphorique.
Dans sa vie humaine, puis dans celle de créature qui lui avait succédé (ou plutôt qui s'y était superposé), il avait eu l'occasion de se familiariser avec quelques domaines de la magie. Pourtant, ce n'était pas un mage, et il n'en avait rien de la polyvalence ou de l'expertise. Les tours qu'il savait exécuter, s'ils étaient assimilés à de la sorcellerie par la plupart des profanes, n'étaient pas dépendants du même savoir.
En effet, son art relevait d'un élément inné –profitant peut-être pour une part d'une nature féerique–, et son apprentissage, impossible pour un vaste majorité de personnes, relevait davantage de la connaissance de soi que de la maîtrise de nombreuses formules et rituels complexes. Certains experts en la matière l'auraient ainsi catégorisé ESPer, ou d'autres encore auraient préféré le terme d'ensorceleur... tandis qu'à Castelquisianni, on l'aurait vite identifié comme faisant partie d'individus peu appréciés nommés tenebrosi.
Certains tenebroso, car ils sont très divers, possèdent peut-être des connaissances poussées en botanique surnaturelle. Ce n'est absolument pas le cas du Messager. Pourtant, après avoir conjecturé la façon dont la plante gigantesque se repère dans son environnement, il fait une deuxième hypothèse, plus audacieuse encore. Il juge qu'il suffit de se fier au comportement qu'elle a démontré jusqu'ici : elle n'a cherché à faire aucun mal à sa proie... et si celle-ci a un peu souffert de l'immobilisation, c'est probablement parce qu'elle se débattait, ou alors que les lianes n'avaient pas une pleine conscience de leur force.
La plante ne cherche donc pas à dévorer les êtres humains, ni d'ailleurs quoi que ce soit pour le moment. Elle est plus probablement poussée par des instincts de reproduction, sans savoir exactement de quelle façon il convient de s'y prendre. Elle vient d'arriver au monde, et suit ses envies primaires, mais c'est en quelques sortes un jouvenceau qui hésite, non sans faire preuve d'une certaine pertinence, sur le mode opératoire exact. C'est du moins l'hypothèse du garçon, et a toujours à cœur de ne pas faire d'hypothèses inutiles.
Profitant du bref répit, il inscrit sur le papier un court message résumant ses intentions.
Que diriez-vous de profiter de cette situation unique ?
Vous êtes délicieuse... il faut que vous appreniez à jouir de chaque chose de la vie !
Les fées sont expertes en la matière.
Ne me le reprochez pas, je vous en prie. Je suis convaincu que vous y prendrez goût.
De plus, c'est le meilleur paiement que je puis espérer.
Une fois le parchemin lu, il le lâche, indiquant la fin de la conversation. Son arme d'ombre, dans sa main, se dissipe. D'un mouvement de doigts, il détache le bijou doré qui tient fermée sa toge, puis, ondulant le haut du corps, il laisse lentement choir le vêtement collant de sève sur le plancher végétal.
Son torse et ses épaules se découvrent, puis son ventre, d'une minceur androgyne et adolescente. Enfin, le tissu laisse apparaître un entrejambe à l'excitation manifeste. Son sexe au pubis glabre, dressé, palpite au rythme du sang qui bat fort dans ses artères. L'extrémité, pudique, est encore recouverte par un prépuce à la peau délicate. Fin et d'une taille modeste, l'absence de toute pilosité donne cependant l'impression d'une assez grande longueur.
À présent complètement nu, le Messager s'approche doucement, toujours sans entrer en contact avec le sol, de la sorcière maintenue dans les airs. Ses bras viennent entourer le buste de la jeune femme, sans cette fois se soucier de toucher les excroissances végétales. Le reste de son corps se colle rapidement contre celui de son amante forcée. Leurs poitrines joignent, et sa verge frotte, d'une façon encore inoffensive, contre le bas-ventre féminin. Finalement, ses jambes encerclent leurs semblables, s'assurant que les deux enveloppes restent fixées l'une à l'autre, et accentuant encore la pression de son phallus tendu sur l'épiderme tendre de la sorcière.
Sans se soucier du consentement de cette dernière, Chirix tire la langue, et vient, par petits coups, lécher le cou blanc et exposé d'Haffrant. Se faisant plus osé après quelques secondes, il commence à passer le bout de son muscle buccal sur les extrémités roses, durcies par l'étreinte, du buste de la magicienne. Ses mouvements sont vifs et suaves, ne s'attardant jamais plus d'une demi-seconde sur un même endroit, mais décrivant des cercles de plus en plus étroits.
Le garçon profite le plus longtemps possible de disposer encore d'une liberté d'action. Il s'aventure jusqu'au nombril. Il dépose de petits filets de salive. Puis retourne vers son visage, sachant qu'il ne serait bientôt plus en capacité de se mouvoir par lui-même tant qu'il le voudrait. Alors que la plante commence à prendre le contrôle sur ses membres, il tente d'unir ses lèvres à celles de la jeune femme, et finalement de l'embrasser. Sa bouche, souillée de sève au goût d'alcool de fruit et légèrement irritante, transmet sa chaleur chimique et piquante à celle de sa partenaire.