La
Deinopis était juchée entre deux branches d’arbres, attendant que la guêpe se rapproche. Cette araignée était très particulière, et sa particularité ne tenait pas uniquement à son abdomen interminable, ou à ses deux gros yeux globuleux, mais aussi à sa manière de chasser. La chasse, pour une araignée, était très souvent une affaire de discrétion et de patience. L’araignée tissait sa toile dans un coin, et elle attendait patiemment que sa proie s’y rue. Elle revenait ensuite voir ce qu’elle avait attrapé, et dévorait lentement ses proies. La
Deinopis, elle, chassait de manière différente. La soie tissée par la
Deinopis n’était pas statique et rigide, mais très élastique, très molle, et, quand la proie se rapprochait, elle la jetait sur sa proie, comme un filet de gladiateur. La toile s’entourait autour de la proie, et la
Deinopis venait ensuite serrer, jusqu’à étouffer sa proie.
Une technique de chasse très particulière que le petit animal entendait bien faire sur cette guêpe qui se rapprochait d’elle. L’araignée était prête, invisible, tapie dans l’ombre. Cependant, alors qu’elle allait frapper, ses sens l’avertirent d’une autre menace, bien plus grande qu’une guêpe. La
Deinopis abandonna l’idée de sa proie en constatant qu’un
humain était arrivé. Pour elle, tout ça ne voulait rien dire, mais, en naissant, elle avait appris une chose : face à une grave menace, comme l’
humain, il fallait prévenir la Reine. C’était une sorte de réflexe de survie. Elle ignorait si cet humain était une menace ou non, elle n’avait guère les capacités de le savoir, et elle ne se posait même pas la question. Abandonnant la guêpe, la
Deinopisse déplaça rapidement, remontant le long du tronc de l’arbre, pour poser ses pattes sur l’épaisse toile qui en parcourait la surface, et s’avança jusqu’à l’un des « nœuds » de toile. Il y avait une multitude d’autres araignées dissimulées dans cette toile, une toile qui recouvrait toute la forêt, ou presque. La créature se déplaça jusqu’au nœud le plus proche, et tapa dessus avec sa patte.
Le nœud remua, et provoqua une vibration qui remonta le long de la toile, filant rapidement. Une vibration sonore qui alla jusqu’au cœur de la forêt, avant de suivre des fils supplémentaires, filant dans des crevasses, disparaissant sous terre, s’enfonçant dans une série de galeries sombres où des araignées massives se promenaient, pour rejoindre une grande pièce principal, une pièce où, assise sur son trône, Élise caressait du doigt l’abdomen velu d’une araignée. Lorsque la Reine perçut les vibrations, elle releva la tête, et l’araignée qu’elle caressait s’écarta rapidement, alors que la femme se relevait.
*
Un intrus !*
La Reine n’aimait guère recevoir de visites, et n’en attendait jamais. Ainsi, la visite d’un étranger était toujours, pour elle, une épreuve, car elle se demandait constamment ce qu’il venait faire par ici. Elle savait que sa forêt était une légende locale, ce qui attirait souvent de jeunes fous, qui entreprenaient de se rendre au Village des Toiles, anciennement appelé Pordruix. Cette simple vision suffisait à en faire fuir la plupart, mais celui-là n’était pas passé par le Village.
Élise sortit rapidement de son nid, et suivit le fil, qui l’amena jusqu’au nœud, d’où la
Deinopis avait appelé à l’aide.
La Reine se posa sur une branche, en voyant rapidement l’intrus... Et fut quelque peu perturbée en voyant qu’il s’agissait d’un jeune garçon.
*
Qu’est-ce que... ?!*
Élise cligna des yeux, étonnée. Qu’est-ce qu’un jeune garçon faisait ici ? Et, surtout, comment avait-il fait pour aller aussi loin, sans se prendre les pieds dans les nombreuses toiles d’araignées disséminées dans la région ? C’était impossible ! Perturbée, Élise hésita quelques secondes, avant de finir par se rapprocher. Elle se laissa tomber au sol, et atterrit élégamment, dans le dos du jeune homme, pliant légèrement les genoux, avant de se redresser, ses yeux rouges luisant brièvement dans l’obscurité de la forêt.
«
Que fais-tu ici, jeune garçon ? Te serais-tu perdu pour arriver dans un endroit où les jeunes enfants ne devraient pas aller ? »