Six soldats aux arrêts, dans l’un des hôpitaux publics de la ville, l’un des nombreux longeant le port, où les accidents de travail étaient récurrents. On pouvait dire que l’arrivée des Winterfell à Nexus n’avait pas été très discrète. Dans un sens, Adamante ne pouvait que s’en prendre à elle. Elle n’avait visiblement pas insisté suffisamment auprès de Ronald Langley pour que la garde laisse passer les deux habitants de Winterfell. Ronald, pris dans ses préoccupations, n’y avait pas prêté gare, répondant à Adamante qu’il n’y avait aucune visite diplomatique des Winterfell qui était prévue. Partant de là, il n’allait pas demander à la garde portuaire de laisser passer tous les habitants venant des Îles Mélisi. En désespoir de cause, Adamante avait envoyé un corbeau pour croiser sa lointaine amie d’enfance, Astrid, mais, le temps que le corbeau arrive, le navire était déjà en route.
Comme elle s’y attendait, quand la garde avait demandé à la belle Astrid ses papiers, il y avait eu une effusion de sang. Fort heureusement, aucun blessé n’était à déplorer, mais Astrid et son frère, Jubal, avaient été arrêtés. Ils étaient dans l’un des donjons des casernes portuaires de la ville. Adamante avait rapidement appris ce désastre, et n’avait pu retenir un juron quand on lui avait rapporté l’affaire.
Adamante Mélisi connaissait Astrid depuis de nombreuses années. Astrid était une Winterfell, l’une des Cinq Familles de l’Archipel Mélisi. Les Winterfell étaient réputés au sein de l’Archipel pour être l’une des plus vieilles familles parmi les Cinq Déterminer qui était la plus vieille famille était sujet à des conversations généalogiques sans fin. Les Cinq Familles étaient tellement vieilles que quantité de théories circulaient, certains historiens allant jusqu’à supposer que, initialement, les Cinq Familles ne constituaient qu’une seule famille de marins humains, venue coloniser l’île. Dans tous les cas, les Winterfell étaient en guerre avec les quatre autres familles, et Astrid avait connu Adamante. Elles avaient été dans la même crèche, avant que les parents d’Adamante ne choisissent d’envoyer la jeune femme au monastère de Saint-Antoine, afin d’y accompagner la Reine de Nexus, Elena Ivory. Pour autant, Adamante avait conservé des liens avec Astrid. C’était grâce à elle que deux des frères d’Astrid, Benjan et Jonas, avaient pu rejoindre la garde de Nexus. Ils étaient affectés à la sécurité du Palais d’Ivoire, et c’était grâce à eux qu’Adamante avait appris qu’Astrid et Jubal comptaient venir. Au sein de la vaste famille des Winterfell, Astrid et Jubal étaient connus pour être très proches, une proximité qui laissait parfois circuler quelques folles rumeurs. Hamalcar et Solange avaient été très productifs ensemble, mais ce n’était, après tout, pas étonnant. Les Cinq Familles avaient un taux de natalité assez élevé. Adamante avait plus de cinq frères et sœurs. Cette forte natalité permettait aux Cinq de continuer à placer les leurs dans les administrations publiques et à la tête des différentes guildes. D’aucuns y voyaient une mainmise exorbitante, mais les critiques étaient relativement faibles. Personne ne songeait sérieusement à remettre en cause la supériorité légitime et ancestrale des Cinq Familles.
Quand Adamante apprit cette histoire, elle se rendit immédiatement dans la garnison portuaire.
« Tu veux que je vienne avec toi ? s’enquit Elena.
- Je vais y aller rapidement. Le mieux est que tu retrouves Benjan et Jonas, et que tu viennes avec eux. Ça calmera Astrid. La connaissant, elle a déjà du menacer les geôliers de représailles divines menées par Zeus en personne... »
Astrid était... Très impulsive. C’était le moins qu’on puisse dire, quand on la connaissait. Adamante se dépêcha de filer, laissant une Elena assez attristée. La Reine de Nexus connaissait évidemment les Winterfell, même si elle avait du mal à retenir tous les noms. Chacune des Cinq Familles cherchait visiblement à avoir le plus haut score d’enfants que les autres, et beaucoup de rumeurs incestueuses avaient tendance à circuler. Elena savait qu’elles étaient généralement infondées, tout comme elle savait qu’il n’y avait aussi pas de fumée sans feu. Il était historiquement prouvé que certaines des Cinq avaient développé des relations incestueuses, et que les unions entre les Cinq était extrêmement complexe. Tout au long de leur histoire, les Cinq n’avaient cessé de se marier entre eux, de se rapprocher, afin d’éviter de nouveaux conflits sanglants. Une sorte d’intense union, qui faisait que les Cinq Familles étaient une notion assez ambivalente.
La belle femme aux cheveux roux rejoignit au bout d’une demi-heure la caserne portuaire. Il était probable que Jamiël viendrait également, mais, pour l’heure, Adamante tenait à être la première. Elle traversa la ville sur un cheval des écuries du Palais d’Ivoire, sans prendre le temps de recevoir une protection, et traversa la ville.
Astrid et Jubal étaient dans une cellule de la caserne portuaire de Brise-Mer. Brise-Mer était un petit fort maritime près d’une plage. Adamante arrêta son cheval dans la cour de Brise-Mer, sautant de ce dernier, et tomba rapidement sur le capitaine de la garde.
« Dame Adamante de Mélisi ! » s’exclama l’homme, en reconnaissant l’une des dames de la Cour.
Adamante ordonna assez rapidement qu’on la conduise dans les cachots, afin d’aller y voir Astrid et Jubal, tout en ordonnant leur libération immédiate.
« Ces deux personnes ont agressé mes hommes, ma Dame, rétorqua le capitaine, je ne peux pas les laisser partir comme ça.
- Ces deux personnes appartiennent à l’une des Cinq Familles de Mélisi ! Ils bénéficient du statut des hommes diplomatiques, capitaine ! »
Le capitaine soupira, ne sachant pas trop quoi dire. Personne ne l’avait informé d’une visite diplomatique des Mélisains, et ils étaient, de surcroît, venu dans un simple navire commercial. Le duo marchait, jusqu’à descendre un étroit escalier en colimaçon, qui les conduisit sous terre, dans les cachots. Brise-Mer n’étant pas une prison, il y avait une cellule commune, dans laquelle on avait parqué Astrid et Jubal, ainsi que quelques ouvriers ivres, des drogués, et de petits délinquants.
En voyant Adamante, les gardes avachis se redressèrent subitement. Le capitaine était derrière Adamante, visiblement nerveux à l’idée d’avoir pu commettre une faute diplomatique.
« Astrid ! Jubal ! Vous allez bien ? Mais qu’attendez-vous pour ouvrir cette porte, bougre d’âne ? »
L’un des geôliers s’empourpra, et se dépêcha d’agir. Adamante portait une curieuse robe, violette, qui découvrait partiellement le haut de son corps, tout en ondulant élégamment le long de ses jambes. C’était la mode mélisaine, où les gens étaient généralement assez peu vêtus. Il suffisait de voir Astrid pour s’en convaincre.
La porte s’ouvrit, et les geôliers entrèrent, afin de dissuader les autres délinquants de tenter de s’échapper.
« Pourquoi qu’on les laisse sortir, eux ?! grogna un détenu.
- Y en a toujours qui sont plus égaux que d’autres ! »